«J'espère que vous comprenez bien mon français. Je ne suis pas allée longtemps à l'école, vous savez.»

Jointe sur son cellulaire, Khaïra Arby nous parle depuis la voiture qui l'amène vers Montréal, où elle doit donner un concert ce soir dans le cadre du festival Pop Montréal. La voix, mordante et assurée, laisse deviner que la dame a du chien. Ses propos nous le confirment.

C'est la première fois de sa vie que la chanteuse malienne tourne en Amérique du Nord. Dans son pays pourtant, elle est depuis longtemps considérée comme une star. Mais contrairement à ses compatriotes, Salif Keita, Amadou & Mariam ou Ali Farka Touré, sa carrière internationale aura mis plus de temps à décoller.

Ce ne fut pour elle qu'une autre bataille à livrer. Car dès le départ, Mme Arby a dû lutter ferme pour exercer son métier. Dans une région du monde (le nord du Mali) où les femmes ont à peine le droit de chanter. «Les débuts n'ont pas été faciles, raconte-t-elle. Tout le monde me décourageait. On me disait qu'une femme ne devait pas partir en tournée avec des hommes. Mais moi je voulais chanter et j'ai insisté. Je me suis dit: je vais aller jusqu'au bout, Inch'Allah...»

Après 40 ans de carrière, trois cassettes et un CD, la diva de Tombouctou n'a toujours pas renoncé au combat. Entre musique traditionnelle touareg et groove rock du désert, ses chansons s'attaquent à la situation des femmes dans une société ultra-conservatrice. Divorcée, mère de cinq enfants, elle dénonce la soumission, le sexisme forcené et même l'excision. «Bien sûr que je me considère comme une chanteuse féministe, dit-elle. Non seulement je me bats pour l'égalité, mais je me bats que pour que nous allions au-delà des hommes!»

Pas étonnant que la dame soit aujourd'hui à la tête d'un groupe entièrement masculin, qu'elle mène de main de fer, écrivant la plupart des morceaux. Pas étonnant non plus qu'elle ait repris le business de son père, qui fut d'ailleurs le premier à désapprouver son choix de carrière artistique. Entre deux tournées, la dame se consacre ainsi au commerce du sel, qu'elle achète à des nomades du désert.

«Ça par contre, c'est un travail pour les hommes, conclut Mme Arby. Il faut un mois de voyage en chameau, puis un mois pour le retour. Je ne ferais jamais ça.»

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Khaïra Arby. Ce soir à minuit au Balattou

Avis aux amateurs de musique du désert: le film Toumast - entre guitare et kalashnikov, portant sur le blues et la cause touareg sera présenté vendredi 1er octobre 20 h au Blue Sunshine.