Qu’est-ce qui serait arrivé au Groupe TMX – qui chapeaute notamment la Bourse de Toronto, la Bourse de Montréal et la Bourse de croissance TSX – si le projet de fusion avec le London Stock Exchange Group était allé de l’avant comme prévu en 2011 ? Luc Bertrand, qui a mis sur pied et dirigé le Maple Group pour faire échouer cette transaction et réaliser l’acquisition du Groupe TMX en 2012, estime que l’histoire leur a donné raison.

Luc Bertrand a été président de la Bourse de Montréal de 2000 à 2009 et a réalisé la fusion avec la Bourse de Toronto en 2008 pour former le Groupe TMX, avant d’orchestrer le rachat du Groupe TMX en 2012 lorsque celui-ci projetait d’être racheté par le London Stock Exchange (LSE) Group.

Celui qui est vice-président du conseil de la Banque Nationale depuis 2011 quittera ses fonctions le 1er mai pour devenir président du conseil du Groupe TMX, le 2 mai.

Appuyé par de grandes institutions comme la Caisse de dépôt, Teachers, le Régime de pensions du Canada et par quatre grandes banques canadiennes – la Scotia, la TD, la Banque Nationale et la CIBC –, Luc Bertrand a fondé en mars 2011 le Maple Group, qui a fait échec à la transaction avec le LSE.

« Qu’est-ce qui serait arrivé si on n’avait rien fait ? C’est une bonne question, lance M. Bertrand. Regardez le London Stock Exchange Group, il vient de réaliser l’acquisition de Refinitiv, le fournisseur mondial de données et d’infrastructures financières [une transaction de 27 milliards US]. »

« Ils ont dû vendre la Bourse de Milan pour réaliser cette acquisition. Le poids du Groupe TMX dans cette entité serait tout simplement nul aujourd’hui. C’est sans compter tous les problèmes que le LSE Group a rencontrés avec le Brexit et la montée de la Bourse Euronext dans un marché commun beaucoup plus unifié », souligne le financier de carrière.

Luc Bertrand poursuit en se demandant quel aurait été l’avenir de la Bourse de croissance TSX, dont la profitabilité est variable, mais dont l’existence est capitale pour le système financier canadien, parce que cette Bourse de croissance apporte de l’eau au moulin en produisant les grandes sociétés de demain.

La Bourse de croissance TSX est critique pour nous et on est capable de la supporter. La logique d’affaires du Groupe TMX est encore très pertinente et on est devenu l’une des grandes Bourses du monde dans le secteur des ressources naturelles.

Luc Bertrand

Le prochain président du conseil du Groupe TMX souligne également le rôle économique capital qu’une place boursière comme le TMX occupe dans le système financier canadien.

« Il y a peut-être moins d’inscriptions de sociétés émettrices, mais c’est un pendule. Les sociétés d’investissement qui rachètent des entreprises comptent sur le marché boursier pour monétiser un jour leur placement », observe-t-il.

Le poids de Montréal

La carrière de Luc Bertrand a toujours été liée au développement du secteur financier montréalais. Il est entré au conseil de la Bourse de Montréal en 1992 et en était le président lorsque l’institution s’est spécialisée dans les produits dérivés en 1998 ; il en est devenu le PDG en 2000.

« Le poids de Montréal est plus important aujourd’hui qu’à l’époque, mais on est moins visible. Notre expertise dans la gestion des données fait en sorte que c’est Montréal qui est responsable de la gestion de données de tous les marchés, autant la Bourse de croissance que les dérivés », explique-t-il.

Au début des années 2000, la Bourse de Montréal avait fait l’acquisition de 40 % de BOX, le Boston Options Exchange, dont Luc Bertrand a été président du conseil. Aujourd’hui, le Groupe TMX est l’actionnaire majoritaire de cette plateforme détenue à 48 % par de grands courtiers américains.

Avec des volumes et des parts du marché des options sur actions qui augmentent de façon incroyable, BOX contribue beaucoup aux résultats de TMX et tout le développement technologique de cette plateforme est fait à partir de Montréal.

Luc Bertrand

C’est à Montréal également que la Corporation canadienne de compensation de produits dérivés gère tous les produits dérivés négociés et d’autres instruments financiers sur mesure pour l’ensemble du Canada.

Luc Bertrand, qui siège depuis 2012 au conseil du Groupe TMX, en deviendra donc le président avec pour principal mandat d’assurer une gouvernance solide à l’heure où les facteurs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) prennent de plus en plus d’importance, tout en maintenant une régie rigoureuse de la stratégie d’affaires et des acquisitions.

Luc Bertand gardera ses fonctions de président du conseil de la firme 5N Plus, un producteur montréalais de métaux et de composés de haute qualité. Il quittera son poste de vice-président du conseil de la Banque Nationale parce que les statuts du Groupe TMX exigent que le président du conseil soit indépendant d’un courtier ou d’une banque.

Entre le moment où il a quitté la Bourse de Montréal en 2009 et celui où il est devenu vice-président du conseil de la Banque Nationale en 2011, Luc Bertrand a été le responsable de l’acquisition du Canadien de Montréal par la famille Molson en 2010. Il fait partie du groupe de propriétaires associés à la famille et il a été président du conseil du Canadien de 2010 jusqu’en décembre dernier.

Comment évalue-t-il les chances du club de redevenir compétitif ?

Luc Bertrand tente l’esquive en exigeant la confidentialité (off the record…) avant de bien vouloir se mouiller.

« J’endosse à 100 % la direction de l’équipe. On a un noyau de jeunes joueurs très talentueux et une équipe de management de très haut niveau. On a été affectés par les blessures tout au long de l’année, mais on a eu d’excellents matchs cette année, ça promet », consent-il à répondre, de façon très « corporative »…