En optant pour une mesure mitoyenne telle le prolongement de l'opération Twist, la Réserve fédérale américaine (Fed) risque-t-elle de saborder la reprise boursière amorcée le 4 juin?

La Fed devait choisir entre la mise en place d'un troisième programme d'assouplissement quantitatif qui aurait été l'action la plus vigoureuse, le prolongement de l'opération Twist, ou le statu quo en s'abstenant d'annoncer toute nouvelle mesure. Elle a choisi la deuxième option. Elle a également réitéré qu'elle maintiendra le taux au jour le jour à un niveau très bas jusqu'à la fin de 2014.

Les marchés ont reçu la nouvelle avec calme. Les Bourses américaines qui étaient légèrement à la baisse avant la publication à 12h30 du communiqué de la Fed ont d'abord chuté de quelques points de plus avant de récupérer et de revenir au point neutre 30 minutes plus tard. En fin de séance, tous les indices boursiers étaient à peu près inchangés.

Mais les mesures annoncées seront-elles suffisantes pour soutenir le rallye boursier qui était dopé, faut-il le rappeler, par des anticipations d'actions vigoureuses de la part de la banque centrale européenne (BCE) et de la Fed? Depuis son bas atteint durant la séance du 4 juin, le S&P 500 a grimpé de 7,2%. Même chose à Francfort où le DAX est en hausse de 7,6% depuis ce jour.

À la suite du sauvetage des banques espagnoles et de la formation d'un gouvernement proaustérité en Grèce, la BCE est demeurée sur les lignes de côté.

Quant à la Fed, la mesure annoncée hier ne peut sûrement pas être qualifiée d'agressive, estime Jean-René Adam, stratège adjoint chez Hexavest. «L'opération Twist est en soi stérile, car elle n'ajoute pas de nouvel argent dans le système», dit-il. D'ici la fin de l'année, la Fed achètera pour 267 milliards d'obligations du gouvernement américain ayant des échéances de 6 à 30 ans, mais elle financera l'opération en vendant des obligations de plus courte échéance.

Il est clair que la Fed, tout comme la BCE, marque le pas et se garde des munitions, croit le stratège. «Mais les marchés incorporaient déjà dans leurs prix des actions plus vigoureuses des banques centrales», dit-il. «Dans ce contexte, on criant que les marchés reculent au cours des prochaines semaines», conclut-il.

Prête à faire plus

Ce n'est peut-être que partie remise. À la fin de son communiqué, la Fed se dit prête à prendre si nécessaire d'autres mesures pour stimuler l'activité économique qu'elle voit pour l'instant ralentir.

L'extension de l'opération Twist constitue une mesure transitoire, explique Stéfane Marion, économiste en chef à la Financière Banque Nationale. Si la Fed a opté pour celle-ci au lieu d'un troisième programme d'assouplissement quantitatif, c'est qu'elle manquait d'information sur ce qui adviendra de la crise européenne, ainsi que de la direction que prendra la politique budgétaire américaine. «Elle ne s'implique pas trop pour l'instant, et se contente de s'assurer que les taux à long terme ne montent pas», dit-il. «Quant à imprimer de l'argent, elle ne le fera que si la situation empire», ajoute-t-il.

La Fed se réunira à nouveau les 31 juillet et 1er août, et ensuite les 12 et 13 septembre.

Si les Bourses ont peu bougé, ce ne fut pas le cas sur certains marchés de commodités, note l'économiste. Pour un, le prix du pétrole termine la journée en baisse de 3,5%.

Quant aux marchés obligataires, l'action de la Fed limitera toute hausse des taux à long terme, indique Guy Liébart, président de Gestion Sodagep. «Cela continuera de rendre la vie difficile aux gestionnaires des caisses de retraite et des compagnes d'assurance pour qui les taux très bas diminuent leur capacité à respecter leurs engagements futurs», dit-il. Le rendement des obligations à long terme (40 ans) est actuellement de 2,35% au Canada et de 2,75% aux États-Unis.