La 18exposition internationale d’architecture de la Biennale de Venise vient de s’ouvrir. Sous le titre Le laboratoire du futur, la gigantesque exposition se tourne pour la première fois de son histoire vers le continent africain. Une autre première : l’exposition est organisée par une commissaire écossaise d’origine ghanéenne, l’architecte, écrivaine et éducatrice Lesley Lokko.

Cette année, plus de la moitié des 89 exposants sont originaires d’Afrique ou de la diaspora africaine, et les organisateurs affirment avoir scrupuleusement respecté la parité hommes-femmes. Pour expliquer ce choix, Mme Lokko affirme : « Nous décrivons souvent le mot “culture” comme la somme totale des histoires que nous nous racontons sur nous-mêmes. Dans le domaine de l’architecture, l’histoire qui a été racontée jusqu’à présent s’est largement concentrée sur le passé et les expériences occidentales et a ignoré l’Afrique. Je pense qu’il s’agit d’une histoire non pas fausse, mais incomplète. »

L’exposition principale de la Biennale, qui s’annonce comme une ode à la décolonisation et à la décarbonation, présente autant d’idées que de bâtiments ou d’artefacts. Par exemple, on y retrouve un film du photographe Sammy Baloji, dont les images contemplatives de paysages montrent les résultats de la colonisation belge en République démocratique du Congo. Une autre vidéo nous fait découvrir une fascinante enquête de l’architecte Alison Killing sur les camps de détention de Ouïghours, construits par le gouvernement chinois au Xinjiang. Un peu plus loin, une série de maquettes présentées par l’architecte Andrés Jaque raconte de quelle manière l’extraction de minéraux et de matières premières utilisées en architecture contemporaine participe à la ségrégation raciale.

  • L’installation Threads de l’architecte sud-africaine Kate Otten

    PHOTO VINCENZO PINTO, AGENCE FRANCE-PRESSE

    L’installation Threads de l’architecte sud-africaine Kate Otten

  • L’installation Surfacing – The civilized agroecological forest of Amazonia d’Estudio A0

    PHOTO VINCENZO PINTO, AGENCE FRANCE-PRESSE

    L’installation Surfacing – The civilized agroecological forest of Amazonia d’Estudio A0

  • Une photo de l’installation Adjaye Futures Lab

    PHOTO VINCENZO PINTO, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Une photo de l’installation Adjaye Futures Lab

  • Exposition immersive au pavillon des Philippines

    PHOTO ANTONIO CALANNI, ASSOCIATED PRESS

    Exposition immersive au pavillon des Philippines

  • Un visiteur dans le pavillon de l’Arabie saoudite

    PHOTO VINCENZO PINTO, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Un visiteur dans le pavillon de l’Arabie saoudite

  • L’installation Time and change de Serge Attukwei Clottey

    PHOTO VINCENZO PINTO, AGENCE FRANCE-PRESSE

    L’installation Time and change de Serge Attukwei Clottey

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La Biennale de Venise compte cette année 64 représentations nationales. 27 d’entre elles, dont le Canada, sont situées dans les pavillons permanents qui se trouvent dans les Giardini (les jardins de la Biennale) et 23 dans l’ancien arsenal de Venise, un magnifique bâtiment industriel reconverti en espaces d’expositions. Quatorze autres sont disséminées dans divers espaces à travers la ville, dont des palais et des églises désaffectées.

Présence canadienne

Le pavillon du Canada accueille le collectif Architects Against Housing Alienation, formé en 2021 et composé de six membres, architectes, artistes et professeurs des universités de Toronto et de la Colombie-Britannique.

L’exposition Pas à vendre ! / Not for Sale !, sélectionnée par un jury mis sur place par le Conseil des arts du Canada, s’attaque à la crise du logement en s’opposant à l’idée de l’habitat comme machine à profit et comme moyen de spéculation.

Le pavillon canadien à Venise
  • Le pavillon canadien à Venise, lieu de l’exposition Pas à vendre ! / Not for Sale !

    PHOTO FOURNIE PAR LE CONSEIL DES ARTS DU CANADA

    Le pavillon canadien à Venise, lieu de l’exposition Pas à vendre ! / Not for Sale !

  • Le pavillon canadien à Venise, lieu de l’exposition Pas à vendre ! / Not for Sale !

    PHOTO FOURNIE PAR LE CONSEIL DES ARTS DU CANADA

    Le pavillon canadien à Venise, lieu de l’exposition Pas à vendre ! / Not for Sale !

  • Le pavillon canadien à Venise, lieu de l’exposition Pas à vendre ! / Not for Sale !

    PHOTO FOURNIE PAR LE CONSEIL DES ARTS DU CANADA

    Le pavillon canadien à Venise, lieu de l’exposition Pas à vendre ! / Not for Sale !

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Les visiteurs sont accueillis par une immense photographie de campements de fortune qui enveloppe littéralement le pavillon. Une fois à l’intérieur, on retrouve le résultat du travail de dix équipes pancanadiennes qui ont été invitées à développer des projets d’architecture offrant des réponses possibles et originales à une demande de logement spécifique.

Le projet piloté par l’équipe d’architectes montréalais Big City imagine un complexe architectural dans la rue Berri, qui occuperait le sud de l’îlot Voyageur, laissé vacant par la construction du nouveau terminus d’autobus. Faisant écho à la présence de la Grande Bibliothèque, le projet mêle un programme littéraire à des programmes d’alphabétisation et à des logements sociaux, notamment pour des immigrés nouvellement arrivés, afin de favoriser l’intégration sociale.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Anne Cormier, architecte du bureau Big City

Pour nous, la Biennale a été un levier incroyable. Ça nous a permis de donner de la visibilité et de la crédibilité à un projet qu’on avait déjà en tête depuis un moment.

Anne Cormier, architecte du bureau Big City

Au pavillon canadien, le collectif Architects Against Housing Alienation va jusqu’à formuler un manifeste politique incluant des demandes de restitution des terres ancestrales, de mise en place d’une taxe sur l’embourgeoisement et d’une politique d’habitats solidaires. Extrêmement concrète, la proposition du Canada soulève donc de vraies questions, mais elle détonne un peu par rapport aux installations plus artistiques, conceptuelles et épurées d’autres pays.

La vision du Brésil

On compare parfois la Biennale de Venise aux Jeux olympiques des arts et de l’architecture. C’est le Brésil qui a remporté cette année le Lion d’or de la meilleure représentation nationale. Terra [Earth], l’exposition brésilienne, remet en question la vision idéalisée et racialisée de la « nature tropicale » qui a façonné la représentation de l’identité nationale brésilienne. Le magnifique pavillon en béton, construit en 1964 par l’architecte vénitien Amerigo Marchesin, a été cette année rempli de terre et propose une série d’œuvres qui souligne l’héritage artistique des populations indigènes et afro-brésiliennes.

Au cours de sa longue histoire, la Biennale a souvent servi d’arrière-plan aux batailles idéologiques et diplomatiques de toutes sortes. Cette année, à quelques jours de l’ouverture de l’exposition vénitienne, le gouvernement italien a empêché trois conservateurs ghanéens d’entrer en Italie pour participer à la Biennale. Ce refus a fait couler beaucoup d’encre. Or, si plus de la moitié des exposants de la Biennale sont d’origine africaine, il n’en reste pas moins que nombre d’entre eux sont des citoyens britanniques, européens ou américains. Nous sommes donc bien loin d’une Biennale véritablement tournée vers le continent africain, dont la représentation nationale à la Biennale se limite en fait à deux pays : le Niger et l’Afrique du Sud.