Difficile pour les investisseurs de trouver une source de réconfort en ces temps très tourmentés dans les marchés financiers. La crainte d’une prochaine récession s’ajoute à l’inflation pour gruger le rendement à court terme des principaux actifs financiers.

Pour les investisseurs opportunistes, cet épisode pénible sur les marchés boursiers peut aussi être l’occasion de « magasiner » des actions de qualité à prix réduit. En particulier du côté des actions à dividende, où le rendement courant en revenu trimestriel peut compenser en partie l’attente d’un regain de valeur en Bourse.

Pourquoi les actions à dividende ?

« Avoir en portefeuille des actions à dividende ou des parts de fonds d’actions à dividende est un moyen d’atténuer les effets négatifs de l’inflation élevée. Les stratégies d’investissement en actions à dividende s’en sortent habituellement bien dans les marchés de conjoncture baissière et de récession compte tenu du risque d’affaires et financier généralement plus faible de ces entreprises », indique Hugo Ste-Marie, directeur en stratégie de portefeuille et analyse quantitative chez Banque Scotia Marchés mondiaux, dans une récente analyse exhaustive du marché des actions à dividende.

Avec la baisse des valeurs en Bourse, les actions à dividende d’entreprises de qualité deviennent des placements encore plus intéressants pour les investisseurs à la recherche de revenus de placements réguliers et fiables.

Marc Novakoff, directeur général et gestionnaire de portefeuilles d’actions à la firme montréalaise Jarislowsky Fraser

« Dans un contexte inflationniste, aussi, les actions à dividende d’entreprises de qualité et bien sélectionnées par les investisseurs ont un meilleur potentiel de protection contre l’inflation que les titres obligataires à revenu fixe », ajoute M. Novakoff, en entrevue avec La Presse.

Pour quelle raison, alors que les taux obligataires sont redevenus concurrentiels ?

« C’est qu’en plus du dividende trimestriel, le prix des actions peut profiter des futurs gains de valeur de l’entreprise concernée, tant pour ce qui est de son bilan (actif/passif) que de la progression de ses revenus et bénéfices, explique Mark Novakoff.

« Ce n’est pas le cas des titres obligataires qui sont acquis et conservés en portefeuille jusqu’à leur échéance. Les investisseurs savent d’avance le montant et la périodicité de leur revenu fixe d’intérêt, ainsi que le montant de capital investi qui leur sera remboursé à l’échéance. »

Avis semblable de la part d’Émilie Croteau, qui est conseillère associée en gestion de patrimoine au Groupe Bernier, un associé de la Financière Banque Nationale au centre-ville de Montréal.

« Dans un contexte d’inflation tenace, c’est important pour les investisseurs de préserver un minimum de rendement courant en revenu afin d’atténuer l’impact de l’inflation sur la valeur de leurs placements, indique Mme Croteau lors d’un entretien avec La Presse.

« Quant au choix de titres à revenu, nous avons une préférence pour les actions à dividende élevé d’entreprises canadiennes ou américaines de qualité par rapport aux obligations, même si les taux d’intérêt obligataire sont redevenus concurrentiels autour de 4 % à 5 %. »

Pour quelles raisons principales ?

« D’abord, les actions à dividende de qualité constituent une meilleure protection contre l’inflation avec l’effet combiné de leur rendement courant en dividende ainsi que de la hausse de valeur des actifs réels des entreprises », explique Mme Croteau.

La valeur boursière des actions à dividende d’entreprises de qualité est habituellement moins vulnérable aux fluctuations des taux d’intérêt, en comparaison des autres types de titres à revenus.

Émilie Croteau, conseillère associée en gestion de patrimoine au Groupe Bernier

« Enfin, les revenus en dividende d’actions canadiennes [lorsque détenues en compte non enregistré] bénéficient d’un avantage fiscal par rapport aux revenus d’intérêt des obligations, qui sont pleinement imposables. »

De l’avis d’Eddy Chandonnet, gestionnaire de portefeuille d’actions à la firme québécoise GPS Medici, les investisseurs intéressés par les actions à dividende doivent considérer que « le revenu en dividende n’est qu’une composante secondaire du rendement total d’un placement axé sur le long terme ».

« Quand on envisage d’investir dans des actions en raison de leur taux de rendement en dividende plus élevé, il faut aussi porter attention à leur potentiel de gain de valeur découlant des projets de croissance et de développement de l’entreprise, indique M. Chandonnet lors d’une discussion avec La Presse.

« Autrement, on risque de se laisser séduire par des actions d’entreprises à faible potentiel de croissance et dont le dividende élevé pourrait s’avérer le seul rendement à long terme pour les investisseurs. »

Comment s’y prendre ?

« Les investisseurs doivent faire preuve de discernement dans leur approche des actions à dividende. Les stratégies et les produits d’investissement en actions à dividende abondent dans le marché, mais leurs performances diffèrent beaucoup », précise Hugo Ste-Marie, de Banque Scotia Marchés mondiaux.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Hugo Ste-Marie, directeur en stratégie de portefeuille et analyse quantitative à Banque Scotia Marchés mondiaux

Mon analyse des marchés boursiers américain et canadien suggère que les entreprises qui ont l’habitude de rehausser leur dividende pourraient être les mieux placées pour surmonter la tempête. Ces entreprises opèrent souvent dans des secteurs d’activité à faible risque et moins cycliques.

Hugo Ste-Marie, directeur en stratégie de portefeuille et analyse quantitative à Banque Scotia Marchés mondiaux

« Leurs actions offrent ainsi un avantage dans un contexte de risque de récession et, du coup, d’un risque accru que les reluisantes prévisions de croissance des bénéfices et des dividendes ne se réalisent pas dans les secteurs plus cycliques du marché boursier », prévient M. Ste-Marie.

Chez Jarislowsky Fraser, le directeur général Marc Novakoff précise que la sélection d’actions d’entreprises s’effectue selon les mêmes critères d’analyse, que ce soit pour des actions avec dividende ou sans dividende.

« C’est très important d’aller voir au-delà du taux de rendement courant en dividende des actions d’une entreprise, ne serait-ce que pour bien évaluer la qualité et la fiabilité de ce dividende selon l’évolution des affaires de l’entreprise », insiste M. Novakoff.

Entre autres, « il faut examiner le niveau de couverture du dividende versé en pourcentage des bénéfices et des flux de trésorerie qui sont générés par l’entreprise », explique Marc Novakoff.

Ensuite, il faut s’enquérir de la politique de détermination et de versement du dividende de l’entreprise considérée.

« Certaines entreprises fonctionnent avec un niveau de dividende minimum qu’elles peuvent ensuite augmenter selon la progression de leurs résultats financiers, résume M. Novakoff.

« D’autres entreprises fonctionnent avec un dividende dont le montant peut fluctuer en hausse ou en baisse selon l’évolution de leurs résultats financiers et de la conjoncture d’affaires dans leur secteur d’activité. »

Attention aux « pièges à rendement »

Pour Hugo Ste-Marie, de Banque Scotia Marchés mondiaux, « le simple fait d’acheter des actions dont le rendement en dividende est supérieur à la moyenne du marché boursier n’est pas une stratégie de placement optimale ».

« Ces actions à dividende élevé peuvent devenir des “pièges à rendement” en cas de ralentissement économique qui pourrait forcer ces entreprises à réduire le montant de leur dividende, avertit M. Ste-Marie.

« Sur le marché boursier canadien, une stratégie de placement axée sur les dividendes plus élevés serait trop dépendante des actions des grandes banques. Ça risque de trop déséquilibrer un portefeuille d’actions. »

Par conséquent, poursuit Hugo Ste-Marie, « il est préférable de concentrer une stratégie de placement vers les actions à hausses régulières de dividende dans des secteurs d’activité spécifiques, plutôt que de miser surtout sur le niveau actuel de leur rendement en dividende ».

« D’après mes analyses, les entreprises canadiennes qui ont un historique soutenu d’augmentation de leur dividende sont les seules à offrir un rendement solide, constant et supérieur à la moyenne de l’indice boursier S&P/TSX au cours des 20 dernières années. Les actions de ces entreprises ont également tendance à fournir une meilleure résistance durant les épisodes de marché baissier. »