L’Opéra de Montréal a opté pour une valeur sûre pour inaugurer sa nouvelle saison. Les noces de Figaro de Mozart, qui marquaient les débuts du chef Nicolas Ellis à l’Opéra de Montréal dans une production importée du sud de la frontière, ont été un succès sur toute la ligne.

Cela faisait 12 ans que ce chef-d’œuvre de l’art lyrique inspiré du Mariage de Figaro de Beaumarchais n’avait pas été l’objet d’une production professionnelle au Québec. L’organisation a, pour ce faire, eu recours à une production clés en main commandée conjointement par les opéras de Kansas City, Philadelphie, San Diego et Palm Beach.

Dès l’entrée dans la salle Wilfrid-Pelletier, le dispositif scénique de Leslie Travers impressionne. Une grande paroi grisâtre ornée d’un immense arbre généalogique en relief, celui du comte Almaviva évidemment, allait pendant trois heures pivoter dans tous les sens, se plier, se scinder, révéler maintes ouvertures par où les intrigues devaient se nouer et se dénouer.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Une grande paroi grisâtre était ornée de l’immense arbre généalogique du comte Almaviva.

Les magnifiques costumes XVIIIsiècle, aussi signés par Travers, permettent en outre de singulariser chacun des personnages.

Le travail du vétéran britannique de la mise en scène lyrique Stephen Lawless, qui fourmille d’esprit sans dénaturer l’œuvre, n’est pas moins mémorable. Telle phrase, telle strophe prend tout à coup une tournure inattendue, faisant fuser les rires dans la salle. C’est notamment le cas dans l’air Non più andrai lorsque Figaro détourne momentanément vers le Comte les accusations de séducteur impénitent normalement adressées à Cherubino.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Les noces de Figaro

Distribution solide

C’est le Figaro du jeune baryton croate Leon Košavić, un ancien de la Chapelle musicale Reine-Élisabeth en Belgique, qui remporte les premiers lauriers. La voix, puissante, souple et riche, se marie à une présence scénique forte.

La soprano Andrea Núñez, une ancienne de l’Atelier lyrique de Montréal qu’on avait pu entendre dans le rôle plus modeste de la première dame de la Flûte enchantée il y a un an et demi, s’amuse aussi visiblement dans la peau de sa fiancée Susanna. Mais est-ce son investissement scénique qui fait que la voix manque parfois de rondeur ?

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Les noces de Figaro

Le Comte du baryton Hugo Laporte, un habitué de cette scène, éblouit par sa voix veloutée, mais son jeu gagnerait à prendre plus de largeur, plus de panache.

Bravo pour l’ornementation audacieuse dans la reprise d’Hai già vinta la causa.

La soprano canadienne Kirsten MacKinnon nous a d’abord fait peur dans son premier air (Porgi amor), la voix ayant du mal à trouver ses aises (vibrato étrange et légers problèmes de justesse). Elle a ensuite retrouvé ses marques, et sa voix onctueuse autant que son abattage scénique ont tôt fait de nous désarmer.

Si le baryton-basse Scott Brooks n’avait pas tellement la voix de Bartolo, ses graves étant couverts par l’orchestre dans La vendetta, le Cherubino de Katie Fernandez, la Marcellina de Rachèle Tremblay, les Basilio et Don Curzio d’Angelo Moretti, la Barbarina d’Emma Fekete et l’Antonio de Matthew Li furent tous des contributions appréciables à cet excellent spectacle.

Et il y avait évidemment l’Orchestre Métropolitain dirigé par Nicolas Ellis qui, dès la virevoltante Ouverture, jouée aussi presto que possible, a fait bouillir la fosse comme une marmite. Le chef de 32 ans, nommé premier chef invité des Violons du Roy l’an dernier, a dégraissé la sonorité orchestrale, les musiciens jouant court et avec peu de vibrato. La formation s’est bien emmêlé les pinceaux dans le premier duo, mais le reste de la soirée a été un déferlement d’inventivité qui n’a eu d’égal que celle de la mise en scène.

Un spectacle à voir, donc, en reprise les 26 et 28 septembre (19 h 30) et le 1er octobre (14 h).

Consultez la page du spectacle