Aujourd'hui, mieux vaut éviter de passer sous une échelle ou de frayer avec les chats noirs, si vous êtes superstitieux. Quant à investir en Bourse, vous pouvez y aller sans crainte. Bien sûr, il y a eu le krach du 13 octobre 1989, mais autrement, le vendredi 13 n'est pas de mauvais augure en Bourse. Au contraire.

En fait, les marchés financiers semblent bien éloignés de cette superstition. L'analyse des données boursières ces 25 dernières années fait plutôt ressortir un comportement acheteur les vendredis 13, tant pour le marché canadien des actions que l'américain. Il s'accorde en cela à l'optimisme ambiant durant cette période.

Depuis 1989, le S&P/TSX de la Bourse de Toronto, comme le Dow Jones des industrielles de la Bourse de New York, a clôturé 1,6 fois plus souvent dans le vert que dans le rouge, les «vendredis noirs». À comparer, le ratio est de 1,2 fois seulement pour les 6230 autres séances.

Au total, selon nos calculs, les jours prétendument funestes ont généré un rendement moyen marginalement positif pour le Dow mais nettement profitable (0,16%) du côté du TSX. C'est même cinq fois mieux que toutes les autres séances durant la période étudiée.

Cela inclut l'impact du désastreux vendredi 13 octobre 1989. Ce jour-là, l'indice Dow Jones a dégringolé de 6,9%, effaçant deux ans de gains. Le ballon des «junk bonds» venait de crever. Le marché canadien des actions n'échappa pas à la crise de confiance mondiale dans ces obligations à haut risque, cependant que les dommages ont été contenus ici à 3,5% de la capitalisation boursière.

Le vendredi 13 octobre 2000 a par contre vu des gains marqués de 1,6% à New York et jusqu'à 2,9% à Toronto avec le rebond vigoureux des titres technologiques vedettes du moment comme Nortel et Research In Motion. Un commentaire de l'influente firme Goldman Sachs sur la nette sous-évaluation des cours à Wall Street a vivifié les marchés nord-américains.

Calendrier boursier

Il faut dire que les vendredis, 13 ou non, sont le plus souvent positifs en Bourse, les investisseurs n'hésitant pas à prendre de longues positions avant le week-end, quitte à corriger le tir le lundi venu. Le Stock Trader's Almanac, la bible des dévoreurs de statistiques boursières, a établi à 54,1% cette occurrence, entre janvier 1990 et mai 2012. Le phénomène était encore plus prononcé avant cela, avec un ratio de 57,9%, possiblement un relent du temps où la Bourse de New York était ouverte le samedi.

Le vendredi est aussi considéré par les opérateurs de marché comme «un accélérateur de tendance» avant le week-end. Concrètement, si le marché est baissier ce jour-là, le repli va s'accentuer la semaine suivante. À l'inverse, une tendance haussière va s'accélérer.

Des chercheurs des universités Griffith et Louisiana Tech, aux États-Unis, intéressés par l'effet des superstitions sur la Bourse américaine des marchandises, ont par ailleurs établi une propension haussière les jours se terminant par 3 ou 8, chiffres considérés comme chanceux en Chine, ce qui inclut le 13. Les Chinois comptent pour près de la moitié de l'activité de ce marché où se brassent des biens comme le coton, le soya ou le cuivre.

Avec Lucie Goupil, La Presse

D'où vient cette superstition?

La crainte suscitée par un vendredi 13 au calendrier est connue sous le doux nom de paraskevidékatriaphobie. Son origine, dans la civilisation occidentale, remonte au temps de Jésus et ses apôtres. En effet, il y avait 13 convives à la table du Christ durant la Cène, le dernier repas de Jésus, avant sa crucifixion le Vendredi saint. Le cinéma a bien entretenu le mythe du nombre «maudit» depuis 1980 avec les films de peur de la série Vendredi 13.