(Paris) Surprise… Stephan Eicher dribble les conventions, diffusant désormais sa musique au fil de l’eau, en digital, avec quatre nouveaux titres livrés ce vendredi, loin du format album en physique attendu pour un artiste de son rang.

Les quatre morceaux sont rassemblés sous le titre Autour de ton cou, comme un clin d’œil pour un artiste qui a décidé, justement, de ne plus avoir de corde ni de bride.

« Je sors d’une histoire complexe avec l’industrie du disque (un bras de fer l’a empêché de sortir des chansons originales entre 2012 et 2019), et après, quand le disque Homeless songs est sorti (2019) on n’a plus eu le temps de respirer avec la pandémie », dissèque le Suisse, rencontré par l’AFP à Paris.

L’air est même devenu étouffant autour de lui pendant la crise sanitaire. « J’ai perdu mon père avec ce virus, je n’ai pas pu l’enterrer, et mon équipe de musiciens et techniciens a vécu des moments sales dès mars 2020 (premier confinement) avec des cas de déprimes graves ».

Pour ses fans, et les autres, entendre sa musique maintenant sera comme remonter à la surface pour prendre une bouffée d’oxygène. « C’est pas moi qui serre autour de ton cou/C’est dans l’atmosphère/C’est bien fait pour nous », entend-on dans le morceau titre.

Philippe Djian, Sophie Calle

Un texte, encore une fois couché sur le papier par l’écrivain Philippe Djian après ses conversations avec le chanteur, qui sonne comme un écho aux crises, qu’elles soient sanitaire ou militaire avec l’invasion russe en Ukraine.

« Est-ce que ce qui nous arrive géopolitiquement c’est dû à l’extérieur, ou à nous, qui n’avons pas réagi ? On aurait pu se dire que plusieurs centaines de milliers de soldats autour de l’Ukraine ça faisait un peu beaucoup pour une manœuvre… », commente l’artiste au look immuable de mousquetaire.

Comme d’habitude, avec les mélodies d’Eicher et les textes de Djian, différents niveaux de lecture sont possibles, entre universel et intime, rudesse et douceur. Et, cette fois, une autre artiste embarque dans l’aventure, puisque Sophie Calle fournit le visuel.

« C’est ma meilleure amie, je lui ai envoyé la chanson Autour de ton cou et je lui ai demandé pour l’illustrer si elle connaissait quelqu’un, car elle a un goût très sûr, connait des photographes », commence-t-il.

Suites rock, soul, électro…

« Mais elle aime beaucoup Autour de ton cou et elle m’a dit “Faut pas que tu fasses n’importe quoi, mec !” (rires). Je lui ai dit “je vois des mains, c’est un titre violent et tendre” et là elle me dit qu’elle travaille autour des mains de son père, décédé, comme le mien ». Elle lui montre alors une de ses créations, une photo de mains, qui sert donc à illustrer Autour de ton cou.

Ces quatre chansons ne seront pas sans suite. Il y aura « d’autres familles » de morceaux, prévient le sexagénaire. « Là, tout est écrit au piano, le prochain (lot), qu’on a fini à Bruxelles, sera très rock. Il y en aura un autre, soul, et puis j’ai toujours mes synthés pour une partie électronique. Peut-être que tout cela, en fin d’année, donnera une collection ».

« Presser un disque, c’est 3-4 mois, là avec internet, je veux une parenthèse, je l’enregistre aujourd’hui et je le livre demain, ça me rend financièrement critique, mais super-heureux pour l’artistique », insiste-t-il.

L’argent n’est pas un moteur, de toute façon. Ces artistes, qui, de leur vivant, vendent leurs droits pour des fortunes — à l’image de Bob Dylan — le laissent songeur. « Moi, si je vends mes droits ce sera pour la collectivité, pour soutenir des écoles de musique : Si Déjeuner en paix peut payer une salle de conservatoire, ça, c’est chic ».