Alors que sa vision très particulière d'Alice in Wonderland a pris l'affiche, Tim Burton nous ouvre son propre pays des merveilles grâce à l'exposition qui lui est consacrée au MoMA, à New York, et au livre d'entretiens que publie en français Sonatine Éditions. Dans l'une comme dans l'autre, il n'y a pas longtemps à chercher pour trouver la parenté entre Tim Burton, ce créateur iconoclaste et baroque, et l'héroïne imaginée en 1865 par Lewis Carroll: c'est en ne se sentant pas à leur place dans le monde où ils évoluaient - la trop sage ville de Burbank pour un Burton à l'imaginaire débridé, l'Angleterre victorienne trop coincée pour la fantaisiste Alice - qu'ils en ont trouvé un autre, dans lequel ils se sont accomplis.

Inaugurée le 22 novembre, la rétrospective consacrée à Tim Burton occupe jusqu'au 26 avril plusieurs salles d'exposition du Museum of Modern Art (MoMA) de New York - avant de se déplacer au Bell Lightbox de Toronto, du 22 novembre 2010 au 27 avril 2011.

Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle fait courir les foules. Selon l'expérience qu'a vécue La Presse, quiconque envisage de la visiter par un beau dimanche après-midi doit s'armer de patience, de protège-coudes et de souliers avec bouts renforcés! Mais ce parcours du combattant débouche sur tellement de plaisirs qu'il ne faut pas s'en passer.

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Au menu, plus de 700 dessins, peintures, photos, scénarios-maquettes, maquettes, marionnettes, costumes, de même que des courts métrages réalisés par Tim Burton quand il était étudiant - certains n'avaient d'ailleurs jamais fait l'objet de projections publiques; et dans ses tout débuts, une rétrospective de ses films et de ceux qui ont enflammé son imagination (de Jason and the Argonauts à The Mummy's Hand en passant par The Raven et The Brain that Wouldn't Die). À ne pas rater: son Hansel and Gretel et son merveilleux Vincent (narré par Vincent Price, dont le travail a été l'une des inspirations premières de Burton).

Dans l'espace consacré à l'oeuvre cinématographique de Burton, sans aucun doute celui qui «parle» au plus grand nombre: des masques de Batman, un mannequin ressemblant à Edward Scissorhands (un écho de ce film se trouve aussi dans le jardin des sculptures sous la forme d'un cerf tout en verdure), le pull d'Ed Wood, les têtes de quelques victimes de Mars Attacks!, et ainsi de suite.

Mais les sections consacrées au Tim Burton qui tentait de «survivre à Burbank» ne sont pas moins fascinantes: des centaines d'illustrations (certaines encore attachées aux gros cahiers à spirale qu'il utilisait très jeune) sont autant de témoignages de l'imaginaire débridé de celui qui, «après Burbank», a mis ses talents de dessinateur au service de Disney avant de s'évader et de s'épanouir en celui que l'on connaît. Dessins à l'encre, d'autres au pastel, photos inspirées de ses films – certaines parmi les plus renversantes sont des déclinaisons de l'univers exploré dans Nightmare Before Christmas... Enchanteur et déstabilisant.

Le tout se déploie dans un environnement typiquement «burtonien»: les murs, les entrées, les planchers... rien n'a été laissé au hasard. Le voyage est total. On en sort imprégné de l'oeuvre et de l'homme.

Photo: MoMA

Tim Burton en tête-à-tête

Pour ce qui est du livre simplement intitulé Tim Burton, qui regroupe les entretiens accordés par le cinéaste au journaliste britannique Mark Salisbury (et qui fait l'objet d'une deuxième édition... ce qui nous donne droit, ô joie, à deux préfaces signées Johnny Depp), il ne fait que confirmer la pertinence de l'exposition pour qui l'a déjà vue ou donner envie de courir la visiter à qui ne l'a pas déjà fait.

Habituellement peu loquace, Tim Burton s'y montre volubile et d'une honnêteté rare dans le milieu qui est le sien. Sa vie à Burbank, ses débuts pénibles comme animateur chez Disney (où son imaginaire et son excentricité étaient étouffés) mais qui lui ont permis de faire ses premières armes et lui ont entrouvert la porte d'Hollywood: tout est là, clair, net, franc. Passant l'un après l'autre ses longs métrages (jusqu'à Sweeney Todd), il évoque chacune des aventures, les écueils rencontrés et les frictions avec les studios, mais aussi les rencontres déterminantes (Johnny Depp, Helena Bonham Carter) et les moments de satisfaction.

Conscient que les lecteurs de ce bouquin dont les pages sont agrémentées d'illustrations en noir en blanc ou en couleur de Tim Burton plongeraient dans le texte pour y «entendre» le cinéaste, Mark Salisbury se fait très discret: sa participation se limite à mettre en contexte et à faire des liens. De l'efficace et du professionnel. Le résultat est une oeuvre dont les fans de Tim Burton ne sauront se passer.

Tim Burton, au MoMA de New York jusqu'au 26 avril. Achat de billets: www.moma.org/tickets