Cette entrevue a été faite entre New York et Montréal, à l'image de la vie des deux acolytes de Chromeo, Dave 1 et P-Thugg. Le duo montréalais clôture le Festival de jazz ce soir, mais aussi le cycle de son album Business Casual. Avant de s'attaquer à son quatrième disque, le groupe se produit sur la place des Festivals avec un orchestre de... filles. Bien entendu.

New York et Montréal «Rufus a ouvert le festival, Chromeo le clôture. Rufus a grandi rue Querbes et moi aussi. Sa mère était la voisine de mes parents, lance Dave 1 de Chromeo. Ce sont mes parents qui me l'ont fait remarquer.»

Comme Rufus Wainwright, les deux acolytes de Chromeo sont des ambassadeurs musicaux de Montréal qui se produisent partout dans le monde et sont invités sur les plateaux des David Letterman et compagnie. Et voilà le duo électro-funk à la maison, sur la grande scène de la place des Festivals.

«C'est super émouvant d'être là», lance Dave 1, alias David Macklovitch.

Chromeo sera accompagné d'un orchestre de filles séduisantes, fidèle à son habitude! «Ce n'est pas notre affaire, les longs solos de guitare. Nous allons faire un set compact, mais on va jouer nos morceaux tout en profondeur, explique le chanteur et guitariste. Jouer avec un orchestre ajoute une dimension musicale à ce qu'on fait déjà et ça contraste avec le côté viscéral, dance et électro.»

«C'est un spectacle énorme, poursuit-il. Nous sommes entre deux disques; c'est une belle transition pour nous. Une sorte de rétrospective. On fait le point sur notre carrière avec les meilleures chansons de nos trois albums.»

Patrick Gemayel et David Macklovitch sont devenus des amis à l'école secondaire Stanislas, dans le quartier Outremont. «Nous étions tous les deux des fans de vieux vinyles funk», se souvient Patrick. Puis, au fil des années, les enregistrements rap maison sont devenus des albums qui leur permettent aujourd'hui de gagner leur vie.

À 34 ans, David Macklovitch considère encore ce qui lui arrive - c'est-à-dire une carrière musicale - comme étant «miraculeux». «J'ai cessé d'enseigner le français à l'université seulement l'an dernier. C'est comme si je n'y croyais pas», dit-il.

New York

Il y a deux semaines, au festival Governor's Ball à New York, il fallait pourtant voir les médias faire la file dans la tente de presse pour s'entretenir avec Dave 1 et P-Thugg. Les deux complices posaient pour les photographes, Patrick montrant ses dents bien dorées. Pendant la performance de Chromeo, c'était impressionnant de voir à quel point les spectateurs chantaient les paroles par coeur des Fancy Footwork, Momma's Boy, Hot Mess ou Night By Night.

«Chromeo est tellement cool», nous a lancé une collègue journaliste américaine, curieuse de nous entendre interviewer en français le duo.

Les gars, comment décririez-vous votre relation après toutes ces années?

Comme un vieux couple, nous a lancé P-Thugg, qui est responsable des rythmes dansants et du clavier eighties de la musique de Chromeo.

David et Patrick ont un pied-à-terre et un studio à Brooklyn. Il seront de retour à New York dès la semaine prochaine pour travailler sur leur quatrième album, qui devrait sortir au printemps ou à l'été 2013. «Chaque album est une réaction au précédent, indique David. Le dernier album était plus sentimental. On allait plus en profondeur dans les chansons tout en préservant l'enveloppe dansante. Pour le prochain, on va garder l'aspect sophistiqué des arrangements, mais avec un côté plus dansant. Le son sera plus spontané, mais pas édulcoré.»

Dave 1 veut aussi se concentrer davantage sur sa voix. Il a dû assumer qu'il est musicien, mais aussi chanteur. «Je n'ai pas eu de cours de chant, dit-il. Pour le prochain disque, je veux qu'on travaille plus sur les harmonies en se souciant beaucoup des mélodies.»

Le tour de force de Chromeo est dans ses contrastes. Entre David, grand mince juif, et Patrick, arabe costaud. Entre le funk et l'électro. Entre le kitsch et la qualité. Entre le rétro et le nouveau. «Même dans nos textes et arrangements, nous avons une double facette. Nos trucs sont peaufinés et complexes, mais il ne faut pas qu'on voie l'effort.»

Conclusion: les gars de Chromeo travaillent fort... pour que le public danse le coeur léger.

Chromeo, sur la place des Festivals, ce soir à 21h30.