Le géant technologique Meta bloquerait le partage de contenu d’actualité canadien sur Facebook et Instagram si le projet de loi C-18 devait être adopté sous sa forme actuelle.

La nouvelle a été rapportée samedi par le Globe and Mail, qui a eu la confirmation de la maison mère de Facebook et Instagram, Meta.

« Si la Loi sur les nouvelles en ligne est adoptée sous sa forme actuelle, nous mettrons fin à la disponibilité du contenu de nouvelles pour les Canadiens sur Facebook et Instagram », a indiqué la porte-parole Lisa Laventure dans une déclaration fournie à La Presse.

Le projet de loi sur les nouvelles en ligne du gouvernement fédéral forcerait les plateformes numériques comme Facebook et Google à négocier des ententes équitables pour le partage de leurs revenus avec les médias d’information.

Or, Meta estime que le projet de loi C-18, actuellement examiné par le Sénat, n’est « ni durable ni réalisable ».

L’entreprise fait valoir que les publications contenant des liens vers des articles de nouvelles « représentent moins de 3 % de ce que les gens voient dans leur fil d’actualité Facebook », et qu’elles ne constituent pas une source importante de revenus pour le réseau social.

« Encore une fois, c’est décevant de voir Facebook en venir aux menaces au lieu de travailler de bonne foi avec le gouvernement, a réagi le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez. Les Canadiens ne se laisseront pas intimider. »

L’an dernier, le géant du web avait menacé de mettre fin au partage de contenu d’actualité canadien sur sa plateforme, advenant son adoption.

« On a dit qu’on était prêts à travailler avec Facebook, et on l’est encore », a poursuivi M. Rodriguez.

En opposition au projet de loi, Google a aussi décidé récemment de couper l’accès aux nouvelles à 4 % de ses usagers au Canada, avant de faire marche arrière vendredi.

« Ils font tout pour intimider »

Le professeur de journalisme à l’Université du Québec à Montréal Jean-Hugues Roy ne prend pas au sérieux cette nouvelle manœuvre d’intimidation de Meta.

« Ils vont tout faire pour intimider les parlementaires à ne pas adopter la loi », affirme l’expert qui a étudié les contenus médiatiques sur Facebook.

Rappelons que le réseau social avait temporairement bloqué le partage des nouvelles en Australie en représailles à une loi similaire, en 2021, avant de trouver une entente avec le gouvernement australien. Le pays était alors le premier au monde à contraindre les géants du web à verser des redevances aux médias d’information.

Cette fois, Meta menace de restreindre le contenu journalistique canadien de ses plateformes si le projet C-18 est adopté, ce qui aurait pour conséquence de le rendre caduc, explique M. Roy. « Il n’y aurait plus de logique à demander à Meta de partager ses revenus », précise-t-il.

D’après lui, l’entreprise numérique se « tirerait dans le pied » en mettant sa menace à exécution. Les médias canadiens rapporteraient en moyenne 200 millions de dollars à Meta annuellement, selon ses estimations.

« Ils disent qu’ils n’en ont pas besoin. Je n’achète pas l’argument », estime le professeur.

Google et Meta se comportent en « voyous », dénonce le Bloc québécois

« C’est inacceptable, c’est prétentieux et ça mérite une intervention musclée de l’État et une détermination de l’ensemble de la société pour que l’État de droit s’impose, incluant aux géants de l’internet », a dénoncé le chef bloquiste Yves-François Blanchet lors d’une mêlée de presse en marge du congrès du Parti québécois, où il a pris la parole.

Google et Meta se comporteraient en « voyous », en mettant de l’avant ces menaces, et une des deux « l’a déjà fait », a-t-il souligné.

Il appelle également la population à éviter d’utiliser les services de ces mauvais joueurs. « La meilleure des solutions lorsqu’un joueur corporatif se comporte un peu en voyou, c’est au niveau des consommateurs et des usagers que ça se passe. Que les gens soient conscients que ces entreprises ne sont peut-être pas à privilégier parce qu’elles ont moins de respect pour l’État de droit […] que pour leurs actionnaires », a-t-il déploré.

De son côté, le député néo-démocrate Alexandre Boulerice a rappelé que ce sont les parlementaires qui gouvernent, et non les entreprises numériques.

« Si Meta pense qu’avec des menaces, ils vont nous faire reculer, ils se fourrent le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate. On ne reculera pas. Je trouve disgracieuses ces tentatives d’intimidation », a-t-il condamné.

Avec Charles Lecavalier, La Presse