Étienne Daho est le roi incontesté de la pop française depuis plus de 40 ans. Alors qu’il lancera vendredi son 13e album, Tirer la nuit sur les étoiles, nous avons discuté avec l’élégant auteur-compositeur-interprète de création, d’éclectisme et de cohérence, et un peu du secret de sa jeunesse éternelle.

Tirer la nuit sur les étoiles fait référence à l’histoire d’amour entre Ava Gardner et Frank Sinatra. Avec ce titre, vous n’aviez pas le choix que ce soit un album sur l’amour ?

Oui, c’est vrai. Mais c’est surtout un album sur la vie, toute la gamme des émotions qu’on a quand on est emporté par quelqu’un. Et il ne parle pas que de ça, il y a les troubles de l’époque, la guerre en Ukraine… Je l’ai aussi écrit en pleine pandémie, donc il y a des petits bouts qui parlent de cette période qu’on a traversée collectivement.

Les textes sont très soignés, presque des poèmes. C’est ce qui donne le côté intemporel aux chansons ?

Tout à fait. Il ne faut pas souligner les choses à l’encre rouge. Il faut laisser une ouverture, pour que chacun puisse vraiment entrer dans la chanson et qu’il dise : cette chanson, elle est pour moi.

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Cela faisait six ans que vous n’aviez pas sorti d’album de chansons originales. Qu’est-ce qui vous a amené à la création de celui-ci ?

J’ai fait plein de pas de côté, plein de projets différents, notamment la production de l’album de Jane Birkin et la préparation de sa tournée. Écrire un album, c’est quand on est tout à coup envahi par des textes, des bouts de chansons, des mélodies. Par contre, il y a toute la gestation, la période où on absorbe le monde, l’extérieur, et tout ça mature dans le secret du laboratoire intérieur. C’est assez mystérieux, je ne sais même pas comment ça marche moi-même ! (Rires) Il y a un moment où on se sent prêt, c’est là, ça vient. La première qui est arrivée, c’est Les derniers jours de pluie.

Et elle a déclenché la suite ?

Oui. La toute première à être finalisée, je me suis dit : celle-là je vais la garder pour le disque. Quand on fait un album, il faut avoir le choix. Il faut écrire et composer beaucoup, pour garder les 10-12 titres qui sont les plus réussis, cohérents les uns avec les autres. Pour faire un ensemble, quelque chose de fluide.

Il y a des orchestrations somptueuses, mais aussi un groove très électro. Comment on garde le cap dans tout ça pour rester Étienne Daho ?

Je suis très éclectique depuis le début de ma carrière. J’ai essayé tous les styles de musique, sous la bannière de la pop. Après, je peux faire tout ce que je veux ! Je n’ai jamais développé qu’un style de musique sur tout un disque. Je trouve qu’un disque, c’est comme la vie, il faut qu’il y ait plein de choses.

Et il y a votre voix qui fait le lien, qui est votre signature et qui semble ne pas avoir pris une ride. Quel est le secret de cette voix ?

Je ne sais pas du tout. Les excès, peut-être ! Je ne lui fais pas attention. J’ai énormément fumé, trois paquets par jour, et j’ai arrêté. Je suis chanceux de toujours l’avoir, elle est particulière, elle a une singularité, je crois. J’ai fini par m’en apercevoir.

De Vanessa Paradis à Italoconnection, il y a une grande diversité de collaborations. Est-ce que, parfois, des gens vous disent non ?

Euh… ça paraît prétentieux, mais ce n’est jamais arrivé ! Mais vous savez aussi, je ne me pointe pas comme ça, voilà, bonjour, est-ce que vous voulez chanter avec moi ? Ce sont des relations d’amitié, presque une famille d’esprit. Il y a une logique dans ces associations. Aucun duo n’a été fabriqué pour des raisons commerciales, seulement pour des envies artistiques, des rencontres. Je ne pourrais pas travailler autrement.

Vous avez travaillé avec des collaborateurs de longue date, comme Jean-Louis Piérot, mais aussi avec des gens nouveaux dans votre univers, comme Jade Vincent, d’Unloved. C’est important de travailler avec des créateurs d’aujourd’hui ?

Ah, bien oui ! J’aime vraiment beaucoup ce qui est neuf. Je suis très sensible à ça, et mes bras sont grands ouverts pour la nouveauté ! J’en ai marre de ceux qui disent que c’était mieux avant. J’en ai marre des vieux, en fait. (Rires) Vous voyez ce que je veux dire ? Les grincheux qui disent c’était mieux avant… On est vivant aujourd’hui, et il y a plein de choses bien. Il faut avancer avec ça. Il y a plein de très bonnes énergies, des gens qui ont de très bonnes idées. Je les aime bien, ils m’aiment bien, et on fait des choses ensemble. C’est naturel. Je ne sens pas de différence d’âge avec les gens plus jeunes avec lesquels je collabore. Je ne pense jamais à mon âge, c’est abstrait pour moi.

À 67 ans et après plus de 40 ans de carrière, le défi de la pertinence, c’est quelque chose qui vous habite ?

J’essaie de rester cohérent avec moi surtout, avec mes envies. Avancer avec la même fraîcheur qu’à mes débuts. C’est vrai que 40 ans, c’est assez long et que c’est beaucoup de chansons, en même temps ça va très vite et chaque disque est une aventure. On rejoue tout, on renouvelle tout à chaque disque. Pour moi, c’est le premier chaque fois.

Tirer la nuit sur les étoiles

Pop

Tirer la nuit sur les étoiles

Étienne Daho

Universal
En vente vendredi

Qui est Étienne Daho ?

Influencé par le rock rennais et la pop anglaise, Étienne Daho fait ses débuts dans un groupe en 1979 et se lance en solo en 1980.

Pendant les années 1980, il devient une immense vedette avec des titres comme Tomber pour la France.

Durant les décennies suivantes, il continue de faire des albums, multiplie les collaborations et reste au sommet. Sorti en 2007, L’invitation lui vaut le Victoire de l’album pop rock. Il compose et réalise l’album de Jane Birkin Oh ! Pardon tu dormais en 2020.

Grand prix SACEM de la chanson française en 2013, Victoire d’honneur en 2018, Grande Médaille de la chanson française en 2021 : Étienne Daho récolte les fruits de sa fructueuse carrière.