Soulagé et ravi d’avoir enfin un calendrier de réouverture avec lequel travailler, le milieu culturel est prêt à avancer en vue de la réouverture des salles de spectacles et des cinémas au maximum de leur capacité annoncée pour le 28 février. L’un des premiers défis à relever : ramener le public dans les salles.

Les annonces de mardi du gouvernement répondent finalement à la demande du milieu culturel pour un calendrier concret des assouplissements et ainsi plus de prévisibilité. Première date importante à l’agenda : les salles de spectacles et les cinémas pourront accueillir le public au maximum de leur capacité dès le 28 février.

La levée des mesures qui limitaient l’accès aux salles n’est toutefois pas garante d’un retour à la normale. « Il ne suffit pas de dire qu’on est ouverts. Peu importe la capacité, les billets ne se vendront pas du jour au lendemain », affirme David Laferrière, président de RIDEAU, qui regroupe 350 salles au Québec.

Celui qui est aussi directeur général du Théâtre Gilles-Vigneault considère le plan de déconfinement et ses assouplissements pour le milieu culturel comme « une belle surprise, une très belle nouvelle ». S’il voit maintenant une possibilité d’aller de l’avant, il sait aussi « tout le poids du travail qui attend [le milieu] pour redonner confiance au public ».

« Ce n’est pas la volonté du gouvernement, mais quand ça fait deux ans que tu dis de ne pas aller dans ces lieux-là, ça s’inscrit dans l’imaginaire collectif », affirme-t-il.

Alors, pour convaincre les gens de revenir voir des spectacles, il faudra compter sur la qualité des programmations, mais aussi « rappeler au monde que nos lieux sont sécuritaires et que cette rencontre entre le public et les artistes est précieuse ».

« Les artistes vont revenir, il faut voir si le public veut retrouver les artistes », dit Michel Sabourin, porte-parole de l’Association des salles de spectacles indépendantes (ASSIQ).

On s’attend à une aide du ministère de la Culture pour attirer les foules. « J’espère de tout cœur, et c’est le message que je lance, que le gouvernement ne va pas se frotter les mains en disant qu’on peut rouvrir et que ça suffit, sans faire l’accompagnement pour rebâtir la clientèle et ramener les artistes sur scène. »

« On travaille avec le milieu pour s’assurer que les gens retournent dans les salles », répond la ministre de la Culture, Nathalie Roy, jointe par La Presse peu après les annonces de mardi. « On a déjà fait du travail en ce sens, avec des campagnes de publicité. Les artistes sont les mieux placés pour faire leur campagne de publicité, donc on leur donne de l’argent pour qu’ils les fassent. On a déjà donné plusieurs millions. […] Il y a plusieurs mesures mises en place pour assurer le retour des clients. »

Autres mesures

Autre annonce importante du plan dévoilé mardi : à partir du 14 mars, les salles de spectacles sans sièges, pour l’instant toujours exclues des assouplissements dans les lieux culturels, pourront rouvrir. Il en sera de même pour les parterres de danse et les karaokés.

Ainsi, l’industrie culturelle pourra bientôt recommencer à rouler à pleins gaz, bien qu’une exception s’applique aux arénas, soit le Centre Bell et le Centre Vidéotron, qui demeureront à 50 % de leur capacité jusqu’au 14 mars.

D’ici les réouvertures à plein rendement, les salles (avec sièges) et les cinémas continueront d’accueillir des spectateurs à 50 % de leur capacité. Dès le 21 février, toutefois, la jauge maximale de 500 personnes, actuellement en vigueur, sera levée. Le port du masque demeurera obligatoire, tout comme le passeport vaccinal, dans tous les lieux culturels.

Les évènements extérieurs sans restrictions le 14 mars

Pour les évènements extérieurs, on passera à une possibilité de 1000 personnes à 5000 dès le 14 février. À partir du 14 mars, il n’y aura plus de limite de spectateurs. « Je me réjouis et je suis content d’avoir plus de prévisibilité », dit Martin Roy, président-directeur général du Regroupement des évènements majeurs internationaux (REMI). « On va pouvoir planifier nos évènements en ayant une forme d’assurance, on va pouvoir préparer un véritable retour cet été. »

« On a tenu des dizaines de rencontres au cours des derniers mois pour trouver une sortie et une façon de reprendre les activités, affirme la ministre Roy. On a écouté le milieu, et ce qu’il demandait, c’est beaucoup de prévisibilité, de savoir les choses le plus tôt possible. C’est ce qu’on a fait avec cette annonce et on a aussi ajouté de la flexibilité. »

Par « flexibilité », en ce qui concerne les salles, la ministre de la Culture entend que chaque propriétaire a la latitude pour s’adapter à la réalité des prochaines semaines, pour rouvrir ou non sa salle à 100 % de sa capacité lorsque ce sera possible. « Ceux qui viennent de refaire leur configuration, on les épaule, on les soutient financièrement pour ne pas qu’ils aient à jouer au yoyo avec leurs productions, avec les spectateurs et qu’ils puissent accueillir leur public. »

L’aide financière gouvernementale à la billetterie, qui accorde un remboursement jusqu’à 75 % des billets invendus, restera en vigueur jusqu’au 31 mars pour permettre cette transition, assure Mme Roy.

Prêts à se « relever les manches »

La date du 28 février marque ainsi un moment important pour l’industrie culturelle, à l’arrêt depuis le 20 décembre dernier, date de la troisième fermeture des salles de spectacles et des cinémas depuis le début de la pandémie.

« C’est bien qu’on sache à quoi s’en tenir au même titre que les autres secteurs d’économie, parce qu’on est très souvent oubliés et on apprenait les mesures du domaine culturel quelques semaines plus tard, soulève Michel Sabourin, de l’ASSIQ. Là, on le sait, on va se relever les manches et on peut travailler avec une date de reprise. On peut planifier la réouverture de nos bâtiments, qui ont été presque à l’abandon depuis deux ans. Et on va essayer de ramener notre main-d’œuvre, ce qui ne sera pas facile. »

Les défis demeurent nombreux. À court terme, on n’a aucune crainte pour la programmation, puisque depuis deux ans, des spectacles sont sans cesse reportés, tandis que d’autres s’ajoutent, explique M. Sabourin. Côté festivals, tout le monde travaillait déjà fort pour monter leurs évènements avant la pause et l’incertitude amenées par le variant Omicron. On peut maintenant reprendre le travail de plus belle.

Martin Roy n’a par ailleurs aucun doute que les spectateurs seront au rendez-vous pour les festivals. « Il y a un véritable appétit, je ne peux pas imaginer que les gens ne seront pas là. Le public est en manque de festivals, après l’hiver et les deux dernières années qu’on a connues, tout le monde va vouloir célébrer et avoir un peu de légèreté dans nos vies, dit-il. Le passeport vaccinal est là pour rester, donc je pense que les gens vont être rassurés d’être dans un endroit où tout le monde va être vacciné. »

À la merci des variants, personne (même pas le gouvernement) ne peut garantir que ces assouplissements sont là pour de bon, même si tout le monde le souhaite. « Le milieu culturel est très sécuritaire et il est exemplaire, dit la ministre Nathalie Roy. C’est mon message pour la Santé publique : on a besoin de la culture dans la vie, on a besoin de se faire du bien, alors laisser nos lieux ouverts. […] Et je veux dire aux gens : de grâce, continuez de vous faire du bien, allez vous abonner, allez dans nos salles de spectacles, les artistes vous attendent. »

« On y a cru l’automne dernier et il faut y croire encore. La donne n’est pas la même cette fois, on peut tabler sur une réelle reprise, dit David Laferrière, optimiste. L’enjeu de remettre les gens dans nos salles, c’est majeur. Mais les arts vivants, rien ne va remplacer ça. »