Google Canada a annoncé jeudi la signature d’accords avec huit éditeurs canadiens pour un nouveau produit et un programme de licence qui paieront des organismes de presse pour créer et personnaliser du contenu journalistique.

Le géant de la technologie – qui n’a pas révélé la valeur des huit accords de licence au Canada – a précisé que les accords s’inscrivaient dans le cadre d’un engagement mondial plus large, évalué à un milliard, envers les éditeurs d’actualités et le journalisme, annoncé l’année dernière.

Ces ententes surviennent alors qu’un nombre croissant de voix se font entendre en faveur d’une législation qui obligerait des entreprises comme Facebook et Google à payer les entreprises médiatiques canadiennes pour leur contenu.

Dans une récente lettre ouverte au premier ministre, Justin Trudeau, Médias d’info Canada – un groupe de l’industrie qui représente des centaines de titres imprimés et numériques – a appelé à des mesures pour « mettre un frein aux pratiques monopolistiques et prédatrices de Google et de Facebook ».

« Google et Facebook utilisent leur contrôle de l’internet et leurs algorithmes très sophistiqués pour détourner 80 % de tous les revenus publicitaires en ligne au Canada », a affirmé dans la lettre le président de Médias d’info Canada, Jamie Irving. « Ils partagent le travail des journalistes professionnels à travers le pays, sans compensation. »

Google a indiqué qu’il paierait les huit groupes de presse pour accéder à certains contenus payants sélectionnés, dans le cadre des nouveaux accords de licence.

Selon le géant technologique, Vitrine Google Actualités fournira un espace personnalisable aux salles de rédaction pour produire, distribuer et expliquer des informations essentielles aux lecteurs, donnant accès aux Canadiens à un large éventail de nouvelles – et générant potentiellement des abonnements pour les médias.

Les éditeurs canadiens qui ont signé des ententes sont Black Press, Glacier Media, The Globe and Mail, Métro Média, Narcity Media, SaltWire Network, Village Media et Winnipeg Free Press.

Ces éditeurs représentent plus de 70 organismes d’information nationaux, régionaux et communautaires en français et en anglais.

Relation essentielle pour la survie de l’industrie ?

Tim Currie, professeur adjoint et directeur de l’école de journalisme de l’Université du King’s College, a souligné qu’il était difficile d’évaluer l’importance de ces accords sans plus de détails.

« Le déséquilibre de pouvoir entre les éditeurs et les entreprises technologiques fait en sorte qu’il est difficile de qualifier ces accords de négociations », a-t-il noté lors d’une entrevue.

« Sans connaître la valeur monétaire de ce qui est en jeu ici, je ne pense pas que nous pouvons réellement évaluer ce type de relations […] et déterminer s’il s’agit d’un moyen préventif d’éviter la réglementation par le gouvernement fédéral. »

Malgré tout, M. Currie a souligné que le secteur des organisations de nouvelles n’était plus l’ombre de ce qu’il était autrefois et qu’il était possible que ces accords soient essentiels à la survie de l’industrie.

« Il doit y avoir une voie à suivre qui implique une sorte de relation […] qui permettrait au journalisme de prospérer », a-t-il affirmé.

Les journalistes ont joué un rôle vital pendant la pandémie, a souligné la vice-présidente et directrice nationale de Google Canada, Sabrina Geremia, qui assure que son entreprise est impatiente de soutenir un écosystème médiatique durable au Canada.

« Cela va contribuer à l’avenir de l’information durable au Canada », a-t-elle affirmé lors d’une entrevue. « C’est vraiment une mission critique pour nous. »

Vitrine Google Actualités « ressemble à des panneaux personnalisables qui apparaîtront dans Google Actualités et dans un produit que nous avons appelé Discover », a expliqué Mme Geremia, faisant référence à un flux de contenu personnalisé.

« Ces panneaux seront personnalisés par les salles de rédaction et présenteront des articles qui correspondent à leur ligne éditoriale. »

La société étend également le programme Google News Initiative au Canada et prévoit d’offrir une formation à 5000 journalistes et étudiants canadiens pour « renforcer les compétences numériques dans les salles de rédaction » au cours des trois prochaines années, a-t-elle poursuivi.

Pendant ce temps, d’autres pays ont adopté une législation pour remédier au déséquilibre du marché entre les géants du numérique et les médias.

L’Australie, par exemple, a adopté, plus tôt cette année, une nouvelle loi qui oblige les plateformes numériques comme Facebook et Google à payer pour utiliser le contenu journalistique.

En outre, l’Union européenne s’en prend de plus en plus aux géants américains de la technologie au sujet d’un certain nombre de problèmes, notamment leur comportement antitrust présumé dans l’espace publicitaire numérique.