L’introspection se poursuit sur le neuvième opus de l’artiste américaine, mais pas seulement, car elle chante encore aussi bien la tragédie du rêve américain.

Disons-le d’emblée, Lana Del Rey est notre chanteuse préférée. Autre confidence : nous écoutons surtout du rap underground américain. Les sonorités se ressemblent peu – quoique Lana ait déjà collaboré avec A$AP Rocky et Playboi Carti –, mais il y a des similitudes dans le propos – en plus des rythmes trap qui reviennent occasionnellement sur ses albums, dont celui-ci. À leur façon, tant Lana que les rappeurs dépeignent de manière assez crue certains aspects de leur vie aux États-Unis, qui est en même temps un reflet de leur pays. Nous sommes sans contredit le produit de notre environnement.

Sur A&W (American Whore) – un chef-d’œuvre –, le deuxième extrait de Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd, on peut penser que Lana fait à la fois référence à sa relation avec les médias et à la vision qu’a le reste du monde des États-Unis lorsqu’elle chante : I’m a princess, I’m divisive/Ask me why, why, why, I’m like this/Maybe I’m just kinda like this/I don’t know, maybe I’m just like this.

Pour nous, Lana Del Rey représente une version tragique, de plus en plus mélancolique, du rêve américain. À première vue, il est parfait et atteignable, mais lorsqu’on creuse davantage, il torture et il s’échappe. Le personnage de la prolifique Elizabeth Grant a évolué au fil des années. Sa naïveté, ses grandes joies et ses lourdes peines des premiers albums ont tranquillement laissé place à l’introspection et à une certaine sagesse.

La pièce-titre fait référence au tunnel Jergins, qui, avant sa fermeture en 1967, permettait aux piétons de passer sous le boulevard pour se rendre à la plage. Elle mentionne ses belles mosaïques et ses tuiles peintes. La beauté a été cachée par « des murs construits par des hommes ». L’autrice se demande ensuite quand son tour viendra, si sa beauté sera aussi oubliée. Ainsi, elle chante plus tard : Fuck me to death, love me until I love myself. L’estime de soi, ou plutôt son manque, est un thème récurrent dans l’œuvre de l’artiste qui enregistre depuis 2005.

Depuis quelques albums, et encore plus sur ce dernier, Lana semble se réfugier chez ses proches pour trouver cet amour. The Grants, la première des 16 chansons, porte le nom de sa famille et évoque les précieux souvenirs de celle-ci. La magnifique poésie décousue de Fingertips raconte quant à elle des expériences vécues avec des êtres chers.

Le piano et les cordes, généralement doux et vaporeux, forment le canevas qu’on entend depuis Norman Fucking Rockwell. Pas étonnant lorsqu’on voit que Jack Antonoff et Drew Erickson signent de nouveau la majorité des compositions. Ce même Antonoff chante avec son groupe Bleachers sur Margaret, une lettre d’amour à sa fiancée, l’actrice Margaret Qualley. Father John Misty est l’autre invité notable, sur Let The Light In, une jolie chanson même s’il est question d’adultère.

Bien que sa poésie puisse être très puissante, c’est l’ambiance que crée Lana Del Rey qui la rend unique. Nous serons certainement au Festival d’été de Québec, le 15 juillet, où la chanteuse sera présente, car c’est entouré de ses fans qu’on ressent réellement sa vibe.

0:00
 
0:00
 
Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd

Alt pop

Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd

Lana Del Rey

Universal Music

8/10