Une illustration générée par intelligence artificielle (IA) s’est retrouvée sur la couverture d’un roman, causant la surprise d’un auteur et de sa maison d’édition, qui en a acquis les droits.

Mercredi, l’auteur et journaliste Samuel Larochelle a partagé sur les réseaux sociaux la couverture de son prochain roman, Elias et Justine, à paraître le 13 septembre prochain aux Éditions Druide.

L’illustration montre un homme et une femme dont les visages sont dissimulés sous un nuage rose pastel. « Je capoooote sur cette couverture », a-t-il souligné dans sa publication.

Or, certains ont rapidement soulevé que l’image semblait avoir été générée par intelligence artificielle. Ce qui a éveillé les soupçons ? La femme sur l’illustration a l’air d’avoir trois jambes.

Toutes les personnes impliquées dans le projet, y compris l’auteur, ignoraient que l’image avait été générée par ordinateur, a affirmé le président des Éditions Druide, Luc Roberge, en entrevue avec La Presse.

Ce sont les réactions du public qui leur ont mis la puce à l’oreille. Après que des milliers d’exemplaires du roman ont déjà été imprimés. « On n’avait pas [l’intelligence artificielle] sur notre radar », souligne M. Roberge.

« On est en réflexion »

Comme c’est souvent le cas en édition, l’illustration avait été dénichée dans une banque d’images. « Il y a quelques mois, j’ai fait des recherches pour orienter la page couverture. J’ai trouvé cette image inspirante et j’ai pensé qu’elle représentait bien l’idée du livre. La maison d’édition a décidé de l’utiliser pour créer la page couverture : l’équipe a acheté les droits d’utilisation sur la banque d’images et a demandé à une designer graphique de créer la couverture », a expliqué Samuel Larochelle dans un long statut publié sur Facebook.

Une mention dans le crédit de l’image indiquait effectivement que celle-ci avait été créée par ordinateur, mais personne ne l’avait remarquée jusqu’à maintenant.

En ligne, l’auteur a affirmé que des discussions avaient cours quant au sort de milliers de copies déjà imprimées. « Pour l’instant, on est en réflexion autour de ça. On doit parler aux équipes sur le terrain et aux libraires », précise Luc Roberge.

Selon lui, le roman ne mérite pas d’être « immolé » pour une malheureuse erreur. L’incident doit toutefois servir de mise en garde pour le milieu de l’édition. L’intelligence artificielle ne cesse de faire des progrès qu’il faudra rapidement baliser.

Il y a une discussion qui dépasse le cadre d’un auteur et d’un éditeur. Les associations devraient se pencher sur ça parce qu’il y a plein de nuances là-dedans.

Luc Roberge, président des Éditions Druide

Par exemple : comment s’assurer de l’authenticité d’une œuvre ? L’intelligence artificielle peut-elle être utilisée à certaines fins ? Surtout, il y a la crainte que l’intelligence artificielle ne remplace des créateurs.

Depuis plusieurs années, l’apparition de logiciels comme Dall-E, Midjourney ou encore Stability AI a changé le paysage virtuel des arts visuels. Des images époustouflantes, créées à partir de quelques mots, pullulent sur le web.

« C’est certain qu’à partir de maintenant, c’est quelque chose qu’on va devoir discuter. On ne veut pas nuire au travail des créateurs », a soutenu de son côté l’éditrice Anne-Marie Villeneuve, qui a travaillé sur le roman de Samuel Larochelle.

Visiblement ébranlé, l’auteur a déploré sa « naïveté » devant « la montée de l’intelligence artificielle ». « J’espère que cette situation, découlant de notre maladresse, sensibilisera tout le milieu. L’utilisation de l’IA peut être encore plus insidieuse que je l’imaginais ; il faut porter attention à nos angles morts », a-t-il écrit.

La Presse a écrit plusieurs textes sur l’intelligence artificielle dans le milieu des arts visuels. L’an dernier, Tristan Péloquin avait notamment mené une enquête sur la création d’œuvres originales à partir d’une banque d’œuvres existantes.

Lisez le reportage de Tristan Péloquin