En un demi-siècle, on a été tant de fois éblouis par Herbie Hancock sur les scènes montréalaises, et pourtant... ce fut hier une de ses prestations les plus réussies d'entre toutes.

La grande forme, la grande classe, aucun déclin à l'horizon, pour ne pas dire un nouvel élan !

Renchérissons : le pianiste et claviériste de 78 ans était dans une forme parfaite, s'appliquant à faire la synthèse de ses joyaux jazz funk des années 70 et autres thèmes des années 60, synthèse à laquelle il juxtaposait des éléments inédits, complémentaires à l'esprit d'antan, mais aussi en phase avec le présent de l'indicatif.

Intergalactique, l'introduction aux claviers avait donné le ton : Herbie et ses comparses nous mèneraient dans la constellation de Chameleon, fameux riff autour duquel le musicien intégrera innovations et citations historiques de la grande époque Headhunters.

Avec lui s'exprimaient en temps réel le désormais incontournable guitariste et chanteur béninois Lionel Loueke, le batteur Trevor Lawrence et le bassiste James Genus, bref un noyau d'artistes de haute volée avec qui le pianiste travaille depuis un bon moment déjà et qui n'a cessé de se bonifier. D'ailleurs, une large part de ce qu'on a entendu hier tait le résultat d'un travail collectif élaboré au tour de cette relation à long terme entre Herbie Hancock et ses extraordinaires sidemen.

Même impression avec la relecture de la pièce Actual Proof, tirée de son fameux album Thrust, ou encore avec les fragments repérés de Watermelon Man, de l'album Headhunters: les structures originelles de ces compositions étaient aussi des portes d'entrée sur une relance conceptuelle.

Nouveaux riffs, nouvelles phrases, nouveaux traitements de la voix, nouveaux éléments électroniques, nouvelles particularités rythmiques, interactions plus subtiles et plus complexes, liberté accrue des solistes.

Enfin bref, hier à la Wilfrid assistions-nous au nouvel élan d'un musicien de 78 ans !

Rien à voir avec les derniers soubresauts professionnels d'un homme âgé qui, refusant son déclin, tente de revivre une dernière fois son glorieux passé.

Même le thème du standard Cantaloupe Island, composé par Herbie Hancock à ses débuts, était hier le prétexte d'une migration vers d'autres territoires, assortis de solos guitare-voix venus d'une Afrique brillante, conjuguée au futur antérieur, ainsi que d'un incroyable soutien de la section rythmique.

Que nous réserve donc le prochain opus de Herbie Hancock, qu'il concocte avec la nouvelle génération de musiciens from LA ? Le simple fait de s'en exciter en dit long sur l'état dans lequel se trouve ce très grand musicien.