Rafraîchissantes propositions artistiques à la Maison des arts de Laval en ce début d’année. La directrice de la salle Alfred-Pellan, Jasmine Colizza, a réservé l’espace du foyer à l’artiste montréalais Berirouche Feddal, qui continue de susciter l’étonnement. Et le centre d’art présente Faire communauté, une exposition de femmes artistes utilisant l’art imprimé pour créer.

On avait rencontré Berirouche Feddal dans son atelier en avril 2021. L’artiste montréalais d’origine kabyle laissait entrevoir un bel avenir créatif. Son nouveau corpus, Adorer le veau d’or, présenté à Laval, confirme nos prédictions. À 26 ans, il en a déjà pas mal dans le coffre et ne manque pas d’imagination pour donner un attrait pertinent et plaisant autant à la forme qu’au contenu de son art.

Lisez notre reportage sur Berirouche Feddal

Ses nouvelles créations évoquent les idoles qu’on adore ou admire. Des personnages marquants du passé, des figures mythologiques ou des vedettes du sport. Ces adorations, intrinsèques à chacun de nous, marquent notre identité. Dans six œuvres, Berirouche Feddal aborde ses racines, l’Algérie, la Kabylie, la colonisation, la décolonisation, l’indépendance ou encore le rôle des sportifs dans la vie d’un pays.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

En 1962, je suis parti avec Marianne, Berirouche Feddal, 2022

Dans la peinture En 1962, je suis parti avec Marianne, un enfant algérien porte un buste volé lors d’un pillage, au moment du départ des Français d’Algérie. Il a aussi symboliquement représenté un drapeau français et des footballeurs en action dans le triptyque Inability to manage our feeling qui parle de l’attachement de bien des Algériens aux joueurs de soccer Karim Benzema et Zinedine Zidane, même s’ils ont porté le maillot du colonisateur. Recouverte d’un tissu de soie jacquard italien, la peinture porte sur les contradictions du patriotisme, l’adoration, la séduction et, selon Berirouche Feddal, sur ce détachement politique marquant des jeunes Algériens d’aujourd’hui.

« Aujourd’hui, ils favorisent des relations personnelles avec les autres et tiennent moins compte de l’héritage historique et national, dit-il. On regarde plus maintenant qui tu es en tant qu’humain. »

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L’imposant, imposé, Berirouche Feddal, 2022, huile sur toile, acrylique et pastel à l’huile, 279,4 x 172,2 cm

Faire communauté

Par ailleurs, l’artiste, enseignante et commissaire Andrée-Anne Dupuis-Bourret mijotait depuis longtemps l’idée de cette expo Faire communauté qui allie à la fois des pratiques en marge des arts visuels et des artistes femmes d’origines diverses.

Les œuvres de dix artistes couvrent un large spectre d’expression : de l’image au fanzine en passant par le papier peint, l’estampe, l’installation et la sculpture. Un registre qui va même jusqu’à la participation de 500 enfants des écoles lavalloises qui ont créé, avec leurs enseignants, de magnifiques graphzines. L’aspect communautaire ratisse donc très large grâce au travail de Liliane Audet, coordonnatrice Éducation et médiation artistique de la salle Alfred-Pellan.

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Quelques graphzines d’écoliers lavallois sélectionnés

Voyez la présentation de l’exposition en vidéo

En entrant dans la salle, on remarque l’installation de Jacinthe Loranger et de Steffie Bélanger, sorte de cache de chasse qui intègre de l’art imprimé sur papier, bois et tissu. Mais aussi des sculptures de carottes pour les chevreuils !

  • L’installation de Jacinthe Loranger et de Steffie Bélanger

    PHOTO GUY L’HEUREUX, FOURNIE PAR LA MAISON DES ARTS DE LAVAL

    L’installation de Jacinthe Loranger et de Steffie Bélanger

  • Quelques œuvres spirographiques d’Emmanuelle Jacques

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    Quelques œuvres spirographiques d’Emmanuelle Jacques

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On poursuit avec la station d’Emmanuelle Jacques, Création de richesse/Labour of Love, un travail exhaustif découlant des rencontres d’une quarantaine d’artistes pour réfléchir sur la maternité, la vie artistique, la condition de vie des artistes, leur rapport à l’institutionnel, etc. Créés au spirographe, des similibillets de banque et similidiplômes contiennent des messages sur l’importance des relations humaines pour occulter la dureté du système économique chez bien des artistes. « C’est un cri du cœur », dit Jasmine Colizza.

Le duo Jenny Lin et Eloisa Aquino, qui travaille souvent dans l’univers du zine, a créé Welcome to the Giddy Valley, une œuvre murale narrative, notamment sur la communauté queer. On trouve aussi une composition de Dominique Pétrin avec ses imprimés caractéristiques. Une œuvre cinétique qui contient un message caché qu’on peut percevoir… avec beaucoup de patience !

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La directrice de la salle Alfred-Pellan, Jasmine Colizza, devant l’œuvre de Dominique Pétrin

Près de l’œuvre d’Anna Jane McIntyre, une fresque aux formes mythologiques, on trouve Étrange familiarité de Cynthia Dinan-Mitchell, une œuvre douce-amère à regarder de près pour mieux saisir l’univers encyclopédique de cette artiste fascinante.

  • Le papier thermochromique de l’installation de Pascaline Knight

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    Le papier thermochromique de l’installation de Pascaline Knight

  • Étrange familiarité, de Cynthia Dinan-Mitchell

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    Étrange familiarité, de Cynthia Dinan-Mitchell

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En contraste, beau moment de respiration avec Céline Huyghebaert et ses petits cadres fixés au mur. Et ce quelque chose te manque est sur l’absence, le vide, la cavité. L’exposition s’achève avec la contribution intimiste de Pascaline Knight, notamment son offre de nous laisser marquer une trace éphémère de nous-même sur du papier thermochromique. « Un geste qui permet de comprendre ce qu’est une empreinte en art imprimé », dit Andrée-Anne Dupuis-Bourret.

À la Maison des arts de Laval jusqu’au 29 janvier

Consultez la page de l’exposition