Somme toute, les fades résultats d'Alcoa, qui a ouvert le bal des trimestriels américains après la fermeture des marchés hier, n'augurent pas si mal pour la suite des choses en Bourse.

Le bénéfice par action du troisième producteur d'aluminium en importance au monde a fondu de moitié, à 7 cents US par action, au terme du premier trimestre de la nouvelle année. C'est peu, mais nettement mieux que les 2 cents attendus par le choeur des analystes. Les ventes ont par ailleurs chuté de 15 %, à 5,0 milliards US.

Il faut dire que la barre est très basse pour les grandes sociétés composant l'indice S & P 500. Après avoir fortement abaissé leurs anticipations de profits depuis le début de l'année, les experts tablent en moyenne sur un recul de 7,4 % par rapport au premier trimestre 2015. Il s'agirait du troisième trimestre consécutif de baisse et du pire repli collectif en presque sept ans.

Le secteur de l'énergie, qui pourrait même afficher de premières pertes totales en 10 ans, paraît le plus grand perdant avec les bas prix du pétrole. On prévoit également une baisse de rentabilité importante pour les grandes sociétés financières américaines, qui affichent la pire performance sectorielle à la Bourse de New York depuis le début de l'année.

Même si l'économie nationale échappe toujours à la récession, les entreprises accusent une réelle « récession des profits ».

POINT DE RETOURNEMENT

Cela risque donc d'être assez tendu sur les marchés boursiers. De mauvais résultats peuvent décevoir les investisseurs. Après tout, on achète en Bourse des machines à faire des profits et le prix payé paraît déjà cher. Le multiple des bénéfices à venir est en effet de 16,6, alors que la moyenne historique est de 14,7 fois seulement.

Mais les investisseurs pourraient aussi trouver dans le ralentissement des affaires la satisfaction de voir la hausse des taux d'intérêt reportée aux calendes grecques. La gouverneure de la Réserve fédérale américaine, Janet Yellen, a d'ailleurs prévenu les marchés la semaine dernière que la prudence s'imposait encore plus depuis le début de l'année. Il ne reste donc que la Bourse comme terreau pour les épargnants en quête de rendement.

D'agréables surprises sont par ailleurs toujours possibles, d'autant plus que le pessimisme prévaut. 

« Pour le moment, il y a plus de chances d'une bonne surprise et, dans la mesure où cela se réalisera, cela alimente les achats. » - Bucky Hellwig, vice-président de la firme BB & T Wealth Management, d'Alabama

Les 22 entreprises du S & P 500 qui ont déjà fait connaître leurs résultats après avoir bouclé précocement leur trimestre en février ont d'ailleurs confondu les oracles. Plus de 80 % d'entre elles ont surpassé les attentes en matière de bénéfices, ce qui est encore mieux qu'à leur habitude, note Savita Subramanian, de Bank of America Merrill Lynch. Cela inclut des sociétés diversifiées comme FedEx et Adobe Systems qui ont vu une solide performance trimestrielle.

Il faut dire que les entreprises américaines sont réputées pour sous-estimer leur croissance. Les analystes partagent habituellement leur prudence, mais les porteurs d'actions ne peuvent s'empêcher de miser sur de bonnes surprises.

Plusieurs stratèges croient par ailleurs que le premier trimestre de 2016 pourrait marquer un point de retournement pour la courbe des bénéfices des grandes sociétés. Les prix du pétrole se sont notamment stabilisés autour de 40 $US en mars. La vigueur du dollar américain, qui a pénalisé les exportateurs américains, s'estompe par ailleurs.

La ronde des résultats financiers américains se poursuit avec le dévoilement des chiffres des deux banques américaines les plus rentables, J.P. Morgan Chase de New York et sa concurrente californienne Wells Fargo, demain.

LA RECOMMANDATION

Jonathan Golub, de RBC Marchés des Capitaux à New York, croit qu'Apple et les grosses entreprises de biotechnologie qui ont largement contribué aux bénéfices du S & P 500 ces dernières années ont maintenant le vent de face. L'apport de ces multinationales sera moindre au premier trimestre 2016 et au-delà, avec le ralentissement de la croissance globale et de l'affaiblissement du commerce international, note le stratège actions. Il en va cependant tout autrement pour Google et Facebook, parmi les géants du web.

INFOGRAPHIE LA PRESSE