La capacité de Goldman Sachs (GS) à générer des profits sera-t-elle suffisante pour pallier une réputation de plus en plus chancelante?

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Ses pratiques d'affaires, souvent mises en cause pour des raisons de conflits d'intérêts, sont de nouveau au centre d'une tempête médiatique à la suite de la démission d'un de ses cadres moyens à Londres.

En accompagnant sa démission d'une lettre ouverte dans le New York Times, Greg Smith, 33 ans, employé de la firme depuis 12 ans, porte un nouveau coup à la réputation déjà malmenée de Goldman Sachs.

Rappelons que Greg Smith, chargé de négocier des produits dérivés pour le compte de Goldman Sachs auprès de clients en Europe et au Moyen-Orient, a démissionné mercredi matin en disant que l'entreprise est arrivée à un point où elle place continuellement ses propres intérêts devant ceux de ses clients.

Dans un milieu où le succès repose d'abord sur la confiance, l'onde de choc déclenchée par les déclarations du jeune cadre a rapidement fait le tour de la planète. Greg Smith affirme que la culture de l'entreprise est devenue plus toxique et destructive que jamais.

La chose n'a pas échappé à Paul Volcker, ex-président de la Réserve fédérale, qui conseille actuellement le gouvernement américain quant à la mise en place de règles visant à limiter les transactions que les banques peuvent effectuer pour leur propre compte.

Lors d'une conférence à Washington organisée par le magazine The Atlantic, M. Volcker a expliqué que la transformation de Goldman Sachs en société publique cotée à la Bourse et dotée d'une grande capacité de transiger pour son propre compte l'avait éloignée de sa stratégie qui consistait à répondre aux besoins de ses clients. «La mentalité de la firme a changé, et je crains que sa façon d'agir cause de nombreux conflits d'intérêts», a-t-il dit.

Tendance à la baisse

Ce n'est pas la première fois que Goldman Sachs doit se défendre contre des accusations de conflits d'intérêts. Des agissements douteux durant la crise des subprimes en 2007-2008 l'avaient conduite devant une commission sénatoriale où elle avait tenté de défendre ses pratiques sans trop de succès. Une amende de 550 millions lui avait été imposée à la suite de cette enquête.

La baisse du prix de son action au cours des dernières années indique que la compagnie semble se remettre de plus en plus difficilement des attaques à sa réputation. Bien que le titre ait réalisé une embellie spectaculaire depuis décembre, comme bien d'autres banques, le graphique des variations des trois dernières années montre qu'il n'a pas encore réussi pas à renverser la tendance à la baisse dans laquelle il se retrouve depuis l'automne 2009 alors qu'il touchait 190$.

Même qu'à ce chapitre, Goldman Sachs est bien en retard sur sa grande rivale JPMorgan Chase dont le cours de l'action s'approche de son sommet de 2009.

Les meilleurs cerveaux

Mais Goldman Sachs existe depuis plus de 140 ans et possède bien des ressources. Sa principale force est qu'elle peut compter sur les meilleurs cerveaux de l'industrie des services financiers, explique Richard Guay, professeur de finance à l'UQAM et ex-PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec. «Typiquement, les gros investisseurs vont vers Goldman Sachs parce que ses négociateurs sont excellents à reconnaître les meilleures occasions de profits», dit-il.

Une réputation d'habile négociateur comme celle de Goldman Sachs ne change pas rapidement, selon lui. La firme a démontré par le passé sa capacité à gérer ce type de crise. «Dans deux mois, la tempête déclenchée par Greg Smith sera chose du passé et les meilleurs cerveaux seront toujours là et continueront d'attirer les clients», dit-il.

De plus, Goldman Sachs jouit d'un réseau de contacts exceptionnel. Plusieurs ex-Goldman se retrouvent dans des postes-clés dans les banques centrales, dont Mark Carney à la Banque du Canada.

Par ailleurs, on ne peut nier que la firme conseille souvent à la fois l'acheteur et le vendeur et qu'ainsi, elle est régulièrement en situation de conflit d'intérêts, dit M Guay. Conséquemment, elle continuera d'attirer l'attention des régulateurs.