De la guerre en Ukraine à la répression en Iran, en passant par les violences dans les Territoires occupés par Israël ou aux Philippines, sans oublier les grands bouleversements causés par les changements climatiques, la sélection des photographies présentées au Marché Bonsecours dans le cadre de la World Press Photo témoigne de la grande vulnérabilité des humains.

Un survol des photographies sélectionnées parmi les quelque 60 000 images soumises au concours du World Press Photo, l’équivalent des Oscars dans le milieu du photojournalisme, suffit pour se rendre compte à quel point l’état du monde se dégrade d’année en année. Sur tous les plans. Politique, économique, social et environnemental…

La comédienne Magalie Lépine-Blondeau, porte-parole de l’expo, convient qu’un grand nombre de photos exposées témoignent de la fragilité des écosystèmes, même s’il ne s’agit pas d’un thème imposé. « Le monde change à une vitesse qu’il n’a jamais connue avant, donc la plupart des pays subissent les impacts de ces changements », a-t-elle confié à La Presse.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

La comédienne Magalie Lépine-Blondeau devant une de ses photos prises au Sri Lanka en 2016, où l’on peut voir deux hommes qui font de la pêche sur échasse dans la baie de Weligama.

Dans le cadre de cette expo, on lui a offert une carte blanche afin d’exposer ses propres photos. Ce qu’elle a fait en puisant dans ses albums de voyages des 15 dernières années.

Papouasie–Nouvelle-Guinée, Colombie, Mozambique, Namibie, Cambodge, Indonésie, Sri Lanka… Sur le thème de l’Ailleurs, on peut apprécier des scènes de la vie quotidienne et des portraits saisissants.

« Je voulais qu’il y ait des êtres humains dans mes photos, poursuit-elle. Parce que je trouve que les photos comme les voyages, les moments qui demeurent sont ceux qu’on partage. Des moments qui s’immortalisent parce qu’ils sont liés à une expérience humaine. J’ai un lien, même ténu, avec chacune des personnes qui ont été photographiées. »

Les bouleversements climatiques à l’avant-plan

Présent mardi lors de l’inauguration de l’expo, le photoreporter français Jonathan Fontaine a remporté une mention honorable pour sa photo intitulée L’ultime voyage du nomade. Celui qui a commencé sa jeune carrière de photographe en prenant des photos de plats de chefs a décidé, il y a une dizaine d’années, de se lancer dans le photojournalisme en se rendant dans des camps de réfugiés de Rohingya au Bangladesh.

Sa photo primée a été prise en mai 2022 dans le camp de Qolodo, près de Gode, en Éthiopie. On y voit une jeune fille de dos, Samira, 16 ans, qui observe le campement des siens, qui rassemble environ 3000 personnes.

« Cette série traite de l’impact des changements climatiques sur les communautés nomades », nous dit Jonathan Fontaine.

L’absence de pluie depuis près de trois ans a entraîné une des plus longues périodes de sécheresse de la région. Les familles ont perdu leurs troupeaux de chameaux, de vaches et de chèvres, qui sont morts avec la disparition des pâturages.

Jonathan Fontaine

La plupart des nomades d’Éthiopie et de Somalie se retrouvent aujourd’hui dans des camps de déplacés, comme la famille de Samira, que Jonathan Fontaine a rencontrée.

D’autres photographies témoignent de ces grands bouleversements climatiques. On pense entre autres au dessèchement de l’oasis de Tighmert, au Maroc ; à la diminution du débit du fleuve Colorado, qui force les autorités à fournir de l’eau aux abeilles au moyen d’abreuvoirs ; ou encore, dans un rare registre plus positif, à un parc éolien en mer, dans un effort de transition vers la carboneutralité.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Une photo prise à Téhéran, où une femme refuse de porter le voile.

Il y a évidemment toute une section réservée à la guerre en Ukraine, qui a marqué la dernière année, avec plusieurs photos (crève-cœur) d’Evgeniy Maloletka. On pense entre autres à sa série sur le siège de Marioupol, dont la frappe aérienne sur la maternité d’un hôpital de la ville, où l’on peut voir une mère enceinte sur une civière, qui a accouché d’un bébé mort-né, avant de mourir elle-même…

Il y a peu de moments heureux dans cette expo, hormis quelques portraits de Magalie Lépine-Blondeau, ces nageurs qui font face au parc éolien ou encore cette photo d’Argentins en liesse après leur victoire à la Coupe du monde, au Qatar. Une bouffée d’air frais tout à fait bienvenue.

Vous pourrez aussi voir l’exposition des finalistes des prix Antoine-Desilets remis chaque année par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). Y sont exposées les photos des catégories Arts et culture, Vie quotidienne, Enjeux et société, Sports et Portraits, dans lesquelles on retrouve d’ailleurs des photographes de La Presse.

World Press Photo est présenté jusqu’au 15 octobre au Marché Bonsecours.