(Toronto) La double grève « historique » des scénaristes puis des acteurs américains, qui a duré plus de quatre mois, aura paralysé ce secteur et perturbé la vie de bon nombre des dizaines de milliers d’artistes et de techniciens canadiens qui dépendent des productions américaines pour leur travail.

La grève des acteurs américains a pris fin le 9 novembre, lorsque leur Guilde a conclu une entente de principe avec l’Alliance des producteurs de films et de télévision, qui représente des plateformes de diffusion en continu et des studios, dont Disney, Netflix et Amazon. Les instances du syndicat ont voté en faveur de l’entente de principe quelques jours plus tard, vantant les gains sur les principaux points en litige, comme l’augmentation du salaire minimum et les protections sur l’utilisation de l’intelligence artificielle.

L’entente, d’une durée de trois ans, est désormais soumise à un vote de ratification des membres jusqu’au 5 décembre. Et depuis que la Guilde des scénaristes a ratifié sa propre entente avec les studios en octobre, des signes de vie commencent à réapparaître dans le secteur canadien du cinéma.

Certains tournages qui étaient prêts à commencer au moment de la grève se préparent déjà à reprendre après les vacances des Fêtes. Mais des observateurs prévoient qu’il faudra peut-être attendre des mois avant que la production ne tourne à plein régime, alors que les producteurs attendent de connaître les nouvelles conditions des ententes.

Le commissaire au cinéma de Vancouver, Geoff Teoli, a déclaré qu’il y avait eu une légère augmentation des travaux de préparation et du calendrier de préproduction depuis la fin de la grève des acteurs, et il s’attend à des tournages dans sa ville d’ici la fin de l’année. Mais il ne s’attend pas à une reprise complète dans cet important pôle de production canadien avant le printemps 2024, après avoir constaté une baisse de 75 à 80 % de l’activité habituelle à Vancouver pour 2023.

M. Teoli a entendu des producteurs dire qu’il y avait un besoin immédiat de projets « dans les délais et dans les limites du budget », puisque « le temps presse et l’argent est serré » à la suite des grèves.

La résolution du conflit de travail aux États-Unis a de quoi réjouir l’agente artistique torontoise Karin Martin, en particulier pour bon nombre de ses artistes qui n’ont pas travaillé depuis près d’un an – les studios américains avaient anticipé les moyens de pression dès l’hiver dernier et réduit les commandes. Mais elle prévient les artistes canadiens qu’ils pourraient retrouver une situation bien transformée.

« Nous avons déjà connu des changements énormes dans notre secteur, notamment lorsque nous sommes passés du cinéma au numérique, et celui-ci en est un autre important, dit-elle. Ça va être énorme pour le secteur. Ça va le réduire considérablement. »

Malgré ces deux grèves, les « vieux studios » et les plateformes de diffusion continue ont quand même réalisé des bénéfices à court terme, en collectant les revenus des services en ligne et du contenu prêt à l’emploi, sans dépenser pour la production, explique Mme Martin. Elle prédit que cette formule de baisse de dépenses en production se poursuivra probablement après la grève.

« Je ne pense pas qu’il y aura autant d’argent qu’avant. Ce sera très axé sur la façon dont chaque cent sera dépensée, alors qu’avant, c’était un peu plus fluide, dit-elle. Entre la création artistique et les budgets de production, je pense que le compromis va aller un peu plus vers les résultats financiers que vers l’artistique. »