Les deux dernières années ont été particulièrement chargées pour la jeune firme de télémédecine Akinox, qui a tour à tour développé la plateforme web pour orienter les personnes qui avaient des symptômes de la COVID-19 vers les centres de dépistage, puis une autre pour réaliser le traçage des cas et colliger sur une base quotidienne, en temps réel, l’évolution de leur nombre, et enfin celle pour générer les codes QR de tous les citoyens vaccinés et leur fournir une preuve d’immunisation.

« On a fait la démonstration qu’il est possible de gérer les données sur une base optimale, il faut maintenant pérenniser les acquis technologiques de la COVID », souligne Alexander Dahl, PDG et fondateur d’Akinox, l’entreprise qui a remporté en novembre dernier le Prix e-solution de l’année du ministère de la Santé et des Services sociaux dans le cadre du colloque informatique santé pour ses applications VaxiCode et VaxiCode Verif.

Akinox existait depuis 2010 et avait développé une plateforme d’automatisation des processus numériques en santé qui était utilisée dans plusieurs projets de télémédecine, notamment au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine et au réseau universitaire intégré de santé (RUIS) McGill, lorsqu’elle a été sollicitée le 15 mars 2020 par le gouvernement pour créer une plateforme d’orientation vers le dépistage des cas de COVID-19.

On a reçu un appel du gouvernement, qui savait ce qu’on faisait et qui nous a sollicités. En trois jours, on a mis sur pied un questionnaire en ligne pour permettre de prendre des rendez-vous pour le dépistage.

Alexander Dahl, PDG et fondateur d’Akinox

« On a mis notre infrastructure cloud à la disposition du domaine internet du ministère de la Santé. Ensuite, on a développé une plateforme pour réaliser le traçage des cas qui a servi à plus de 7500 utilisateurs de la Santé publique, principalement des agences de santé régionales », résume Alexander Dahl.

C’est sans compter les 900 000 personnes qui ont fait des suivis de contacts avec des gens qui avaient la COVID-19, les 9,2 millions de questionnaires d’autoévaluation du dépistage et les 12 millions de résultats de tests de laboratoire qui ont été traités par la plateforme d’Akinox.

En donnant lieu de réaliser le travail à distance et de remplacer le télécopieur par la donnée numérique, la plateforme a permis d’épargner l’équivalent de 700 années-personnes, souligne son PDG.

Gestion du code QR

La plateforme numérique VaxiCode d’Akinox a aussi permis de livrer pas moins de 12 millions de codes QR à l’ensemble de la population vaccinée du Québec, des codes qui se sont traduits par des preuves de vaccination valides pour le Québec et l’étranger.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Akinox est derrière les applications VaxiCode et VaxiCode Verif.

« On était en avance sur plusieurs autres juridictions. On a été la première plateforme de vaccination en Amérique du Nord qui pouvait reconnaître les preuves de l’étranger, notamment de 46 pays utilisant le format européen. Notre plateforme a aussi été utilisée en Saskatchewan et à Terre-Neuve », précise Alexander Dahl.

Akinox, qui comptait une dizaine d’employés en mars 2020, dénombre aujourd’hui près de 90 professionnels – des cliniciens, des programmeurs, des spécialistes de la sécurité, de la gestion de projet, du développement des affaires…

« On a mis en place une plateforme sécuritaire qui protège les données personnelles, un engin universel reconnu par les autorités tant au Canada qu’à l’étranger », observe le PDG.

Même si VaxiCode est actuellement en hibernation, l’utilisation de standards modernes pour la gestion de dossiers de santé est probante et devra maintenant servir de modèle pour l’avenir, estime le PDG.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Alexander Dahl, PDG et fondateur d’Akinox

Nos solutions de télémédecine pour les régions éloignées que nous avons développées avant la COVID ont permis d’améliorer dans 98 % des cas la qualité des soins en région.

Alexander Dahl, PDG et fondateur d’Akinox

« Plutôt que d’envoyer un patient du Nunavik rencontrer un spécialiste à Montréal ou à Québec, c’est son médecin de famille qui obtient en deux jours un diagnostic à une consultation à distance qu’il aura faite avec ce spécialiste. Cette réingénierie des processus permet aussi au médecin de famille de profiter d’une formation en continu », explique Alexander Dahl.

Selon le PDG, qui cite une étude du Journal of Medical Informatics, la consultation à distance permet de réduire de 40 % les déplacements de patients d’une région vers les grands centres, ce qui diminue les déplacements, l’attente, les coûts et l’engorgement des hôpitaux.

La pérennité des acquis technos

Les solutions technologiques qui ont permis de mieux gérer l’ampleur des différentes vagues de la pandémie doivent maintenant servir de tremplin à la refondation du système de santé tant souhaitée par le ministre Christian Dubé, estime Alexander Dahl.

« On est là pour permettre l’implantation du carnet de santé virtuel. On pourrait rapidement, dans un premier temps, transférer le carnet de vaccination papier en carnet électronique.

« On peut aussi s’attaquer à la mise en place d’un portail santé et permettre l’adoption à grande échelle du Carnet santé Québec. Présentement, il y a seulement 400 000 personnes au Québec qui sont inscrites à ce programme, alors qu’on vient de vacciner 7,6 millions de personnes.

« Et il faut aussi permettre aux citoyens d’avoir accès à leur dossier. Quand tu souscris à une assurance maladie, ton assureur a accès à tout ton dossier, mais toi, comme patient, tu n’y as pas accès. On peut le faire », propose le PDG d’Akinox.

Selon Alexander Dahl, que j’ai rencontré en marge d’un colloque sur la performance et la valorisation des données de la santé, c’est tout le système de la santé publique qui va sortir gagnant d’une plus grande automatisation des processus.

« Il faut rapprocher les soins des patients plutôt que les patients des soins. Idéalement, un hôpital centré sur le patient serait un hôpital sans patient… »