Le 5 mars 2020, l’artiste Isabelle Leduc arrivait à Sète, en France, pour exposer pour la première fois en solo dans un musée français, quand la pandémie a surgi.

« Cela faisait deux ans que le musée Paul Valéry de Sète, en France, m’avait proposé d’exposer dans le cadre d’un évènement bisannuel qui présente en même temps quatre solos d’artistes contemporains français et internationaux. Chaque artiste a alors son propre catalogue. C’était mon premier solo dans un musée français. Et j’étais la première artiste canadienne invitée à ce cycle d’expositions.

« Le 5 mars, on arrivait en France [René Viau, son conjoint, et elle]. On parlait beaucoup d’un nouveau virus. L’Italie du Nord avait fermé ses musées, cinémas et théâtres. Il y avait énormément de cas dans cette région. On espérait que ça ne se répandrait pas en France.

« Arrivée à Sète, je visite le musée. J’ai droit à deux salles. L’accrochage est parfait. Les œuvres respirent. Je suis très contente. L’accueil au musée est chaleureux, mais pas question de serrer des mains, encore moins d’accolades. Directives de la mairie.

PHOTO FOURNIE PAR ISABELLE LEDUC

Vue d’une des deux salles d’exposition réservées à l’artiste montréalaise Isabelle Leduc au musée Paul Valéry de Sète, en France, en mars 2020

« Dans la ville, on ne perçoit pas de changement. Le midi, les bistrots sont noirs de monde pour manger des huîtres de l’étang de Thau ou des sardines grillées. Pourtant, les nouvelles ne parlent que du coronavirus. On mentionne de plus en plus la possibilité d’un confinement en France. Le musée craint de devoir fermer d’une journée à l’autre.

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La place du Marché, à Sète, en France, en mars 2020, au début de la pandémie, avant que le confinement ne soit imposé par le président français Emmanuel Macron, le 14 mars

« La présentation à la presse et le vernissage se déroulent bien. Plusieurs centaines de visiteurs, le 11 mars. Le maire, François Commeinhes, apprécie mon travail. Pédiatre, il a habité à Montréal et pratiqué à Sainte-Justine. Je rencontre des amis artistes de Paris et Marseille, des collectionneurs amis et même Éric Devlin, “mon’’ galeriste de Montréal. Un beau vernissage qu’on finit au restaurant avec les gens du musée, les autres artistes, des amis et des collectionneurs.

PHOTO FOURNIE PAR ISABELLE LEDUC

Quelques œuvres d’Isabelle Leduc exposées au musée Paul Valéry, de Sète

« Samedi 14 mars, coup de tonnerre : Emmanuel Macron annonce la fermeture dès minuit des restaurants, bars, musées, théâtres et salles de concert. Même si mon expo est prévue jusqu’à fin mai, je suis abattue. Je pense à toutes les étapes que j’ai dû franchir pour réaliser cette expo : le transport des œuvres, les douanes, les photos pour le catalogue, etc.

« On parle alors de fermeture des frontières et d’annulations de vols. On doit anticiper notre retour si on ne veut pas rester bloqués en France. Par téléphone et internet, impossible de joindre les compagnies aériennes. À l’aéroport de Montpellier, c’est l’agitation et l’anxiété. Par chance, on parvient à changer nos billets, mais on devra rester trois nuits à Paris avant notre retour.

« Dernier dîner sur la terrasse d’un restaurant à Sète. Peu de monde. Après la fébrilité de la journée, les Sétois sont restés chez eux. Les restaurateurs sont furieux. Leurs frigos sont pleins pour le week-end. Ils doivent impérativement fermer à minuit.

Le lendemain, on découvre un Paris désert. Sans voitures, et un piéton de temps en temps. Pour aller acheter du pain, du fromage, il faut une attestation.

Isabelle Leduc

« Nous sommes confinés à l’hôtel à regarder les nouvelles sur le coronavirus. Lors du départ, c’est la bousculade à l’aéroport Charles de Gaulle. Des voyageurs affolés de ne pas trouver de billets. Les boutiques duty free fermées. »

Et depuis ?

« À notre retour, le confinement débute après notre quarantaine. Je reprends le chemin de l’atelier. J’ai appelé ma première série Avril 2020. Une façon de garder en mémoire ce début de pandémie. Le musée Paul Valéry a rouvert le 30 mai et nos expositions ont été prolongées jusqu’au 30 septembre. Une bonne nouvelle. Mais je n’y suis pas retournée.

« Je travaille maintenant sur une nouvelle série. Mes œuvres sont faites de deux parties qui se joignent en haut et en bas. J’aimerais les appeler Touche-moi. Une manière de marquer le manque de contacts et de socialisation qui nous frappe, mais aussi l’espoir d’un retour à la normale... »

Les propos de notre interviewée ont été édités et condensés.