Pour les jazzmen, Johann Sebastian Bach est quasiment l'un des boys, il serait là qu'ils l'appelleraient «Jays» ... Ils disent que le compositeur du Clavier bien tempéré, innovateur tous azimuts, a été le premier à mettre du swing dans la musique.

«Bach, tu peux jouer ça en 4/4 n'importe quand», nous disait Michel Donato la semaine dernière en nous parlant de son projet Groove en Bach qu'il a présenté hier à l'Astral avec le percussionniste Pierre Tanguay. Donato s'inscrit dans une longue lignée de jazzmen qui ont fait ressortir le swing des oeuvres de «Seb» Bach (1685-1750). Déjà en 1937, le guitariste manouche Django Reinhardt et le violoniste Stéphane Grappelli, qu'on a souvent vus au Festival, swignaient à fond dans le Concerto pour 2 violons en ré mineur.

Le contrebassiste Donato, lui, s'est inspiré de la première et de la cinquième Suites pour violoncelle seul, pas vraiment votre Bach de tous les jours même si les plus grands instrumentistes, comme Pablo Casals et Yo-Yo Ma, les ont interprétées. Il a pris les courantes, sarabandes, menuets et autres gigues et, avec l'aide du percussionniste très inventif qu'est son comparse Tanguay, a transformé ces danses anciennes en tango, en samba et en bossa-nova. Groove baby!

Donato à la «contre-Bach», donc, et Tanguay à la théière, au triangle, au balafon, à la cloche à fromage et aux balais joués sur une chaise de cuisine des années 50. Le public, attentif au max, a apprécié chaque instant de ce concert hors-norme et particulièrement les deux pièces dédiées à la mémoire de Dave Brubeck, dont cette «sarabande tama» («talking drums») que Donato a intitulée Blue Rondo à la Bach.

Cette belle heure de musique, finalement, nous fait dire que le jazz ne doit pas se porter si mal ici quand des musiciens de cette qualité peuvent concevoir un projet de cette nature et le présenter dans une salle comble.

Chab-doo-Bach, chabadoo-Bach !