Les outils d’intelligence artificielle peuvent générer du code informatique, des arguments juridiques et même illustrer des livres pour enfants. Un nouveau type de robots d’IA s’attaque à un autre domaine humain : l’accompagnement professionnel.

Ces jours-ci, bien des gens craignent que l’IA leur vole leur emploi ; pour le garder, certains prennent l’IA comme coach. L’IA générative donne déjà des conseils en matière de rencontres, de voyages et de gestion des personnes difficiles. Pourquoi pas pour le boulot ?

Nous avons testé six robots pour voir comment ils se comparent à de véritables coachs professionnels. Résultat : les outils d’IA donnent des conseils de base corrects, mais ils peuvent aussi compliquer les problèmes ou proposer des solutions biaisées.

Résultats de nos tests

L’IA n’a pas la profondeur d’un coach humain, mais elle n’est pas sans valeur pour ceux qui ont de la difficulté au travail. La clé, c’est de l’utiliser pour générer des idées ou obtenir un autre point de vue, mais à la fin, de se fier à son jugement.

« Dites : "Voici mon plan. Que dois-je considérer d’autre ?" », explique Hatim Rahman, chargé de cours en gestion à l’Université Northwestern, à Chicago, qui étudie les effets de l’IA au travail. « C’est là que l’IA a du potentiel. »

Lors des essais, certains des robots conseillers d’IA ont montré une tendance à accompagner l’utilisateur dans la résolution des problèmes, étape par étape, souvent en posant des questions pertinentes. En général, ils aident l’utilisateur à résoudre lui-même ses enjeux, sans proposer une solution toute faite. Les outils d’IA généralistes comme ChatGPT, par contre, déversaient en vrac des paragraphes entiers d’informations.

Pour les sujets graves comme le harcèlement ou les pensées suicidaires, tous les robots ont recommandé de contacter les RH ou un professionnel en santé mentale.

Google SGE : La recherche par IA, qui apparaît automatiquement en tête des recherches Google, a généralement fourni une liste de conseils suivie de liens pour plus d’informations. Ces liens renvoient à des sites d’emploi, à des services-conseils en matière de carrière et à des blogues d’entreprises et d’universités.

Copilot : Le robot d’IA de Microsoft est similaire, mais il engage un peu plus la conversation. Après lui avoir demandé quoi dire à un patron adepte de la microgestion, on a pu approfondir, par exemple, sur la manière de fixer des limites. Copilot a proposé diverses formulations, comme : « J’apprécie vos commentaires, mais je préfère les recevoir durant la réunion hebdomadaire, pas tout au long de la journée. »

ChatGPT : La version gratuite du robot d’OpenAI a souvent tout débité dans une seule réponse contenant des conseils et des formules pour engager une conversation difficile, puis résumer la situation à la fin. Comme avec Copilot, on peut lui poser des questions supplémentaires ou demander des précisions.

AIMY : À la question « dois-je démissionner ? », AIMY n’a pas répondu tout de suite. Il a posé des questions sur le contexte, sur la situation telle que l’utilisateur la percevait et sur les mesures qui pourraient être prises pour résoudre des problèmes. Ce robot appartient à CoachHub, qui met en contact immédiat les utilisateurs avec des conseillers humains : « S’il faut gérer une situation complexe aujourd’hui, pas besoin d’attendre votre coach », affirme Pedro Cabrera, premier vice-président à la gestion des données chez CoachHub.

Wisq : Ce robot permet de choisir divers sujets comme « acquérir des compétences en leadership » ou de discuter librement avec lui. Comme AIMY, il n’a pas donné de réponse tranchée à la question « dois-je démissionner ? », soulignant que changer d’emploi pourrait être difficile, mais gratifiant. « Seul un tout petit pourcentage d’employés ont accès à un coach humain. On s’occupe des 98 % restants », dit Jim Barnett, PDG de Wisq.

Rocky.ai : Cet outil s’est concentré sur des objectifs spécifiques, parfois à l’excès. Selon Harry Novic, fondateur et PDG de Rocky.ai, cela peut s’expliquer par le fait que le système, alimenté par ses propres modèles, ne puise que dans des contenus sélectionnés et non dans l’internet au complet ni dans les données que l’entreprise qui emploie l’utilisateur aurait pu fournir. Il emprunte des fonctions de Gemini de Google et de ChatGPT d’OpenAI, entre autres, pour traiter certaines requêtes conversationnelles spécifiques.

AIMY, Wisq et Rocky.ai peuvent être consultés sur une application ou sur le web. Les trois offrent des versions gratuites et payantes.

Attention, si vous utilisez un outil grand public, vos données peuvent servir à former l’IA. Les comptes d’entreprise sont souvent un peu mieux protégés, mais faites preuve de discernement si vous posez des questions délicates sur votre travail.

Pourquoi ils ne sont pas aussi bons que les humains

L’IA n’est pas un substitut aux conseils d’un coach humain, notamment parce qu’elle invente souvent des réponses.

La politique d’utilisation d’OpenAI est muette sur le cas spécifique des conseils professionnels, mais met en garde contre l’utilisation de ChatGPT dans toute activité pouvant avoir une incidence « sur la sécurité, le bien-être ou les droits d’autrui ». OpenAI prévient que les réponses peuvent avoir du sens, mais être erronées, et rappelle aux utilisateurs que ChatGPT ne sait pas tout. Microsoft prévient que Copilot n’a pas été conçu pour être un conseiller professionnel.

« L’IA vit sur l’internet, alors que vous et moi vivons dans le monde réel, une distinction que nous ne devrions pas oublier », a déclaré Vinay Menon, qui dirige la pratique mondiale de l’intelligence artificielle pour le cabinet de recrutement Korn Ferry. « L’IA est destinée à soutenir la prise de décision, pas à la remplacer complètement. »

Seront-ils fiables un jour ?

L’IA ne pourra pas apporter ce qu’un coach humain apporte, car il lui manquera l’empathie et la capacité d’interpréter les indices émotionnels qui viennent quand un humain connaît les expériences personnelles de son interlocuteur. C’est le consensus des experts et fabricants de logiciels.

« Un mentor connaît votre trajectoire professionnelle et vos expériences de vie, l’IA, non », dit M. Rahman.

Avant de demander conseil à un robot conseiller, il faut se renseigner sur l’IA, demeurer sceptique et se familiariser avec les politiques de protection de la vie privée.

Les fabricants de logiciels et les experts en IA sont unanimes : les coachs de carrière d’IA vont s’améliorer. OpenAI a déjà lancé une technologie capable d’identifier certains indices visuels. Cela dit, l’IA traite la prise de décision comme une science, non comme une intuition. Si vous l’utilisez, n’oubliez pas de vous fier à votre propre intelligence humaine.

« L’humain doit venir en premier et l’IA en second », a déclaré M. Menon.

Cet article a été publié dans le Washington Post.

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