« Pour cette recette de lapin aux carottes, il vous faut : un lapin, des carottes, une grande casserole. » Ainsi commence le loup dans Comment cuisiner les lapins, un album de Michaël Escoffier, auteur français très apprécié des enfants. C’est la Québécoise Manon Gauthier qui illustre ce livre rigolo, paru récemment en France chez Kaléidoscope — il arrivera chez nous sous peu.

Sur France Inter le 1er mars, la critique de Denis Cheissous était élogieuse. « L’univers graphique de Manon Gauthier, Québécoise de talent, n’est pas très loin de ceux de Christian Voltz, avec un côté très joueur qui se marie parfaitement à celui de Michaël Escoffier, a-t-il dit. Une technique de collage très manuel, qui donne beaucoup d’expression à ces doubles pages attachantes et espiègles. »

Attachantes, espiègles et proches de la nature : voilà en effet comment décrire les créations de Manon Gauthier. Déjà en 2016, elle avait illustré Tempête sur la savane du même Michaël Escoffier, publié chez l’éditeur québécois D’Eux. « On s’était rencontrés et on s’était dit que ce serait chouette d’en faire un deuxième », se souvient Manon Gauthier, rencontrée dans son atelier donnant sur le parc Baldwin, à Montréal.

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Boîte de pastels de Manon Gauthier

Créer comme un enfant de 6 ans

Ce souhait est devenu réalité quand Michaël Escoffier lui a proposé de donner vie au coquin de loup de Comment cuisiner les lapins. Ce canidé — et la forêt où il vit avec le fameux lapin — a vu le jour l’été dernier. « J’ai un processus de travail un peu bizarre, explique Manon Gauthier. Toute la journée, je fais plein de travail et 95 % du temps, ça ne marche pas. Surtout quand je dois trouver des personnages et des concepts. Ce qui me sauve, en fin de journée, ce sont mes ciseaux. Le collage, c’est plus spontané. » Pour le créer, Manon Gauthier s’est demandé : « Si tu avais 6 ans, comment tu le ferais ? »

  • Manon Gauthier commence par dessiner quelques croquis très basiques, sur papier calque. « D’album en album, je cherche toujours comment faire », dit l’artiste.

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    Manon Gauthier commence par dessiner quelques croquis très basiques, sur papier calque. « D’album en album, je cherche toujours comment faire », dit l’artiste.

  • C’est en découpant une tête qu’elle fait naître son loup. « J’utilise beaucoup de trucs pas chers, observe-t-elle. Je veux que les enfants se disent qu’ils n’ont pas besoin des meilleurs papiers et cartons pour créer. »

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    C’est en découpant une tête qu’elle fait naître son loup. « J’utilise beaucoup de trucs pas chers, observe-t-elle. Je veux que les enfants se disent qu’ils n’ont pas besoin des meilleurs papiers et cartons pour créer. »

  • « Quand j’étais petite, j’allais à l’épicerie avec ma mère, se souvient Manon Gauthier. Il y avait de grands rouleaux de papier pour emballer la viande. J’en demandais et j’avais du fun avec ça. »

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    « Quand j’étais petite, j’allais à l’épicerie avec ma mère, se souvient Manon Gauthier. Il y avait de grands rouleaux de papier pour emballer la viande. J’en demandais et j’avais du fun avec ça. »

  • Extrait d’une œuvre originale de Comment cuisiner les lapins. « Je fais un peu comme un casse-tête, explique Manon Gauthier. Je joue avec ce que j’ai découpé. »

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    Extrait d’une œuvre originale de Comment cuisiner les lapins. « Je fais un peu comme un casse-tête, explique Manon Gauthier. Je joue avec ce que j’ai découpé. »

  • « Faire des arbres, c’est ce que je préfère », dit l’artiste. Elle évoque l’écorce du bouleau en appliquant de la poussière de fusain au doigt, sur un carton blanc découpé.

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    « Faire des arbres, c’est ce que je préfère », dit l’artiste. Elle évoque l’écorce du bouleau en appliquant de la poussière de fusain au doigt, sur un carton blanc découpé.

  • L’œuvre originale de Manon Gauthier, en haut, et sa reproduction dans Comment cuisiner les lapins, en bas.

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    L’œuvre originale de Manon Gauthier, en haut, et sa reproduction dans Comment cuisiner les lapins, en bas.

  • Planche originale de De Jade Janvier à Dany Décembre, livre illustré par Manon Gauthier aux éditions de l’Isatis.

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    Planche originale de De Jade Janvier à Dany Décembre, livre illustré par Manon Gauthier aux éditions de l’Isatis.

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« Je trouve que Manon est au sommet de son art avec ce livre, commente Michaël Escoffier. Elle a réussi à faire des images à la fois très fortes, très marquantes, et d’une extrême simplicité, ce qui est sans doute la chose la plus difficile à réaliser. »

L’influence de Fanfreluche

Petite, l’artiste aimait regarder Fanfreluche à la télé. Cette poupée entrait dans les albums qu’elle racontait, donnant vie aux personnages et aux décors. Manon Gauthier s’en inspirait pour bricoler des livres dans lesquels les illustrations étaient des collages. Son père, qui s’adonnait à l’art populaire dans ses temps libres, l’a aussi influencée.

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Crayons de l’atelier de Manon Gauthier

Graphiste de formation, Manon Gauthier a exercé ce métier pendant 20 ans, le temps d’élever son fils. Après avoir perdu son poste à la suite d’une restructuration, elle a renoué avec la création, illustrant en 2006 le remarqué Ma maman du photomaton, d’Yves Nadon, aux 400 coups.

Planches perdues

Depuis, les livres — et les surprises — s’enchaînent. Les collages de Comment cuisiner les lapins ont, par exemple, dû être expédiés en Italie pour y être numérisés (c’était une demande de l’éditeur). Horreur : six œuvres originales ont été… perdues. « Le colis a finalement été retrouvé à Seattle, aux États-Unis, raconte Manon Gauthier. Il avait été ouvert, car ils cherchaient une adresse ; le coupon de livraison n’était plus là. » Résultat : elle a dû refaire une des planches, qui s’était métamorphosée en accordéon.

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Manon Gauthier fait beaucoup d’ateliers d’art dans les écoles, où les retailles sont ses alliées.

D’autres surprises sont plus agréables, comme le Prix du livre jeunesse des Bibliothèques de Montréal, reçu par Manon Gauthier en 2015 pour Elliot, aux 400 coups. C’est aussi le cas de Comment cuisiner les lapins : ce livre met un baume sur une précédente collaboration avec les éditions Kaléidoscope, qui a avorté. Le courriel de la maison d’édition s’était bêtement caché parmi les pourriels de l’illustratrice…

Tout cela est bien beau, mais qu’en est-il du pauvre lapin dans cette histoire ? Qu’on se rassure : il est malin. « J’ai tout de suite adoré le texte de Michaël, souligne Manon Gauthier. Étant végétarienne, j’aimais l’idée qu’il ne se fasse pas manger à la fin… »

Comment cuisiner les lapins, texte de Michaël Escoffier, illustrations de Manon Gauthier, éditions Kaléidoscope. Dès 4 ans.