Plus de peur que de mal hier pour les investisseurs canadiens, alors que la panique s'est emparée des marchés boursiers mondiaux pendant quelques heures après une troisième explosion nucléaire au Japon.

L'indice de la Bourse de Toronto, qui avait perdu jusqu'à 2,5% en matinée, a finalement clôturé la séance d'hier en baisse de 0,53% à 13 546,96 points. «C'est une correction très ordonnée», dit Vincent Delisle, stratège boursier chez Scotia Capitaux.

Les indices américains ont aussi perdu plus de 2% de leur valeur à l'ouverture avant de terminer la journée avec des baisses plus modestes (-1,15% pour le Dow Jones, -1,12% pour le S&P 500 et -1,25% pour le NASDAQ). En Europe, où l'énergie nucléaire est plus populaire qu'en Amérique du Nord, la Bourse de Paris a perdu 2,5% et la Bourse de Francfort (Allemagne) s'est dépréciée de 3,2%. À l'échelle mondiale, le baril de pétrole a perdu 3,96% hier pour clôturer la séance à 97,18$US.

Les Japonais, qui ont bien d'autres soucis depuis les tremblements de terre de vendredi dernier ayant fait probablement plus de 10 000 morts, ont néanmoins été durement frappés en Bourse hier: l'indice boursier Nikkei a perdu 10,6%. Il s'agit de la quatrième pire séance boursière de l'histoire du pays, après deux séances consécutives durant le krach boursier mondial de 1987 et la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008.

L'incertitude autour des réacteurs nucléaires japonais ne devrait pas trop faire mal au portefeuille des investisseurs canadiens. C'est que l'énergie nucléaire est peu représentée au sein de l'indice TSX. «C'est le secteur nucléaire qui se fait ramasser en Bourse, dit le stratège boursier Vincent Delisle. Les marchés boursiers en France et en Allemagne, où il y a davantage de production nucléaire, seront davantage affectés.»

Peu d'importations

Des autres pays du G8, le Japon est probablement celui dont les soubresauts économiques affectent le moins l'économie canadienne. «C'est un pays qui exporte et qui n'achète pas à l'étranger, dit Vincent Delisle. C'est pourquoi l'impact économique de cette tragédie sera circonscrit surtout au Japon. La contagion à l'extérieur du pays va être assez modeste.»

Depuis le début de la crise nucléaire japonaise, l'indice de la Bourse de Toronto a perdu 0,9% de sa valeur. Plusieurs experts ont une autre explication pour les pertes boursières de la semaine : l'appréciation de 19% du TSX dans les six mois entre septembre et février. «Les marchés cherchaient n'importe quel prétexte pour une baisse», dit Carlos Leitao, économiste en chef de la Banque Laurentienne. «Le Japon est un élément déclencheur après deux ans de hausses boursières», dit Jean-Paul Giacometti, vice-président de Gestion de placements Claret.

«Les acheteurs étaient surreprésentés sur les marchés boursiers, dit le stratège Vincent Delisle. À court terme, les marchés boursiers sont vulnérables, un peu comme c'était le cas l'an dernier avant la crise financière en Grèce.»

Selon un économiste de BMO Groupe financier, les marchés boursiers mondiaux se remettront vite des tremblements de terre et de la crise nucléaire au Japon. Robert Kavcic a étudié le comportement de l'indice mondial Morgan Stanley après des tragédies comme l'accident nucléaire de Tchernobyl (1986), les attentats du 11 septembre 2001 et l'ouragan Katrina (2005). «Peu importe leur réaction initiale, les marchés boursiers mondiaux reviennent à leur point de départ environ un mois après la tragédie», dit Robert Kavcic.

À la Bourse de Toyko, par contre, les prochaines semaines ne s'annoncent pas très prometteuses. «Il faudra voir les dommages au tissu industriel japonais, qui est très intégré, dit l'économiste Carlos Leitao. La fermeture d'une usine peut entraîner des conséquences importantes sur le reste de la chaîne de production. Il faudra aussi voir comment les compagnies d'assurances du Japon seront affectées.»

D'autres experts sont plus optimistes pour l'économie japonaise et son marché boursier. «Les événements des derniers jours pourraient être un élément déclencheur pour une économie sclérosée par des consommateurs qui ne dépensent pas, dit Jean-Paul Giacometti, vice-président de Gestion de placements Claret. Ce qui a été détruit se remplace. Dans six mois à un an, ce sera porteur pour l'économie japonaise. Le problème sera plutôt de financer ces travaux à long terme.»