Les nombreuses luttes féministes n'auront visiblement pas suffi. Les inégalités entre les hommes et les femmes qui travaillent dans le milieu des arts persistent toujours, révèlent deux études menées par l'Association québécoise des auteurs dramatiques (AQAD) et l'Union des artistes (UDA).

Les textes dramatiques écrits par les femmes sont moins joués dans les théâtres d'ici que les oeuvres de leurs collègues masculins. Et du côté des artistes qui se retrouvent sur les planches ou devant la caméra, la situation n'est pas plus rose: l'écart entre le salaire annuel moyen des comédiens et celui de leurs consoeurs s'est agrandi en 2008 par rapport à 2007.

Les chiffres révélés dans les deux études sont éloquents. Par exemple, bien que 40 % des auteurs dramatiques soient des femmes, seulement 29 % des oeuvres jouées au théâtre proviennent d'une plume féminine, révèle un document établissant le portrait de la condition socio-économique des auteurs dramatiques québécois, intitulé Rideau de verre. L'étude, publiée à la fin août et menée par Marie-Ève Gagnon, présidente de l'AQAD, a tenu compte de sept saisons théâtrales entre 2000 et 2007. Quelque 1600 productions ont été répertoriées pour effectuer ce travail colossal qui a duré deux ans.

Autre inégalité soulevée par l'auteure: l'accès à la scène. Environ 35,9 % des hommes comptent trois productions ou plus à leur actif au cours de ces sept années, ce qui est le cas de 18 % des femmes. «Il est donc plus difficile à une femme de légitimer sa pratique et de soutenir sa carrière par un accès régulier à la scène», révèle l'étude.

Et la présence de femmes à la direction artistique «ne se traduit pas par des gains pour les auteures». «Par exemple, chez Théâtres associés inc., où 40 % des directions artistiques sont féminines, on a vu que les oeuvres de femmes ne représentaient que 24,1 % des textes choisis.»

Les chiffres obtenus ne surprennent guère Marie-Ève Gagnon qui, avant même d'entamer son étude, se doutait que la scène n'accordait pas la même place aux hommes et aux femmes.

La présidente de l'AQAD a tout de même fait des découvertes inattendues. «La plus grande surprise, c'était plutôt de voir à quel point les gens étaient mal à l'aise (d'aborder la question des inégalités), mentionne-t-elle. C'est comme si c'était un sujet révolu pour la plupart des gens et qu'il fallait passer à autre chose, ajoute-t-elle. Souvent l'héritage féministe est perçu comme négatif par plusieurs personnes.»

Pendant ce temps à l'UDA

La situation n'est guère plus reluisante du côté des femmes membres de l'UDA. La Presse a révélé au cours de l'été qu'en 2008, les femmes artistes ont gagné 77,4 % du revenu moyen des hommes, contrairement à 81,5 % pour 2007. À partir de ces chiffres, le comité des femmes de l'Union des artistes - dont font notamment partie les comédiennes Nathalie Gascon et Geneviève Rioux - a déposé un rapport samedi dernier au conseil d'administration de l'UDA.

Selon le texte de cette étude, le revenu moyen des femmes en 2008 était de 17 995 $ (par rapport à 17 662 $ en 2007) alors qu'il atteignait 23 101 $ (par rapport à 21 622 $ en 2007) pour leurs confrères masculins. L'inégalité se traduit aussi en nombre de cachets versés. Si les femmes en ont obtenu 54 683 $ l'an dernier, la part des hommes s'élève à 76 934 $.

Afin de renverser la vapeur, le comité a notamment l'intention d'intensifier ses efforts pour «offrir aux artistes des modèles de réussite féminine», lit-on dans le rapport rédigé par la présidente du groupe, Denyse Marleau. Le comité veut stimuler l'entrepreneurship et encourager les femmes à donner un second souffle à leur carrière en se lançant dans la rédaction de textes ou encore en montant des spectacles, explique Mme Marleau. Il offrira des formations pour expliquer comment faire une demande de subvention ou encore vers quel organisme se tourner.

De son côté, la ministre de la Culture et de la Condition féminine, Christine St-Pierre, veut faire une analyse approfondie des deux études avant de se prononcer sur la question. Son cabinet tient toutefois à souligner que Mme St-Pierre ne prend pas ce dossier à la légère puisqu'elle a notamment formé en avril un comité de travail qui se penche sur la place qu'occupent les femmes dans les professions liées à la culture.