Venue chanter à L'Astral en 2010, Youn Sun Nah était restée un secret bien gardé, et ce, malgré la ferveur de ses nouveaux fans ébahis qui ont répandu la bonne nouvelle comme ils l'ont pu.

Dimanche soir, le nombre accru de jazzophiles venus à sa rencontre au Théâtre Jean-Duceppe lui ont fait un tel triomphe qu'il est aisé de conclure à la consécration montréalaise. Vraiment.

Blues for O.P. , gracieuseté du guitariste suédois Ulf Wakenius puisqu'il a eu «l'immense privilège» d'avoir fait partie de l'ensemble du regretté Oscar Peterson (O.P.), précède l'arrivée sur scène de cette artiste coréenne qui parle si candidement... et qui se révèle contre toute attente une bombe d'expression, torch singer réinventée, interprète de haute volée. Registre impressionnant, variété de timbres, puissance à revendre, délicatesse lorsque nécessaire, théâtralité, grâce et passion.

Le choix des interprétations en dit long sur la personnalité artistique de Youn Sun Nah. Jazzifiée, Hurt de Nine Inch Nails occupe tout l'espace. Uncertain Weather, composition originale de la chanteuse, est l'occasion d'un solo de gazou qui n'a rien de caricatural. Elle interprétera ensuite Momento Magico, composition de Wakenius, certes la meilleure pièce de son dernier album (Lento, étiquette Act) : pinacle d'onomatopées vocales et de haute voltige guitaristique. L'auditoire est ébloui, inutile de le préciser. Seul bémol au programme de ce concert en duo  : la séquence tape-à-l'oeil de Wakenius lorsqu'il a fait résonner les cordes de sa guitare acoustique avec une bouteille de plastique vide.

Le programme était constitué de chansons originales et de reprises très personnelles dont Calypso Blues (Nat King Cole), My Favorite Things (Rodgers and Hammerstein) ou Ghost Riders In The Sky (Stan Jones). Heureusement plus sale sur scène que sur ses albums, aurons-nous noté; les trois derniers albums de Youn Sun Nah ne captent peut-être pas toute l'étendue de son expression.

À l'évidence, nous avions devant nous une artiste dont s'amorce la période bénie sur la planète jazz. Période qui s'annonce très longue.