L’attente aura valu la peine : intense, aventureux, fin et puissant, le nouveau disque de Karkwa est son meilleur à ce jour.

L’ambition de Dans la seconde, album qui marque le retour de Karkwa, s’affirme dès les premières minutes. Ouverture, morceau qui, bien évidemment, lance le disque, commence de façon dépouillée (batterie, percussions électroniques, claviers) et, au bout d’une minute et des poussières, mêle ses envies épiques à des percussions et des guitares presque bruitistes avant de s’achever sur un chapelet de notes égrenées avec élégance par François Lafontaine.

Ces quelques notes pianotées font le pont avec le morceau suivant, Parfaite à l’écran, une chanson assez rock lancée au printemps qui laissait déjà entrevoir que Karkwa ne ferait pas les choses à moitié pour souligner sa résurrection. Elles réapparaîtront aussi plus loin puisque, sans vraiment proposer un album concept, le quintette formé de Stéphane Bergeron, Louis-Jean Cormier, François Lafontaine, Martin Lamontagne et Julien Sagot a choisi de lier les premières chansons du disque.

On retrouve sur Dans la seconde tout ce qui a fait la grandeur de Karkwa : ses envolées épiques, ses décharges rock, sa tendance atmosphérique et ses textes intuitifs aux contours fuyants. Mieux, le quintette étoffe sa manière en soignant les ambiances, en jouant parfois moins, mais en additionnant et en juxtaposant avec brio des pistes de guitare ou de clavier souvent économes. La force de ces chansons tient à cette façon de contrôler les élans et les déséquilibres.

Karkwa est un groupe, insistent ses membres. Dans la seconde en est l’éloquente démonstration : c’est un disque où chacun écoute l’autre, où chacun a sa place, où les envies rock sont habilement piratées par des envolées lyriques ou des glissements plus expérimentaux. Sans perdre de vue l’objectif de faire des chansons. On trouve d’ailleurs sur ce disque certains des textes les plus évocateurs et tendres de toute la discographie du groupe.

Une chanson comme À bout portant, par exemple, accumule les images évoquant à la fois la mort de George Floyd, l’assaut contre le Capitole, la guerre en Ukraine, la tragédie des pensionnats autochtones et les dérèglements climatiques. Puis elle vire à la tendresse : « Et ta main qui s’agrippe à la mienne/En espérant que revienne le beau temps/En dehors comme en dedans… » Plus loin, dans Nouvelle vague, encore quelques lignes aussi simples que fortes : « Et mes yeux verts ouverts/Regardent moins vers hier/qu’avant ».

En restant lui-même tout en évitant le piège de chercher à sonner comme avant, Karkwa signe ici son meilleur disque en carrière. Une œuvre riche du bagage de chacun qui constituera une conclusion éloquente si le groupe s’arrête là. Un nouveau départ plus que convaincant s’il décide de poursuivre l’aventure, même de manière ponctuelle. Dans la seconde a tout ce qu’il faut pour valoir à Karkwa un deuxième prix Polaris. Il ne reste presque plus de billets pour la tournée à venir, mais on ne doute pas une seconde que ces chansons-là brilleront aussi sur scène.

Extrait d’À bout portant

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Dans la seconde

ROCK

Dans la seconde

Karkwa

Simone Records

9/10