De Londres à New York en passant par Paris et Toronto, les places boursières ont toutes enregistré des baisses significatives hier, emportées par le sentiment que la reprise économique n'est pas encore chose faite.

«L'économie mondiale est encore en récession, explique Carlos Leitao, économiste en chef de Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Et même quand on finira par en sortir, vers le troisième trimestre de 2009, la reprise qui suivra sera très lente.»

M. Leitao a la réputation d'être un bon prévisionniste en général, mais aussi d'être plus pessimiste que certains de ses pairs par les temps qui courent. Des données sur l'emploi publiées hier sont venues apporter de l'eau à son moulin.

Aux États-Unis, les nouvelles demandes d'assurance chômage ont atteint 631 000 la semaine dernière (le consensus tablait sur 630 000), un signe que le marché du travail continue de se détériorer. Il y avait aussi 6,7 millions d'Américains qui continuaient à recevoir des prestations. «C'est un signe qu'il y a encore très peu d'emplois qui se créent», analyse M. Leitao.

C'est aussi la lecture que semblent avoir faite les investisseurs des principales places boursières, qui ont toutes reculé entre 1,5% et 3% après l'annonce de cette donnée.

En détail, le Dow Jones a perdu 1,5%, alors que l'indice principal de la Bourse de Toronto a reculé de 2,8%, à 9949,59 points.

Le sous-secteur de l'énergie, lui qui a progressé de 40% depuis son creux de l'hiver, a reculé de 4% hier. Par exemple, le titre de Suncor a reculé de 4,2% et celui d'Encana, plus important producteur de gaz naturel au pays, a perdu 5,6%.

Pourtant, les marchés auraient pu s'attarder à une autre donnée publiée hier, plus positive que les demandes de chômage. L'indicateur avancé américain a augmenté de 1% en avril après une baisse de 0,2% en mars. Remarquez bien les gants blancs que prend l'économiste principal de Desjardins, Francis Généreux, quand il commente ce résultat: «(L'indicateur) signale peut-être un revirement de la situation économique dans quelques mois. Il faudra cependant d'autres résultats positifs de ce genre pour s'assurer de cette conclusion», écrit-il.

Au téléphone, M. Généreux parle notamment de la confiance des Américains, qui s'améliore, mais reste basse. «C'est encore trop faible pour voir une hausse soutenue des ventes de détail», explique-t-il.

La grande correction?

Difficile de dire si cette baisse généralisée des Bourses hier est le début de cette correction que plusieurs anticipent, après une remontée archi-rapide des indices, quand il est devenu clair pour le marché que la récession serait importante, mais qu'il ne s'agissait pas d'une reprise de la dépression des années 30. La progression de la Bourse de Toronto laisse particulièrement perplexe Carlos Leitao, qualifiant même le parquet canadien d'«animal un petit peu bizarre».

Il en veut surtout à la progression «trop exubérante» des ressources naturelles. «Je pense que cette foi dans une reprise mondiale, ce n'est pas vraiment justifié.»

À la fin de l'année dernière, il avait mis une cible de 8000 points au S&P/TSX pour la fin de 2009, soit près de 20% de moins que sa fermeture hier. Il ne sent pas le besoin de changer sa prévision.

Chez Valeurs mobilières Desjardins, Luc Girard, du Groupe-conseil en portefeuille, est beaucoup plus optimiste. Il voit l'indice principal de Toronto à 11 000 points à la fin de l'année.

Mais même lui n'exclut pas la possibilité d'un recul marqué au cours des prochaines semaines, soit de 10% à 15%, environ la moitié des gains réalisés depuis le creux de mars.

Ce qui nourrit son optimisme, c'est d'abord la volatilité qui s'est beaucoup dissipée ces dernières semaines et aussi les montagnes d'argent qui dorment dans les fonds monétaires. Il y a un mois, explique-t-il, l'équivalant de 44% de la capitalisation boursière mondiale était postée dans ces fonds qui rapportent très peu. Cette semaine, c'est 38%, un chiffre encore fort imposant.

«Ce cash va peut-être rentrer (en Bourse) avant d'avoir atteint le 10% ou 15% de recul...»

Une partie de la réponse viendra sans doute la semaine prochaine, alors que seront publiées une flopée de données sur l'économie américaine.

 

TOUS LES SECTEURS DANS LE ROUGE

Télécoms -0,26%

Santé -1,26%

Matériaux -1,32%

Consommation autre -1,55%

Services publics -1,60%

Consommation courante -1,87%

Industrielles -2,92%

Finance -3,01%

Énergie -3,99%

Technologies -4,04%