Pour Maria Alyokhina, membre phare du mouvement féministe russe Pussy Riot, il aura fallu vivre une rencontre déterminante à Moscou avec l’artiste islandais Ragnar Kjartansson et un exil de son pays natal pour que naisse l’exposition Terrorisme de velours : la Russie des Pussy Riot. Le Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) accueille ce projet d’envergure du 25 octobre au 10 mars 2024.

« L’intérêt premier de cette exposition est de démontrer la manière dont l’État territorial de Vladimir Poutine est devenu un État terroriste qui aura mené à la guerre en Ukraine », affirme Maria Alyokhina, qui était présente à la visite de presse de l’exposition mardi.

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L’exposition met de l’avant une documentation étoffée sur les actions de protestation des Pussy Riot, et ce, à la manière d’un journal de bord.

Terrorisme de velours : la Russie des Pussy Riot met en scène la documentation rassemblée par Maria Alyokhina sur les actions de protestation des membres du collectif, et ce, à la manière d’un journal de bord qui se déplie dans l’espace, à travers des mots griffonnés à la main, des dessins créés par l’artiste Ragnar Kjartansson et des photographies collées au ruban adhésif, sans oublier le bruit des vidéos présentées.

Du bruit à la prise de conscience

L’exposition, élaborée par l’équipe de commissaires composée de Ragnar Kjartansson, Dorothée Kirch et Ingibjörg Sigurjónsdóttir, en collaboration avec John Zeppetelli et Marjolaine Labelle pour la présentation montréalaise, va au-delà des lieux communs : elle montre que si les Pussy Riot ont été remarquées par leur prière punk contre Vladimir Poutine dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, en 2012, les membres poursuivent leurs interventions créatives jusqu’à offrir actuellement leur soutien à l’Ukraine.

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Cagoules colorées, protestation contre le régime de Poutine : nul doute, le visiteur est plongé dans l’univers des Pussy Riot.

L’exposition offre une perspective singulière des membres du groupe, documentaire, politique et artistique, au-delà du rapport aux concerts de musique et aux paroles punks pour lesquels elles ont été en grande partie reconnues. En témoigne une vidéo saisissante montrant une Pussy Riot uriner sur un portrait de Vladimir Poutine.

Chaque espace laisse voir des cas d’arrestations de membres, principalement celles de Maria Alyokhina, mais également de Nadya Tolokonnikova, une des fondatrices du collectif, un élément supplémentaire par rapport à la version présentée au Musée d’art moderne du Danemark, le Louisiana. « Nadya [Tolokonnikova] a eu écho de cette exposition. […] On est très heureux d’inclure son texte qui a été publié dans le Guardian pour sa grève de la faim, lorsqu’elle était en prison. Et une vidéo s’est [aussi] ajoutée », indique le directeur général et conservateur en chef du MAC, John Zeppetelli.

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Maria Alyokhina, membre des Pussy Riot et co-commissaire de l’exposition, ainsi que John Zeppetelli, directeur général et conservateur en chef du MAC

La représentation de ses actions et arrestations des Pussy Riot entre en dialogue avec celle de plusieurs autres protestataires, comme des ramifications qui fournissent un portrait plus général de la résistance qui prévaut en Russie. Entre les membres du groupe et les différents groupes d’opposition, « il y a une grande solidarité [...]. C’est très inspirant comme travail », selon la directeur général du MAC.

« La perspective des Pussy Riot fournit un aperçu de la dernière décennie [de l’histoire du pays] et de l’autoritarisme grandissant qui a abouti à un État marginalisé par le monde entier », souligne toujours John Zeppetelli, qui a assuré le commissariat d’autres expositions utilisant les institutions artistiques comme lieu de dénonciation et de monstration du politique, dont Contagion de la terreur en 2021, mettant en scène Laura Poitras et Forensic Architecture.

  • Résultat : dessins, mots griffonnés à la main et photographies collées au ruban adhésif se déploient dans les locaux temporaires du MAC, Place Ville Marie.

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    Résultat : dessins, mots griffonnés à la main et photographies collées au ruban adhésif se déploient dans les locaux temporaires du MAC, Place Ville Marie.

  • Sans oublier les vidéos qui accompagnent le visiteur tout au long du parcours.

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    Sans oublier les vidéos qui accompagnent le visiteur tout au long du parcours.

  • Pour Maria Alyokhina, faire partager ses idées a toujours été une priorité. « Notre histoire de protestation, elle s’est déroulée en Russie, mais on dit toujours que ce qui s’est passé en Russie peut arriver n’importe où », déclarait-elle récemment à La Presse.

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    Pour Maria Alyokhina, faire partager ses idées a toujours été une priorité. « Notre histoire de protestation, elle s’est déroulée en Russie, mais on dit toujours que ce qui s’est passé en Russie peut arriver n’importe où », déclarait-elle récemment à La Presse.

  • La militante Maria Alyokhina a d’ailleurs elle-même rassemblé la documentation de l’exposition.

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    La militante Maria Alyokhina a d’ailleurs elle-même rassemblé la documentation de l’exposition.

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Les images et les explications des manœuvres policières et des châtiments carcéraux s’accumulent de salle en salle, résonnent au fur et à mesure du parcours, jusqu’à en devenir un brouhaha, tout en générant une prise de conscience, laquelle n’est pas sans être émotive.

Il y avait une banque d’images, et moi, j’ai donné [aux commissaires] absolument carte blanche.

John Zeppetelli, directeur général et conservateur en chef du MAC

Si le parcours est chronologique, les créations à l’intérieur des salles sont plus rhizomatiques. « C’est tellement dense, il y a tellement d’informations, on pourrait y passer des heures et des heures », renchérit John Zeppetelli.

Terrorisme de velours : la Russie des Pussy Riot tombe à point dans le contexte de l’invasion militaire russe en Ukraine et, maintenant, du conflit au Proche-Orient. Ce n’est pas anodin si le directeur du MAC a repoussé les dates d’une autre exposition pour laisser la place à celle-ci en octobre.

Une exposition, un spectacle et une conversation

Présentée en premier lieu au centre d’artistes Kling & Bang de Reykjavik et ensuite au Louisiana (Danemark), Velvet Terrorism : Pussy Riot’s Russia (Terrorisme de velours : la Russie des Pussy Riot) se tient dans les locaux temporaires du MAC à la Place Ville Marie, jusqu’au 10 mars 2024, avant de poursuivre son parcours vers Vancouver.

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Une conversation entre Maria Alyokhina et Ragnar Kjartansson devant public a lieu ce mercredi à 18 h, au Gesù.

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Visite de l’exposition avec Maria Alyokhina et John Zeppetelli, dans les salles d’exposition le 26 octobre, à 17h30.

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Le spectacle multimédia Riot Days, racontant l’histoire des Pussy Riot, sera présenté au théâtre Rialto le 1er novembre à 20 h, dans le cadre de Pop Montréal.

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Qui sont les Pussy Riot ?

De 10 à 20 selon les périodes, les membres sont devenues célèbres grâce à leurs performances provocatrices qui remettent en question le régime politique russe.

Elles se sont fait connaître par leurs actions dans l’espace public en cagoules colorées.

Leurs concerts punks aux paroles tranchantes leur ont valu en grande partie leur notoriété.