L’achat d’actions d’une entreprise technologique montréalaise par un concurrent ontarien pique la curiosité.

Le fondateur et grand patron de Haivision, un fournisseur montréalais de solutions pour la diffusion en continu, n’a pas caché sa surprise en apprenant que son rival Evertz venait d’acheter d’importants blocs d’actions de l’entreprise qu’il dirige.

Evertz a révélé jeudi avoir acheté des actions de Haivision cette semaine pour aujourd’hui détenir une participation de 10 %. La société ontarienne, qui est aussi inscrite à la Bourse de Toronto, soutient avoir acheté les actions de Haivision à des fins d’investissement. Evertz est maintenant le troisième actionnaire en importance de Haivision.

« Je suis sous le choc », lance au téléphone le fondateur et PDG de Haivision, Mirko Wicha.

« La direction d’Evertz voit peut-être qu’il s’agit d’un bon investissement et est possiblement d’accord pour dire que Havision est sous-évaluée », ajoute Mirko Wicha.

Evertz, dont la valeur boursière avoisine le milliard de dollars, n’en est pas à une première initiative du genre.

Mirko Wicha se souvient qu’Evertz a fait la même chose il y a plusieurs années avec une autre entreprise montréalaise, Miranda Technolgies, avant de revendre lesdites actions. Miranda Technologies avait par la suite été achetée par une entreprise du Missouri en 2012.

Evertz avait aussi fait l’acquisition d’une participation minoritaire dans EVS, une entreprise belge, en 2018, avant de revendre les actions à profit.

« Haivision n’est pas à vendre »

« Je présume que cette fois-ci, ce pourrait être la même chose », indique Mirko Wicha. Cet entrepreneur techno admet ne pas savoir quelles sont les véritables intentions d’Evertz. Il affirme cependant bien connaître les dirigeants d’Evertz et précise que ces gens aimeraient peut-être développer un partenariat d’affaires avec Haivision.

Mais chose certaine, il se montre catégorique sur un point. « Haivision n’est pas à vendre », lance-t-il avec fermeté.

Toutes les entreprises ont une valeur et la chute de l’action de Haivision en Bourse avec l’ensemble du secteur des technologies depuis plus d’un an maintenant n’est pas passée inaperçue.

« J’ai reçu beaucoup d’appels », confie Mirko Wicha.

Les vautours se pointent en pensant qu’ils peuvent acquérir des entreprises en détresse. Mais Haivision n’est pas une entreprise en détresse. Nous sommes très rentables, et en croissance.

Mirko Wicha, fondateur et PDG de Haivision

« On vient de procéder à une restructuration et de présenter nos résultats de fin d’exercice. Tout va comme prévu. Nous sommes même en très bonne position pour hausser notre rentabilité », poursuit le PDG.

Les paroles de Mirko Wicha sont en phase avec ses gestes. Plus important actionnaire de Haivision, il a justement acheté le 4 février un bloc d’actions de l’entreprise sur le marché. « Je viens d’acheter des actions il y a une semaine parce que la compagnie est sous-évaluée. Le marché boursier est un gâchis. Ça va prendre un an avant que ce marché reprenne vie. Les entreprises rentables vont mieux faire », dit-il.

Haivision a fait le saut en Bourse il y a deux ans en réalisant un premier appel public à l’épargne au prix initial de 6 $ alors que le chiffre d’affaires de Haivision s’élevait à 83 millions.

L’entreprise a depuis effectué deux acquisitions et, selon le PDG, le chiffre d’affaires devrait bientôt atteindre 135 millions. L’entreprise a grandi et Mirko Wicha affirme qu’elle n’a pas besoin d’argent. Et pourtant, sa valeur a presque chuté de moitié.

Regroupement Haivision-Evertz ?

L’analyste Robert Young, de la firme Canaccord, juge qu’un regroupement de Haivision avec Evertz mérite d’être envisagé, notamment en raison de la complémentarité de certaines activités et des marges brutes attrayantes dégagées par Haivision. Et ce, même si ces marges se sont retrouvées sous pression à la suite des acquisitions des entreprises CineMassive et Aviwest.

Robert Young soupçonne par contre que le conseil d’administration de Haivision serait réticent à accepter une offre inférieure au prix d’introduction en Bourse, qui était de 6 $ par action.

Le gestionnaire de portefeuille Philippe Hynes, de Tonus Capital, pense de son côté qu’une combinaison d’Evertz et Haivision est possible. « Ils sont dans le même secteur d’activités et dans le marché actuel qui est nerveux et volatil. Les microcaps de 200 millions ou moins de valeur marchande qui réussissent à voir leur cours monter sont celles [au parcours] sans anicroche. Ce ne fut pas le cas de Haivision au cours des derniers trimestres, et c’est pourquoi le titre a baissé. »

En fusionnant, l’entité combinée épargnerait d’abord beaucoup en frais d’administration liés à être une compagnie publique (2 à 4 millions), souligne Philippe Hynes. « Haivision a généré un bénéfice d’exploitation de 8 millions au dernier exercice. Économiser 3 millions représenterait une augmentation des profits de 35 %. »

Cet expert s’attend maintenant à ce qu’Evertz continue d’acheter des actions dans les prochaines semaines. Au minimum, ajoute-t-il, cette nouvelle place un certain plancher sous le titre.

L’action de Haivision a terminé la semaine à 3,46 $ à la Bourse de Toronto.