(New York) La Bourse de New York a fini sur une note contrastée vendredi, se redressant en fin de séance grâce à un reflux des taux obligataires, sur un marché toujours crispé par l’inflation et un resserrement monétaire qui devrait se prolonger.

Le Dow Jones a gagné 0,39 %, l’indice NASDAQ s’est contracté de 0,58 % et l’indice élargi S&P 500 a abandonné 0,28 %.

Pour Peter Cardillo, de Spartan Capital, après une ouverture morose, la baisse des cours du pétrole et l’inflexion des rendements obligataires en fin de journée « a permis de ramener un peu de confiance dans le fait que nous ne sommes peut-être plus très loin du pic de taux ».

Après être monté jusqu’à 3,92 %, au plus haut depuis trois mois, le rendement des emprunts d’État américains à 10 ans s’est ainsi nettement replié, à 3,81 %, en deçà de son niveau de la veille en clôture (3,86 %).

L’approche d’un week-end de trois jours (lundi sera férié) a aussi occasionné un faible volume d’échanges, ce qui a ramené les indices dans des marges resserrées, selon Peter Cardillo.

Légère éclaircie sur le front de l’inflation, les prix des produits importés aux États-Unis ont enregistré, en janvier, leur plus faible hausse depuis deux ans.

Mais l’indicateur n’a pas fait varier les anticipations des opérateurs, qui tablent désormais à près de 70 % sur un taux de la banque centrale américaine (Fed) au-delà de 5,25 % d’ici juillet, ce qui signifie au moins trois hausses d’un quart de point de pourcentage d’ici là.

Le président de l’antenne de la Fed à Richmond (Virginie) Thomas Barkin et la gouverneure de la Réserve fédérale Michelle Bowman ont tous deux plaidé vendredi, comme beaucoup de leurs collègues depuis deux semaines, pour une poursuite du durcissement monétaire.

« Les gens étaient prêts à ignorer cette saison de résultats médiocre tant que les données macroéconomiques étaient favorables », c’est-à-dire montraient un ralentissement progressif, explique Jan Szilagyi, de Toggle AI.

« Mais si elles montrent que l’économie va bien et que l’on se prépare à des taux plus élevés pour plus longtemps », poursuit-il, « le marché a un problème. Qu’est-ce qui peut le faire monter ? »

« Cela le place dans une situation qu’il déteste plus que tout : l’incertitude », conclut Jan Szilagyi.

Ce contexte a profité aux valeurs dites défensives, c’est-à-dire issues des secteurs théoriquement moins sensibles à la conjoncture, à l’instar du laboratoire Merck (+2,83 %), de Coca-Cola (+1,52 %) ou Walmart (+1,50 %), ce qui explique que le Dow Jones ait clôturé dans le vert.

À l’inverse, de nombreuses valeurs dites de croissance, qui dépendent des conditions de crédit pour financer leur développement, ont bu la tasse, en particulier les fabricants de semi-conducteurs AMD (-1,97 %), Qualcomm (-1,87 %) ou Intel (-2,09 %).

Après avoir progressé de plus de 27 % en dix jours, le titre Manchester United s’est offert une respiration (-1,90 %), alors que les offres de rachat du club de soccer anglais coté à New York devaient être théoriquement déposées au plus tard vendredi.

Le fabricant de tracteurs et d’engins de constructions Deere a pris de la hauteur (+7,53 %) grâce à des résultats nettement supérieurs aux attentes. Le groupe de Moline (Illinois) a fait état d’une demande soutenue, qui l’a amené à relever ses objectifs annuels.

La plateforme de livraison de repas DoorDash a reculé (-7,59 %), lestée par une perte massive, et malgré un chiffre d’affaires trimestriel et des prévisions pour l’année en cours plus élevés que ne l’anticipaient les analystes.

Le laboratoire Moderna (-3,31 %) a souffert des résultats intermédiaires mitigés des essais cliniques de son vaccin contre la grippe utilisant la technologie de l’ARN messager, publiés jeudi.

La bourrasque qui a frappé les cours des matières premières a touché les valeurs pétrolières, notamment ExxonMobil (-3,85 %) et ConocoPhillips (-3,91 %), mais aussi les aciéristes US Steel (-5,94 %) et Freeport-MacMoRan (-2,39 %).  

Bourse de Toronto

Les pertes du secteur de l’énergie ont pesé sur la Bourse de Toronto vendredi, pendant que les grands indices américains ont terminé la séance en ordre dispersé, ralentis par les difficultés des titres technologiques.

L’indice composé S&P/TSX du parquet torontois a perdu 91,18 points à 20 515,24 points.

Le secteur technologique a été le principal moteur à la baisse des marchés aux États-Unis, tandis qu’au Canada, le TSX, davantage exposé aux ressources naturelles, a été affecté par une baisse des actions énergétiques, a observé Brian Madden, directeur des investissements chez First Avenue Investment Counsel.

Le secteur torontois de l’énergie a perdu 3,49 % vendredi, certaines des plus grandes sociétés du groupe ayant contribué à l’alourdir.

La faiblesse de vendredi était la continuation d’un recul qui a commencé la veille, a souligné M. Madden, car une partie de l’optimisme des investisseurs voulant que les banques centrales puissent procéder à une baisse potentielle des taux d’ici la fin de l’année a été minée par une série de données économiques plus chaudes que prévu.

Après que l’inflation, l’emploi et les ventes au détail ont montré que l’économie était plus résiliente que prévu, les données sur les prix à la production de jeudi ont été plus fortes que prévu, ce qui a contribué à consolider cette perspective, a souligné M. Madden.

« Les secousses se sont répercutées sur le marché lorsque ce chiffre sur les prix à la production (est sorti) hier », a-t-il affirmé.

« Ce qui est inflationniste pour un producteur est finalement répercuté sur les prix de gros et devient éventuellement de l’inflation pour le consommateur. »

Les responsables des banques centrales du Canada et des États-Unis ont clairement indiqué que si les données économiques le justifiaient, ils continueraient d’augmenter les taux d’intérêt, même si la banque centrale du Canada a récemment signalé qu’elle prenait, au moins temporairement, une pause pour laisser les effets des hausses se faire sentir sur le marché.

Certains investisseurs avaient prévu jusqu’à deux baisses de taux d’intérêt d’ici la fin de l’année, mais leurs attentes ont depuis considérablement diminué.

Malgré tout, certaines des données économiques solides alimentent également un optimisme prudent voulant qu’une récession ne soit finalement peut-être pas nécessaire pour calmer l’inflation.

Sur le marché des devises, le dollar canadien s’est négocié au cours moyen de 74,15 cents US, en baisse par rapport à celui de 74,41 cents US de jeudi.