La poussée boursière des deux dernières semaines de juin reposait avant tout sur l'espoir de nouvelles mesures d'assouplissement monétaire, tant en Europe qu'aux États-Unis, alors que les indicateurs économiques signalent plutôt un ralentissement de la croissance qui ne peut qu'avoir grugé les profits.

Depuis, la Banque centrale européenne, la Banque d'Angleterre et même la Banque populaire de Chine sont passées à l'action et les spéculateurs ont empoché leurs profits.

Et maintenant?

«Ce qui risque d'être difficile au cours des prochaines semaines, c'est la saison des résultats, résume Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux. Beaucoup d'entreprises vont rater leurs cibles.»

«Au Canada, les anticipations de profits sont trop élevées, renchérit Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Banque Nationale. Les analystes ont fait leurs prévisions d'après un prix du baril de pétrole entre 107 et 110$. Ils n'ont pas compris l'ampleur de la crise européenne.»

Bref, quelques turbulences à l'horizon avant qu'on puisse remettre les pendules à l'heure et se reconcentrer sur les fondements économiques.

Les règles de notre portefeuille fictif étant ce qu'elles sont, nos experts peuvent ajuster leur mise en début de trimestre seulement, un exercice délicat dans le présent contexte pour M. Delisle dont le plan estival est d'acheter sur faiblesses. Cela l'amène pour nous à réduire néanmoins de 6% sa part en revenus fixes qu'il redéploye moitié-moitié dans les actions canadiennes, où il demeure le plus faiblement investi, et dans les actions d'Europe, Asie et Extrême-Orient (EAEO), où il mise davantage que les trois autres.

Il demeure néanmoins le plus engagé en actions avec Michel Doucet, vice-président, gestion de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins, qui soutient vouloir protéger le capital dans un contexte encore plein d'incertitudes.

Il évite les marchés EAEO à cause de l'Europe, au profit des actions canadiennes. «Tant qu'il n'y aura pas la fin du supercycle d'endettement, il y peu d'espoir en Europe, explique-t-il. La classe politique redéfinit le filet de sécurité social, mais l'électorat n'est pas dans le bateau.»

Il demeure le plus déployé en actions nord-américaines. L'économie y tourne au ralentit, certes, mais elle avance tout de même. Les entreprises ont fait le ménage.

Il réduit néanmoins sa part en actions canadiennes au profit des américaines, moins exposées aux pays émergents qui peinent à maintenir leur cadence infernale des dernières années. «J'ai sous-estimé le ralentissement de la Chine», admet-il.

Tout en partageant cette lecture économique de l'Amérique du Nord, François Bourdon, vice-président et chef adjoint des placements chez Fiera Capital, boude encore les actions américaines au profit des canadiennes.

«Depuis juin 2009, l'indice Standard & Poor's a progressé de 50% environ alors que l'indice S&P/TSX n'enregistre aucun gain», observe-t-il. Le potentiel est peut-être de ce côté-ci de la frontière.

Il choisit aussi de doubler son encaisse en réduisant sa mise dans les obligations canadiennes. Il est persuadé que les taux ont atteint leur plancher (plus les taux sont faibles, plus les obligations sont chères).

Même si la croissance canadienne reste modeste, l'économie se rapproche de son plein potentiel, ce qui devrait obliger la Banque du Canada à donner un premier tour de vis en deux ans, cet automne, estime-t-il.

Stéfane Marion n'est pas d'accord, lui qui place la moitié de ses billes en titres à revenus fixes dont les quatre cinquièmes en obligations.

«L'environnement actuel est le plus désinflationniste depuis plusieurs années, juge-t-il. Il y a 30% de chance que le taux des obligations américaines venant à échéance dans 10 ans tombe à 1%.» Il se situe autour de 1,6% ces jours-ci, un creux historique à cause de leur qualité de valeur refuge.

Si cette gageure est la bonne, alors le rendement obligataire serait le plus élevé ce trimestre encore, car les titres canadiens suivront de près ceux de nos voisins.

Malgré sa grande prudence, François Bourdon pense que l'Amérique du nord va bien, somme toute, et parviendra à maintenir une expansion d'environ 2% cette année. Et puis, le pessimisme envers l'Europe est peut-être un brin excessif. «L'Europe va continuer de vaciller sans fléchir, prédit-il. Sa force de maintien est assez grande et capable de faire durer l'agonie.»