Le Canada et l’impressionnisme – Nouveaux horizons, 1880-1930 est la grande expo de l’année au Musée des beaux-arts du Canada. On peut y admirer les chefs-d’œuvre des artistes canadiens qui se sont frottés à l’impressionnisme, ce mouvement artistique européen qui a célébré la lumière et la vie et influencé l’art occidental.

Après bien des péripéties dues à la pandémie, on a enfin accès à l’exposition Le Canada et l’impressionnisme, une production inédite du Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) déjà présentée au Kunsthalle de Munich, à la Fondation de l’Hermitage, à Lausanne, et au musée Fabre de Montpellier.

Le déploiement de la commissaire Katerina Atanassova donne accès à 108 œuvres de collections publiques et privées, créées par 36 peintres canadiens qui ont flirté avec l’impressionnisme. Un chapitre de l’histoire de l’art canadien jamais exprimé avec autant d’éclat dans un musée. Les amateurs de James Wilson Morrice seront comblés avec 17 de ses toiles. Il est le peintre le plus représenté de l’expo, aux côtés de Maurice Cullen, Paul Peel, Clarence Gagnon, Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté ou encore Helen McNicoll.

PHOTO BRIAN MERRETT, MBAM, FOURNIE PAR LE MBAC

L’étang aux Antilles, v. 1920-1922, James Wilson Morrice, huile et fusain sur toile, 81,5 x 54,8 cm. Collection Musée des beaux-arts de Montréal, don de la famille Louise et Bernard Lamarre.

En cette période sombre et incertaine sur la scène internationale, parcourir cette exposition fait un bien fou. Nous en sommes sorti le sourire aux lèvres, comme lorsqu’on revient d’un voyage qui nous a changé les idées et comblé à tous points de vue. Conservatrice principale de l’art canadien au MBAC, Katerina Atanassova a organisé une expo pour tous les publics. Le jour où nous l’avons visitée, nous avons été ravi et rassuré de constater combien de familles avec enfants s’étaient déplacées.

  • La récolte de la glace, v. 1913, Maurice Cullen, huile sur toile, 76,3 x 102,4 cm. Collection MBAC.

    PHOTO FOURNIE PAR LE MBAC

    La récolte de la glace, v. 1913, Maurice Cullen, huile sur toile, 76,3 x 102,4 cm. Collection MBAC.

  • Paysage avec coquelicots, 1887, William Blair Bruce, huile sur toile, 27,3 x 33,8 cm. Collection Musée des beaux-arts de l’Ontario.

    PHOTO AGO, FOURNIE PAR LE MBAC

    Paysage avec coquelicots, 1887, William Blair Bruce, huile sur toile, 27,3 x 33,8 cm. Collection Musée des beaux-arts de l’Ontario.

  • Le train en hiver, v. 1913-1914, Clarence Gagnon, huile sur toile, 56 x 71 cm. Collection particulière.

    PHOTO PAUL ELTER, FOURNIE PAR LE MBAC

    Le train en hiver, v. 1913-1914, Clarence Gagnon, huile sur toile, 56 x 71 cm. Collection particulière.

  • Chézy, vallée de la Marne, 1908, W. H. Clapp, huile sur toile, 67,9 × 89,5 cm. Collection particulière, Montréal. Photo fournie avec la permission de la galerie Alan Klinkhoff.

    PHOTO MBAC

    Chézy, vallée de la Marne, 1908, W. H. Clapp, huile sur toile, 67,9 × 89,5 cm. Collection particulière, Montréal. Photo fournie avec la permission de la galerie Alan Klinkhoff.

  • Brise d’été à Dinard, 1907, Clarence Gagnon, huile sur toile, 54 x 81 cm. Collection du MNBAQ.

    PHOTO JEAN-GUY KEROUAC, MNBAQ, FOURNIE PAR LE MBAC

    Brise d’été à Dinard, 1907, Clarence Gagnon, huile sur toile, 54 x 81 cm. Collection du MNBAQ.

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L’exposition comprend sept thèmes qui se suivent en respectant la chronologie des évènements qui débute avec les premiers séjours d’artistes canadiens en Europe à la fin du XIXsiècle. Une peintre, Frances Jones, fut une des premières à s’y rendre, en 1878. Les femmes et l’impressionnisme est d’ailleurs un des chapitres forts de l’expo. À juste titre. L’impressionnisme coïncide avec cette période durant laquelle les Canadiennes ont commencé à contester la ségrégation dont elles étaient victimes dans la société.

  • Sunny September, 1913, Helen McNicoll, huile sur toile, 92 x 107,5 cm. Collection Pierre Lassonde.

    PHOTO IDRA LABRIE, FOURNIE PAR LE MBAC

    Sunny September, 1913, Helen McNicoll, huile sur toile, 92 x 107,5 cm. Collection Pierre Lassonde.

  • Sous la tente, 1914, Helen McNicoll, huile sur toile, 80 x 59,5 cm. Collection particulière.

    PHOTO THOMAS MOORE, FOURNIE PAR LE MBA

    Sous la tente, 1914, Helen McNicoll, huile sur toile, 80 x 59,5 cm. Collection particulière.

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La section comprend des tableaux de femmes telles qu’Helen McNicoll, Emily Carr, Sophie Pemberton ou Florence Carlyle, dont la peinture The Studio suggère avec délicatesse son indépendance d’esprit et… son attirance pour les femmes. Des peintres canadiens célèbrent aussi la femme. Paul Peel, avec son magnifique Femme au jardin (1889), Henri Beau, avec Nu dans la forêt (1897), Franklin Brownell avec L’heure du thé (1901), représentant sa femme dans un décor japonisant, alors très à la mode en Europe.

Ou encore Symphonie pathétique (1925), de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, un nu époustouflant qui révèle ses études à Paris. Un travail d’ombrage admirable. Une posture sensuelle et sauvage devant un ciel aussi tourmenté que la Symphonie no 6 en si mineur de Tchaïkovski dont est inspirée l’œuvre. Une magnifique toile de la collection du Musée national des beaux-arts du Québec.

PHOTO DENIS LEGENDRE, FOURNIE PAR LE MNBAQ

Symphonie pathétique, 1925, Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, huile sur toile, 124,8 x 112 cm. Collection MNBAQ.

Le pique-nique, d’Henri Beau (1863-1949), nous a aussi marqué. Une scène champêtre du Québec créée par petites touches de peinture, comme le faisait Camille Pissaro. Dommage qu’on n’ait pas songé à l’illustrer avec une œuvre de Pissaro. Cela dit, ce paysage québécois dans une représentation de facture européenne, avec des personnes intégrées dans le paysage, était une nouveauté.

Pour ces peintres canadiens, qui ont pleinement adhéré aux principes de l’impressionnisme, le défi ne venait pas des sites étrangers, mais de leur retour au pays, lorsque les connaissances et les expériences acquises au cours de leurs voyages et de leurs études à l’étranger étaient mises à l’épreuve en adaptant et en transformant l’approche impressionniste de la peinture à leur nouvelle réalité.

Katerina Atanassova, conservatrice principale de l’art canadien au MBAC

Maurice Cullen charme avec ses toiles d’atmosphère comme Soirée d’hiver, rue Craig, Montréal, l’évocation d’une poudrerie nocturne dans la métropole en 1912. Une ambiance qu’on retrouve dans La cathédrale Saint-Jacques, carré Dominion, Montréal. Et dans La récolte de la glace (1913), de Maurice Cullen, premier Canadien élu (en 1895) membre associé de la Société nationale des beaux-arts de Paris. Et dont on peut admirer la lumineuse toile Halage du bois, Beaupré (1896), dans laquelle on sent bien l’ambiance de fin d’hiver, quand le soleil et le ciel donnent des teintes bleutées à la neige.

PHOTO SIMON SÉGUIN-BERTRAND, FOURNIE PAR LE DROIT

À gauche, Clair de lune, dépanneur, Toronto, une huile peinte en 1911 par Lawren Harris, et à droite, Soirée d’hiver, rue Craig, Montréal, de Maurice Cullen

La rue de Lagauchetière, réalisé en 1914-1915 par le Montréalais Joseph-Charles Franchère, rend compte de la vie nocturne à cette époque dans le Vieux-Montréal. Avec l’électricité urbaine, les enseignes de commerces en français et en anglais, et une publicité de Coca-Cola sur la façade d’un dépanneur. Déjà !

On a bien aimé les cyprès italiens d’A. Y. Jackson (Cyprès, Assise), une toile qui rend bien le paysage méditerranéen. Et La mer bleue (Sur la plage de Saint-Malo), d’Helen McNicoll, aux tons de bleu très doux qui créent une ambiance de calme sur cette plage bretonne.

L’exposition est un savant mélange de peintures aux motifs variés. La neige emblématique du pays et la « lumière canadienne » y tiennent une grande place. Mais Le Canada et l’impressionnisme permet aussi de réaliser combien les impressionnistes canadiens ont bénéficié de leurs expériences en Europe tout en préservant leur touche personnelle. C’est assez évident dans l’huile fauve d’Emily Carr Un automne en France, qui traduit avec quelle aisance l’artiste de Victoria s’était moulée dans ce nouvel univers artistique tout en conservant la fougue de ses paysages mouvementés.

PHOTO FOURNIE PAR LE MBAC

Un automne en France, 1911, Emily Carr, huile sur carton fort, 49 x 65,9 cm. Collection MBAC.

Pour les grands amateurs d’art, un catalogue de 300 pages accompagne l’évènement. Un ouvrage splendide avec de grandes signatures de critiques, historiens d’art et conservatrices. Il est conseillé aux muséophiles d’en faire la lecture avant leur visite qui en sera d’autant plus éclairante sur ce rôle qu’ont joué les impressionnistes canadiens sur le développement de l’art moderne au Canada.

Jusqu’au 3 juillet au Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa.

Consultez le site du MBAC