Miss Cloudy, c'est un duo composé de Pauline Loctin et de Lynn Tran, qui crée de l'origami. Pas des avions et des cygnes en simple papier plié. Elles fabriquent d'énormes oeuvres murales, des robes de ballerine, des mobiles pour enfants, des cache-pots pour plantes... Des entreprises de partout dans le monde font affaire avec les Montréalaises pour la création d'oeuvres géantes en papier.*

Leur choix d'ingrédients 

Feuilles d'algues 

Pommes rouges 

Réglisse

Leur sélection 

Feuilles d'algues

Pourquoi?

D'abord, parce que c'est l'aliment qui ressemble le plus à du papier. Puis, parce que le pliage du papier est un art d'origine japonaise et que les feuilles de nori sont beaucoup utilisées dans la cuisine de ce pays. On n'a pas eu à réfléchir longtemps pour faire notre choix.

Avez-vous déjà travaillé avec des aliments?

Il m'arrive souvent de fabriquer des aliments en papier plié. Pour des contrats, j'ai fait une tarte aux pommes, une dinde, des sucettes glacées. Et avant Miss Cloudy, disons que j'ai eu un parcours varié. À la base, je suis violoniste. Je me suis quand même retrouvée à occuper un poste de stratège web, mais à un certain moment, l'aspect créatif dans mon travail m'a manqué. C'est pour ça que j'ai lancé un blogue de bouffe. J'y publiais des tas de trucs comme des DIY et des recettes.

Comment le défi s'est-il déroulé?

On a effectué plusieurs essais avant d'arriver à travailler avec les feuilles de nori. Lorsqu'on les plie, elles se brisent. Lorsqu'on les mouille, elles se transforment en pâte noire et gluante.

Je voulais aussi essayer de faire quelque chose avec un papier en polypropylène. J'ai collé des feuilles de nori humidifiées sur le plastique, mais en séchant, elles se sont décollées et elles ont perdu leur aspect brillant. Ça n'a pas été concluant.

Puis, couper dans les feuilles de nori, c'est un autre défi. Comme c'est une matière friable, c'est difficile de couper des lignes droites. Mais c'est possible.

Avez-vous regretté d'avoir choisi les feuilles de nori? 

Le nori, ça pue. On n'avait jamais réalisé que l'odeur était si prenante et ça nous a fait beaucoup rire. Le lendemain, quand l'oeuvre a été finie, ça sentait encore dans l'atelier et il y avait plein de petits bouts d'algues partout. Malgré tout, c'était une matière super le fun à travailler même si on a eu quelques défis.

En fait, ç'aurait été difficile avec n'importe quel aliment contenant de l'eau. C'est pour ça que dans mon travail, j'utilise des colles qui ne contiennent pas d'eau, car elles détériorent le papier. J'utilise seulement des colles plastifiées.

Le résultat? 

Voici une tessellation! C'est ce que je fabrique le plus souvent en pliage. L'idée, c'est de créer des motifs à répétition.

J'ai découpé des petits triangles de nori que j'ai insérés entre les plis pour ajouter de la texture. J'ai d'ailleurs doublé l'épaisseur du nori pour être sûre qu'il ne s'effrite pas. Puis, j'ai ajouté quelques triangles dorés.

À la fin, l'oeuvre a été difficile à encadrer. Ça m'a posé un réel problème. Je peux littéralement passer ma main entre l'oeuvre et le cadre. Il y a très peu de points de contact. Il y a seulement deux lignes qui touchent le cadre et c'est ce que j'ai collé.

Quand on prend l'oeuvre à la toute fin, elle est super flexible. On peut la courber et elle reprend sa forme. D'ailleurs, ce genre de pliage est souvent utilisé en mode pour imiter des tissus.

Un secret derrière cette oeuvre? 

Le papier vert, c'est du papier que j'ai rapporté de Londres, il y a deux ans, et je ne m'en étais jamais servie. Je n'avais pas encore trouvé d'utilisation parfaite.

Le papier d'art n'est vraiment pas développé en Amérique du Nord. En Europe, ils ont beaucoup plus de papier de qualité, ils ont des palettes de couleurs plus larges et ils ont plein de petites boutiques. On n'a pas le quart du beau papier qui existe en Europe. Aussi, le papier vert contient 50 % de coton naturel!

Combien d'heures ont été investies dans le projet? 

Une demi-journée pour faire l'oeuvre et l'encadrer et une demi-journée supplémentaire pour faire les motifs qui ont servi à photographier notre portrait pour ce reportage!

* Les réponses sont celles de Pauline Loctin

Où voir le travail des artistes?

Le Musée des beaux-arts de Montréal a commandé une pièce unique à Miss Cloudy. Elle sera présentée dans le cadre de l'exposition Couturissme de Thierry Mugler, du 2 mars au 8 septembre. Sinon, une grande murale de plus de 25 m de longueur sera installée à l'Artist Project, une foire d'art à Toronto, du 21 au 24 février.

Photo Martin Tremblay, La Presse