Les Jardins du précambrien, musée en plein air créé par l’artiste René Derouin il y a un quart de siècle, ont rouvert cet été après une période d’incertitude de cinq ans. La Presse s’est rendue à Val-David pour visiter le parcours extérieur parsemé d’œuvres d’art.

(Val-David) Le temps a fait son œuvre aux Jardins du précambrien. Dans cette exposition d’art in situ qui se tient à Val-David depuis 1995, la forêt laurentienne a toujours joué un rôle prédominant : pour bâtir leurs œuvres d’art, les artistes sont invités à utiliser, en tout ou en partie, des matériaux glanés sur place. Aujourd’hui, après cinq années en jachère, la forêt a fini par absorber une partie de l’exposition « permanente ». La mousse et les plantes ont commencé à pousser sur les installations, et les couleurs autrefois vives ont été ternies par le passage des hivers.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Les Jardins du précambrien tirent leur nom de la période géologique du même nom. Il y a des millions d’années, les glaciers qui recouvraient la vallée du Saint-Laurent y ont déposé d’énormes rochers, qui parsèment encore aujourd’hui la forêt laurentienne.

« Je trouve ça très symbolique », avance Jacinthe Brière, coordonnatrice des Jardins depuis le printemps dernier. « Ça ajoute quelque chose à beaucoup d’installations. » Effectivement, en traversant la forêt, on est ému par ce retour en force de la nature, qui vient nous rappeler que tout est éphémère. Des affiches délavées évoquent la belle époque des Jardins du précambrien, quand des artistes de toute l’Amérique se rendaient à Val-David pour se frotter au génie créatif de René Derouin.

Il s’agit d’un premier symposium en cinq ans pour les Jardins du précambrien, après une interruption forcée en 2015. L’exposition de cette année a pour thème la transmission, avec comme trame de fond le 100anniversaire de la ville de Val-David.

Selon Jacinthe Brière, il s’agit de la dernière exposition qui sera orchestrée par René Derouin lui-même.

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René Derouin, artiste multidisciplinaire, s’est fait connaître à partir des années 1960 pour ses sculptures et ses peintures ayant pour thème la nordicité et l’américanité. C’est lui qui a fondé les Jardins du précambrien, en 1995, sur son domaine personnel, et qui y a organisé pendant des années un symposium réunissant des dizaines d’artistes du continent américain.

L’artiste ne fait plus le tour des Jardins avec les visiteurs, mais il continue de créer ses peintures et ses sculptures si distinctives. Les visiteurs peuvent y admirer quelques tableaux qu’il a réalisés dans les dernières années, à partir de Val-David ou de sa résidence au Mexique, où il passe habituellement la moitié de l’année. C’est là que l’artiste, depuis toujours influencé par l’art des civilisations précolombiennes, tire son inspiration.

Quelques installations présentées aux Jardins
  • La traversée du territoire, œuvre monumentale réalisée par René Derouin, a un temps été installée au Jardin des Plantes, à Paris. Elle symbolise les migrations humaines qui ont eu lieu sur le continent américain et se trouve aujourd’hui à Val-David.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    La traversée du territoire, œuvre monumentale réalisée par René Derouin, a un temps été installée au Jardin des Plantes, à Paris. Elle symbolise les migrations humaines qui ont eu lieu sur le continent américain et se trouve aujourd’hui à Val-David.

  • René Derouin se remémore avec émotions les fois où Gaston Miron, son grand ami, est venu le visiter à Val-David. Quelques textes du poète sont aujourd’hui mis en valeur dans les Jardins.

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    René Derouin se remémore avec émotions les fois où Gaston Miron, son grand ami, est venu le visiter à Val-David. Quelques textes du poète sont aujourd’hui mis en valeur dans les Jardins.

  • L’œuvre La rivière de la réconciliation, de Normand Ménard, rappelle le souvenir de la rébellion des patriotes. L’église en flammes rappelle celle de Saint-Eustache, qui a été brûlée par les Britanniques, en 1837.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    L’œuvre La rivière de la réconciliation, de Normand Ménard, rappelle le souvenir de la rébellion des patriotes. L’église en flammes rappelle celle de Saint-Eustache, qui a été brûlée par les Britanniques, en 1837.

  • L’œuvre Muerto en vida, de l’artiste colombien Raphaël Gómez Barros, a été recouverte en partie par la forêt.

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    L’œuvre Muerto en vida, de l’artiste colombien Raphaël Gómez Barros, a été recouverte en partie par la forêt.

  • Une œuvre de l’artiste haïtien Damas Porcena, réalisée en 2015 et toujours visible dans l’exposition. L’installation incorpore plusieurs éléments porteurs de sens dans la spiritualité vaudoue, dont deux chaises qui symbolisent le rôle de la mère de famille. Au fil des ans, des artistes de tout le continent américain ont participé aux symposiums organisés par René Derouin.

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    Une œuvre de l’artiste haïtien Damas Porcena, réalisée en 2015 et toujours visible dans l’exposition. L’installation incorpore plusieurs éléments porteurs de sens dans la spiritualité vaudoue, dont deux chaises qui symbolisent le rôle de la mère de famille. Au fil des ans, des artistes de tout le continent américain ont participé aux symposiums organisés par René Derouin.

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C’est René Derouin qui a imaginé et conçu la principale installation du symposium de cette année, intitulée L’agora de la sonorité. La sculpture d’une taille imposante, qui a été installée avec l’aide de bénévoles, rassemble des centaines de sculptures qui ont été créées par des enfants de passage aux Jardins, au fil des ans. En s’approchant, on est captivé par le tintement de ces milliers de statuettes qui s’entrechoquent à la moindre brise.

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L’œuvre L’agora de la sonorité, réalisée par René Derouin. L’installation se compose de centaines de statuettes réalisées par des enfants et représentant le sujet de leur choix.

Outre les structures qui ont été créées expressément pour le symposium de cette année, peu nombreuses, il est possible d’admirer les quelques dizaines d’œuvres qui ont été laissées sur place à la suite des éditions précédentes. Certaines ont été complètement dégradées par les éléments, mais la plupart sont encore en assez bon état pour être admirées et comprises.

Quoi qu’il en soit, la visite vaut la peine, ne serait-ce que pour profiter de la balade et de la sérénité indéniable des lieux. Le sentier fait un peu plus de quatre kilomètres de long et est parsemé d’aires de repos où le visiteur est invité à prendre conscience des œuvres d’art qui l’entourent.