Montréal cultive d’habitude un bon voisinage musical avec la capitale canadienne. Le concert de l’Orchestre Métropolitain (OM) de vendredi soir n’a pas fait exception, avec un chef et un soliste ottaviens à la hauteur de leur réputation.

Le Britannique Alexander Shelley est directeur musical de l’Orchestre du Centre national des Arts (CNA) d’Ottawa depuis bientôt dix ans. Un des meilleurs violonistes canadiens du haut de ses 26 ans, Kerson Leong est originaire de la ville ontarienne. Leur réunion sur la même scène ne pouvait qu’augurer de bonnes choses.

Leong nous a habitués à un jeu sensible, une sonorité de velours et une désarmante facilité dans les traits les plus virtuoses. Son Concerto en ré majeur, opus 35, de Tchaïkovski, présenté en première partie, nous a montré encore une fois ces grandes qualités.

On cherchera longtemps avant de trouver des aigus aussi pleins, un archet aussi généreux. On sent également une vraie passion tout au long du concerto.

Cela dit, l’approche plutôt lyrique, assez étale, qu’adopte Leong ne fera peut-être pas l’affaire de tous. Il se situe, disons, plus du côté de David Oïstrakh que de celui de Jascha Heifetz, deux des interprètes historiques de l’œuvre, le premier le jouant en quelque six minutes de plus que le second (ce qui n’est vraiment pas rien pour une œuvre d’une trentaine de minutes !).

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Le soliste Kerson Leong

Sans dire que l’invité de l’OM s’étend, il a néanmoins tendance à vraiment laisser le temps à chaque phrase, pour ne pas dire chaque note, de sonner. Avec une aussi belle sonorité, difficile de se plaindre.

Mais le premier mouvement reste quand même un allegro, même si le compositeur y adjoint l’indication « moderato ». On a donc le goût de quelque chose d’un peu plus guilleret, de moins détaillé. Idem dans le finale, demandé « vivacissimo » (très vif). L’accompagnement idoine de Shelley paraissait en conséquence parfois pataud.

Le mouvement lent (pas si lent que ça, il s’agit quand même d’un andante) était néanmoins on ne peut plus satisfaisant. Peut-être pas autant, toutefois, que le rappel offert par le violoniste, la Sonate no 3 en ré mineur, dite « Ballade », d’Eugène Ysaÿe, que Leong a enregistrée récemment chez Alpha. Un grand moment.

Une interprétation enlevante

Alexander Shelley avait expliqué dès le début du concert, uniquement en français, les tenants et aboutissants de la seconde partie, constituée de My Name is Amande Todd de Jocelyn Morlock et de la Suite du Chevalier à la rose, de Richard Strauss.

Troublant moment que cette page composée à la suite du suicide, il y a 10 ans, de cette Britanno-Colombienne de 15 ans victime de cyberintimidation. Encore plus avec le décès subit de la compositrice il y a un mois.

Une magnifique élégie comportant des zones d’ombre et de lumière. La faire suivre par la musique passablement insouciante du Chevalier à la rose crée toutefois un certain hiatus…

Le chef de l’Orchestre du CNA, qui a dirigé le Strauss de mémoire, nous en a donné une interprétation enlevante, passionnée, ménageant de nombreux contrastes entre les différentes sections. Le Métropolitain, exceptionnellement mené par l’excellent violon solo Oleg Larshin, a été tout à fait à la hauteur.