L'ours a terrassé le taureau: les marchés financiers semblent être entrés dans une phase durable de baisse, alimentée par la médiocrité de l'économie réelle et la peur.

Sur les marchés, deux animaux s'affrontent, le taureau et l'ours. Le premier est un animal optimiste et le plantigrade est pessimiste. Un marché où l'optimisme l'emporte est taurin (bullish en anglais), et a contrario bearish (caractéristique de l'ours) quand le pessimisme est le sentiment dominant.

«Ne bougez pas. Nous entrons dans une période très difficile, je crois que c'est peut-être le début d'un marché de l'ours qui peut durer un moment (...) Souvenez-vous, les ours ne mangent pas» en cette période, a recommandé sur CNBC Dennis Gartman, éditeur américain d'une lettre spécialisée sur les marchés, encourageant les investisseurs à adopter une attitude attentiste dans un environnement incertain.

Mercredi, les marchés ont fortement reculé, et jeudi matin, ils s'engageaient de nouveau dans une spirale baissière, avec de fortes variations, venant accentuer un phénomène qui était déjà à l'oeuvre depuis plusieurs semaines.

Pour les analystes de CM-CIC, les marchés font face à un «changement de paradigme».

Depuis un moment déjà, tous les organismes internationaux révisent à la baisse leurs prévisions de croissance. Les indicateurs macroéconomiques dessinent à petites touches un horizon terne, poussif, fait d'incertitudes, d'aléas, et donc à la merci d'un retournement.

«La forte réaction sur les marchés actions et les taux souverains (des obligations de dette souveraine, ndlr) hier témoigne d'une prise de conscience de la morosité des perspectives de croissance mondiale, doublée d'une conjonction de facteurs incluant des inquiétudes sur la pandémie Ebola ou encore sur le risque d'un nouveau dérapage en Grèce», selon CM-CIC.

La directrice générale du FMI Christine Lagarde a résumé l'avenir d'un mot: «médiocre».

Il y a «un risque que le monde soit aux prises pendant un certain temps avec un niveau de croissance médiocre», a déclaré Mme Lagarde début octobre.

Les investisseurs s'inquiètent de l'état des moteurs de la croissance mondiale. La zone euro est engluée entre stagnation et risque de déflation, la Chine est en train de ralentir, les pays émergents sont à la peine, et la locomotive américaine n'est pas aussi puissante qu'il n'y paraît.

Cette succession de nouvelles peu encourageantes pour les marchés a rempli goutte à goutte le vase et mercredi, il y a eu «un gros coup de blues sur un chiffre (une mauvaise donnée macroéconomique américaine) qui a fait déborder le vase» pour René Defossez, stratégiste obligataire de Natixis.

«La mauvaise ambiance a conduit à une augmentation claire de la volatilité et à un mouvement de ventes sur les marchés actions», abondent les analystes de la banque allemande DZ Bank.

Maintenant, «le marché va rester très nerveux et très attentif à la publication de chaque chiffre», selon M. Defossez.

Le phénomène met aussi beaucoup de pression sur les grandes banques centrales.

La Reserve fédérale américaine veut progressivement mettre un terme à sa politique monétaire ultra généreuse (inondant les marchés de liquidités) à mesure que l'économie américaine se redresse, mais «à mesure que la morphine monétaire se dissipe, le patient réalise que beaucoup des anciens problèmes sont toujours là», estime Michael Hewson de CMC Markets.

La BCE (Banque centrale européenne) de Mario Draghi avait elle calmé les marchés financiers en 2012 en quelques mots, les assurant que l'institut de Francfort ferait tout le nécessaire pour sauver l'euro. Mais Mario Draghi a dit récemment que la BCE avait déjà beaucoup fait et que la balle était maintenant dans le camp des gouvernements européens qui devaient prendre leurs responsabilités pour relancer la croissance.

Pour les analystes d'Aurel, ce qui s'est passé mercredi sur les marchés (et qui semble se reproduire jeudi) a «un petit goût de crise financière».

Mais certains sont plus optimistes, comme Alexandre Baradez chez IG, pour qui les mouvements récents ne remettent «pas en cause la vision de moyen terme qu'ont les marchés de l'économie européenne et de la relance en cours».