En attendant qu'une rue de Montréal soit baptisée en son nom, la musicienne et enseignante Daisy Peterson Sweeney a été immortalisée sur une façade  d'un édifice du quartier Petite-Bourgogne, hier. Un hommage  de l'organisme MU et de l'artiste muraliste Kevin Ledo.

Depuis 2010, MU célèbre, avec sa série des Bâtisseurs culturels, les personnalités montréalaises qui ont marqué de leur empreinte l'histoire de la cité. Dans ce cadre, l'organisme a choisi de rendre hommage à Daisy Peterson Sweeney, figure marquante de la Petite-Bourgogne. 

Morte l'an dernier, Mme Peterson Sweeney était la soeur aînée et première professeure de piano du jazzman Oscar Peterson. Née le 7 mai 1920, elle a grandi dans la Petite-Bourgogne. Elle avait obtenu un diplôme de musique à McGill à une époque où peu de femmes noires étudiaient à l'université. Puis, elle a enseigné le piano et le chant au Centre communautaire des Noirs. 

Outre son frère, elle a eu pour élèves Oliver Jones, Joe Sealy, Norman Marshall Villeneuve, Reg Wilson ou encore Ken Skinner fils. Elle a aussi cofondé, dans les années 70, avec Trevor Payne, le Black Community Youth Choir de Montréal, qui était le choeur de son église Union United Church. Cette chorale est devenue, en 1982, le célèbre Montreal Jubilation Gospel Choir.

Témoignages

Pour l'inauguration de l'oeuvre murale de Kevin Ledo, réalisée à l'angle des rues Saint-Jacques et Saint-Martin, dans l'arrondissement Le Sud-Ouest, des musiciens renommés, tels qu'Oliver Jones et Norman Marshall Villeneuve, se sont joints à la famille et aux amis de Daisy Peterson Sweeney, hier, soit une centaine de personnes.

«Daisy a touché la vie de beaucoup de monde dans le quartier, a dit Olivier Jones, qui se remet doucement d'un AVC. Elle s'est beaucoup occupée des enfants. Elle pensait que les enfants devaient avoir un peu de musique dans leur vie.»

Sophie Thiébaut, conseillère de l'arrondissement Le Sud-Ouest, a raconté que Mme Peterson Sweeney accueillait, tous les samedis matin, pour 25 cents, des centaines d'enfants qui venaient suivre ses cours. «Elle leur a permis de participer à des concours locaux et provinciaux et a aidé certains à préparer leur examen de piano pour l'entrée à l'école préparatoire de musique de l'Université McGill. Mme Sweeney cultivait l'espoir.» 

Petit-fils de Daisy Peterson Sweeney, Cory Sweeney l'a décrite comme une personne «très privée», qui n'aimait pas être mise de l'avant. «Si elle avait été là, elle aurait dit: ‟Je ne vois pas pourquoi on en fait toute une histoire!"», a dit M. Sweeney. 

«Il n'y a pas de mots pour décrire cette femme. Elle accueillait tout le monde, n'avait pas de préjugés. C'était la femme la plus simple et la plus aimante que j'ai rencontrée dans ma vie», se souvient Micheline Hamelin, nièce de Daisy Peterson Sweeney.

Norma Payne, qui a connu Mme Peterson Sweeney à la Union United Church, la plus ancienne congrégation religieuse noire du Canada, ne tarit pas d'éloges envers son amie. «C'était une femme de coeur, une bonne âme, toujours à votre écoute», dit-elle.

Photo Martin Chamberland, La Presse

Le musicien de jazz Oliver Jones avec la cofondatrice de MU, Elizabeth-Ann Doyle

Kevin Ledo

Le muraliste Kevin Ledo - à qui l'on doit aussi l'oeuvre murale créée en hommage à Janine Sutto - a réalisé le portrait de Mme Sweeney à partir d'une photo.

«À côté de son portrait, le design symbolise son énergie, dit-il. Je suis honoré d'avoir fait cette oeuvre qui célèbre le jazz à Montréal, mais aussi une femme dont l'action a été immense et a donné un sens à sa vie.» 

Les personnes présentes hier estimaient que Kevin Ledo avait réussi un tour de force pour représenter Daisy Peterson Sweeney sur ce mur d'un immeuble des Îlots Saint-Martin faisant partie du complexe d'habitations à loyer modique. 

«C'est vraiment ressemblant, dit Micheline Hamelin. Les yeux, ce sont ses yeux.» «Son regard est tendre, a ajouté Danielle Cécile, directrice générale de l'Office municipal d'habitation de Montréal. C'est un portrait plein de bonté et de sagesse.» 

Pour Sylvia Sweeney, ancienne capitaine de l'équipe olympique canadienne de basket et fille de Daisy Peterson Sweeney, l'inauguration de cette oeuvre murale est l'occasion de faire connaître les accomplissements de sa mère et de briser quelque peu la barrière de la langue qui fait qu'elle est peu connue des Montréalais francophones. 

«Les deux solitudes existent encore aujourd'hui et c'est grâce aux artistes qu'il y a une communication entre anglophones et francophones, dit-elle. Ma mère nous a appris l'ouverture et l'importance de faire des efforts pour avancer. Son regard nous le montre dans cette murale. Kevin Ledo est parvenu à capter le sens profond de ma mère, qui a marqué la vie de tant de gens et a construit bien des ponts pour nous rassembler.»

Photo Martin Chamberland, La Presse

L'artiste Kevin Ledo est un des muralistes les plus connus de Montréal. On lui doit un hommage à Janine Sutto et une murale dédiée à Leonard Cohen, peinte à l'angle des rues Napoléon et Saint-Dominique.