Le Huffington Post a conquis jeudi un nouveau pays, l'Espagne, défiant la crise en lançant dans ce pays une édition du site d'information américain, qui affiche sans détours un ton critique envers la politique d'austérité menée par le gouvernement.

«Silence», titre en grosses lettres la page d'accueil du site, au-dessus d'un photomontage montrant une infirmière au chevet du Premier ministre Mariano Rajoy, l'air incrédule, flanqué de son ministre de l'Économie, Luis de Guindos, les yeux fermés, et de celui du Budget, Cristobal Montoro, l'air docte d'un professeur donnant une leçon.

«Le gouvernement se tait pour que de Guindos (ministre de l'Économie, ndlr) puisse se coordonner avec l'Union européenne... Huit messages différents d'un même gouvernement», affirme la légende, décrivant les préparatifs en coulisses d'un possible plan européen d'aide aux banques espagnoles.

Arianna Huffington, âgée de 61 ans, qui a fondé en 2005, aux États-Unis, le site acheté en février 2011 par le portail internet AOL, était venue elle-même à Madrid pour le lancement de l'édition espagnole.

Dans une entrevue à l'AFP, elle a expliqué le lancement de cette nouvelle édition, la troisième en Europe, comme un défi au contexte économique et à la récession. Elle a estimé que les crises constituent de bons moments pour lancer de nouveaux modèles et donner aux gens un lieu pour s'exprimer.

Le site, joint venture détenue à parts égales entre la fondatrice et le quotidien El Pais, emploie dix salariés, dont huit journalistes. Le journal espagnol fournit la publicité et les deux associés se partageront les bénéfices.

«Je pense que l'on peut gagner de l'argent», assure Mme Huffington.

Déjà, outre l'édition américaine, le concept a été décliné depuis 2011 en deux éditions anglophones au Canada, puis en Grande-Bretagne, suivies par une première édition francophone en France.

«Nous fonctionnons comme une startup, sans frais généraux élevés, c'est pourquoi, dans chaque pays, nous travaillons en association avec un média établi», a-t-elle expliqué.

«Nous apportons le modèle du Huffington Post, la technologie. Nos formons les journalistes locaux mais c'est avant tout une opération locale, menée par des journalistes espagnols», a-t-elle ajouté.

Le Huffington Post espagnol, bien que s'affichant «au-delà de la gauche et de la droite», prendra clairement position contre l'austérité imposée par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.

Pour elle, les mesures d'austérité en Grèce n'ont fait que creuser la dette en réduisant la croissance économique et les recettes fiscales.

«Nous sommes pour le moment aux prises avec une idéologie destructrice. Nous ne sommes pas vraiment en train de mener une politique économique saine», a-t-elle tranché.

Parlant du concept qu'elle a lancé et emploie un réseau de 500 journalistes aux États-Unis, elle a estimé qu'il s'agit d'un modèle «hybride».

«Nous sommes une entreprise journalistique qui fait honneur à toutes les traditions du journalisme, et nous sommes une plate-forme à laquelle collaborent des milliers de bloggers», a-t-elle souligné.

Mme Huffington entend bien poursuivre l'aventure: elle a annoncé le lancement d'une édition italienne en septembre, en collaboration avec le groupe de presse L'Espresso.

«Ensuite, nous sommes en pourparlers en Allemagne, au Brésil, en Inde, au Japon», a-t-elle ajouté en évoquant d'autres projets, sans donner davantage de précisions.