Après une première moitié d’année 2021 prospère en Bourse, au Canada en particulier, que réservent les perspectives économiques et d’investissement en cette période d’après-pandémie ? Tour d’horizon avec les experts du Portefeuille fictif de La Presse et analyse de leur performance.

Chaque trimestre, La Presse demande à quatre experts d’analyser la conjoncture pour faire fructifier un portefeuille fictif d’un capital initial de 100 000 $. Dans ce troisième rendez-vous en 2021, nos experts reviennent sur le deuxième trimestre sur les marchés financiers d’investissement, et ils décrivent leurs perspectives pour la suite. Ils recalibrent leur répartition d’actifs individuelle pour le troisième trimestre de 2021 en fonction d’un portefeuille équilibré de référence.

Quel constat tirer du deuxième trimestre 2021 ?

Candice Bangsund, vice-présidente et gestionnaire de portefeuille, Répartition d’actifs globale, Fiera Capital

PHOTO FOURNIE PAR FIERA CAPITAL

Candice Bangsund, vice-présidente et gestionnaire de portefeuille, Répartition d’actifs globale, Fiera Capital

« Les marchés boursiers mondiaux ont atteint de nouveaux sommets, alors le déploiement accéléré des vaccins [anti-COVID-19], la dynamique de réouverture de l’économie et les solides résultats des entreprises ont soutenu l’appétit des investisseurs pour les placements à risque.

« Les investisseurs ont aussi ignoré l’inflation plus élevée que prévu aux États-Unis. Ils ont préféré l’opinion de la Réserve fédérale américaine (Fed) selon laquelle ces pressions inflationnistes sont “transitoires”, et donc pas encore suffisantes pour justifier un retrait hâtif du soutien de la politique monétaire.

« Parmi les principaux marchés boursiers, l’indice canadien S&P/TSX a prolongé son impressionnante surperformance grâce, notamment, au fort gain dans les secteurs clés comme les ressources, l’énergie et les services financiers.

Michel Doucet, vice-président, stratège d’investissement et gestionnaire de portefeuilles, Desjardins Gestion de patrimoine

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Michel Doucet, vice-président, stratège d’investissement et gestionnaire de portefeuilles, Desjardins Gestion de patrimoine

« Ma plus grande surprise durant ce deuxième trimestre, ce furent les réactions du marché obligataire face à l’annonce de l’inflation plus élevée qu’anticipé à court terme, et la possibilité accrue d’un devancement de la remontée des taux d’intérêt par la Fed américaine à la fin de 2022 ou au début de 2023.

« En fait, après s’être élevé en anticipation de cette poussée inflationniste, le taux de rendement de référence du marché obligataire s’est ensuite replié de quelques dizaines de points de base (0,01 % par point).

« Ça m’a complètement étonné. C’était comme si le marché obligataire avait décidé de mettre de côté cette soudaine poussée de l’inflation en attendant de voir s’il s’agit d’une phase “transitoire” après le choc économique de la pandémie, comme l’a suggéré la Fed américaine en fin de trimestre.

« Quant aux marchés boursiers, je m’attendais à un peu plus de dynamisme du côté des marchés européens et des économies émergentes. »

Martin Lefebvre, chef des placements et stratège, Banque Nationale

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Martin Lefebvre, chef des placements et stratège, Banque Nationale

« Le principal fait saillant du deuxième trimestre est la montée de l’inflation beaucoup plus forte que ce qui était anticipé. Et ce, même en tenant compte de l’effet de sursaut après la période de déflation survenue il y a un an, alors que l’économie mondiale était en plein choc de pandémie.

« Ce qui a beaucoup surpris les marchés financiers, c’est l’ampleur des soudains déséquilibres entre l’offre et la demande pour des matériaux et des pièces composantes de base dans les secteurs industriels et de la construction, notamment.

« La Fed américaine a signalé aux marchés financiers qu’elle pourrait envisager de devancer la remontée des taux d’intérêt, ce qui a jeté un froid sur certains secteurs des marchés boursiers en fin de trimestre, comme les gros titres de croissance en technologies. »

Hugo Ste-Marie, directeur en stratégie de portefeuille et analyse quantitative, Banque Scotia Marchés mondiaux

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Hugo Ste-Marie, directeur en stratégie de portefeuille et analyse quantitative, Banque Scotia Marchés mondiaux

« La trame de fond sur les marchés financiers durant le deuxième trimestre s’est avérée semblable à celle du trimestre précédent. C’est-à-dire que l’appétit des investisseurs pour les placements plus risqués [actions en Bourse] s’est maintenu avec la réouverture graduelle de l’économie mondiale, avec les progrès de la vaccination et la diminution des cas de COVID-19.

« Dans ce contexte, les principaux marchés d’actions ont continué de fortement “surperformer” par rapport aux obligations négociables et à l’encaisse. Cette surperformance était des plus manifestes sur la Bourse canadienne, alors que l’indice S&P/TSX a fourni un rendement de 8,5 % – en incluant les dividendes – durant le deuxième trimestre pour atteindre un sommet historique au-delà des 20 000 points. »

Quelles perspectives pour la suite ?

Candice Bangsund, vice-présidente et gestionnaire de portefeuille, Répartition d’actifs globale, Fiera Capital

« La reprise économique mondiale de l’après-pandémie est bien enclenchée et s’étend vers la plupart des secteurs d’activité, ce qui soutient des perspectives très favorables pour les valorisations boursières.

« Alors que la Chine avait mené la reprise économique à la fin de 2020, le relais de la croissance est désormais passé aux États-Unis. Cet élan de reprise devrait s’étendre ensuite vers la zone euro, le Royaume-Uni et le Canada. Le Japon et les principales économies émergentes seront à la traîne plus tard cette année, au fur et à mesure que s’intensifieront leurs campagnes de vaccination.

« Entre-temps, j’estime que le principal risque sur les marchés boursiers serait que les pressions inflationnistes dites “transitoires” s’enracinent dans l’économie, ce qui pourrait déclencher un retrait anticipé du soutien de la politique monétaire de la Fed aux États-Unis. Un autre facteur de risque est les variants hautement contagieux de la COVID-19 qui pourraient forcer le rétablissement de restrictions sanitaires, et compromettre l’élan de la reprise économique. » 

Michel Doucet, vice-président, stratège d’investissement et gestionnaire de portefeuilles, Desjardins Gestion de patrimoine

« Avec la perspective d’une possible remontée des taux de référence dans le marché obligataire [avec une baisse de valeur des titres négociés], je m’attends à la continuité d’un cycle de rendement supérieur en Bourse.

« Les marchés boursiers vont continuer à bien faire pendant encore quelques trimestres avec la force de la reprise économique de l’après-pandémie, ainsi que le contexte inédit de politiques monétaires encore très expansionnistes [très bas taux d’intérêt] parmi les principales banques centrales, alors que l’économie mondiale entame un nouveau cycle d’expansion.

« Cela dit, mes attentes de rendement en Bourse sont modérées après quelques trimestres de redressement et d’appréciation quasi spectaculaires.

« Malgré la tendance haussière, les marchés boursiers ne sont pas à l’abri de replis momentanés au fil des prochains trimestres. Mais de mon point de vue, il s’agira de “pauses santé” qui seraient favorables aux investisseurs en attente d’occasions d’achat à meilleur prix parmi les titres qu’ils convoitaient déjà pour leur portefeuille. »

Martin Lefebvre, chef des placements et stratège, Banque Nationale

« La continuité du cycle favorable aux marchés boursiers s’annonce de plus en plus influencée par l’évolution des politiques monétaires de très bas taux d’intérêt parmi les principales banques centrales, en particulier la Fed américaine.

« Aussi, j’anticipe un resserrement de l’écart de rendement observé jusqu’à récemment entre les secteurs des actions d’entreprises dites de “croissance” [technologies, internet, etc.] par rapport aux entreprises dites de “valeur” [ressources, énergie, services financiers, etc.].

« Par conséquent, j’estime que le gros des rendements et des performances de l’année en Bourse a déjà été réalisé durant les deux premiers trimestres. Je m’attends à des rendements beaucoup plus timides d’ici la fin de l’année, combinés à une réduction des écarts de rendement entre les principales régions du marché boursier mondial. »

Hugo Ste-Marie, directeur en stratégie de portefeuille et analyse quantitative, Banque Scotia Marchés mondiaux

« Les perspectives sur les marchés d’actions demeurent positives pour les prochains trimestres, en continuité avec la bonne performance de la première moitié de l’année.

« D’une part, les principaux facteurs de risque qui ont favorisé les marchés d’actions demeurent en place, notamment la réouverture de l’économie [après la crise sanitaire] et la politique monétaire accommodante de la Fed américaine.

« D’autre part, la tendance haussière des profits des entreprises s’annonce encore très forte pour les prochains trimestres, dans la foulée du redressement vigoureux des résultats qui s’est matérialisé récemment par rapport à l’an dernier, alors que l’économie était pratiquement fermée à cause de la pandémie.

« Par ailleurs, je m’attends à ce que les actions de type “valeur” dans les secteurs d’activité plus cycliques [industries, ressources, énergie, etc.] demeurent mieux placées au cours des prochains trimestres pour continuer de “surperformer” par rapport aux actions de type “croissance” qui ont déjà fait le plein des gains de valeur. »

Où en est votre répartition d’actifs ?

Candice Bangsund, vice-présidente et gestionnaire de portefeuille, Répartition d’actifs globale, Fiera Capital

« La reprise économique mondiale de l’après-pandémie n’en est qu’à ses débuts, et je m’attends à ce que la croissance reste à un niveau supérieur jusqu’à la fin de 2022.

« Cette conjoncture de forte croissance économique et de liquidités abondantes chez les investisseurs devrait continuer de propulser les résultats des entreprises et les valorisations en Bourse.

« Par conséquent, ma répartition d’actifs continue de privilégier les actions par rapport aux obligations. Aussi, je maintiens une forte surpondération en actions canadiennes [à 35 % comparativement à 20 % pour le portefeuille équilibré de référence] en anticipation d’un contexte lucratif de forte croissance économique mondiale et de rehaussement des prix dans les secteurs très influents en Bourse canadienne : les services financiers, les ressources et l’énergie, les grandes industries exportatrices.

« Pendant ce temps, à la Bourse américaine, j’estime que la surperformance des actions d’entreprises technologiques de très grande capitalisation, qui a beaucoup alimenté la poussée de l’indice S&P 500, a atteint un sommet de cycle.

« En comparaison, l’indice S&P/TSX de la Bourse canadienne a rarement été aussi bon marché par rapport à l’indice S&P 500 aux États-Unis. »

Michel Doucet, vice-président, stratège d’investissement et gestionnaire de portefeuilles, Desjardins Gestion de patrimoine

« Je demeure surpondéré en actions [à 70 %] en raison des perspectives économiques très favorables pour la progression des résultats d’entreprise. Et parce que le rendement des marchés obligataires demeure à risque d’un rehaussement des taux d’intérêt plus rapide qu’anticipé.

« En répartition géographique, je retranche cinq points de pourcentage à ma position dans les marchés émergents [de 10 % à 5 %] pour la ramener au neutre par rapport au portefeuille équilibré de référence.

« Je répartis ces cinq points de pourcentage entre le rehaussement de ma surpondération en actions canadiennes [de 25 % à 28 %] et en actions américaines [de 25 % à 27 %].

« La raison ? La force de la relance économique d’après-pandémie est présage d’un contexte encore très favorable pour la Bourse américaine, avec son bon assortiment de titres de croissance et de valeur, et pour la Bourse canadienne, où dominent des secteurs plus cycliques comme les ressources, l’énergie et les services financiers.

« Par ailleurs, je stabilise ma répartition d’actifs à l’étranger, en Europe surtout, où les signaux plus fermes d’un redressement de l’économie dans l’après-pandémie tardent à se manifester. »

Martin Lefebvre, chef des placements et stratège, Banque Nationale

« Malgré des attentes de rendement moindre, le potentiel de gain demeure supérieur dans les marchés d’actions par rapport aux marchés obligataires, où le risque d’une remontée des taux d’intérêt est le plus significatif. Je conserve donc une surpondération en actions [à 69 %] par rapport au portefeuille équilibré de référence.

« En répartition géographique, je considère que les évaluations boursières continuent d’être plus onéreuses dans les marchés nord-américains que dans les marchés d’Europe et des économies émergentes.

« Par conséquent, on pourrait voir des épisodes de prise de profits par les investisseurs boursiers en Amérique du Nord. Ce qui pourrait rediriger des capitaux vers les marchés émergents, notamment, et favoriser leur rebond après un deuxième trimestre difficile face au sursaut momentané du dollar américain.

« N’empêche, pour ma part du portefeuille fictif, je réduis de quelques points ma répartition vers les marchés émergents [de 12 % à 9 %], en guise de gestion de risque après y avoir été un peu trop “agressif” au deuxième trimestre.

« En parallèle, je demeure en position relativement neutre [par rapport au portefeuille équilibré de référence] pour la répartition d’actifs vers les marchés boursiers au Canada, aux États-Unis et en Europe (EAEO). »

Hugo Ste-Marie, directeur en stratégie de portefeuille et analyse quantitative, Banque Scotia Marchés mondiaux

« En conséquence de mes attentes positives en Bourse pour les prochains trimestres, je maintiens ma surpondération en actions [70 %] et ma sous-pondération en encaisse [0 %] et en obligations [30 %] par rapport au portefeuille équilibré de référence.

« Cependant, j’apporte quelques ajustements dans mes répartitions d’actifs parmi les principales régions du marché boursier mondial.

« J’ajoute un point [de pourcentage] à ma surpondération en actions canadiennes [de 26 % à 27 %] parce que ce marché demeure bien positionné dans un contexte économique mondial favorable aux secteurs cycliques des matières premières et de l’énergie.

« Je rehausse aussi d’un point ma surpondération en actions internationales EAEO [Europe, Asie, Extrême-Orient, de 16 % à 17 %] parce que les marchés européens en particulier commencent à réagir au regain de croissance de l’économie et au redressement des résultats des entreprises.

« En contrepartie, je maintiens ma pondération en actions américaines au point neutre [à 20 %] parce que je les considère comme rendues à des multiples de valeur élevés par rapport aux actions européennes et canadiennes.

« Enfin, je retranche deux points à ma surpondération en actions des marchés émergents [de 8 % à 6 %]. Je considère que les économies dominantes dans ce segment du marché boursier mondial, soit la Chine, Taiwan et la Corée du Sud, et leurs importants secteurs technologiques approchent de leur plein regain de valeur. »

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