Le TSX a franchi le seuil des 10 000 points hier à la Bourse de Toronto, si bien que nombre d'investisseurs vont se demander s'il n'est pas temps de retirer leurs billes et de suivre le dicton Sell-in-May-and-Go-Away.

Le Sell-in-May est basé sur l'idée que les rendements boursiers sont bien meilleurs dans la période d'octobre à mai que dans la période de juin à septembre. Un investisseur qui miserait tout sur cette stratégie vendrait ses actions en mai et ne reviendrait au marché qu'en octobre.

Parmi les stratèges et gestionnaires de portefeuille joints par La Presse Affaires, les avis sont partagés sur la valeur de l'adage, mais on s'entend pour dire qu'il pourrait s'agir d'une bonne stratégie, au moins pour cette année.

«Nous sommes relativement pessimistes, donc nous ne serions pas surpris que de vendre en mai et quitter par la suite soit une bonne stratégie, dit Jean-Sébastien Garant, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Sigma Alpha Capital. La dernière remontée était trop forte et prématurée.»

«Il y a peut-être des choses qui sont allées un peu vite, soutient Denis Durand, associé principal chez Jarislowsky Fraser, qui croit que le marché va se tranquilliser un peu. Si vous avez eu des rendements de 70% et que les choses n'ont pas trop changé, vous pourriez prendre un peu de gains.»

Mettre les chances de son côté

Une nouvelle étude statistique de la firme Canaccord Adams tend d'ailleurs à démontrer que le Sell-in-May a une certaine validité sur le S&P/TSX.

Nick Majendie et Melanie Jenkins ont étudié les rendements du S&P/TSX et de son prédécesseur, le TSE 300, de 1921 à 2008.

Ils remarquent que la moyenne de rendement pour les périodes d'octobre à mai atteint 6,3%. C'est de loin supérieur au rendement moyen de 1,5% des périodes de juin à septembre.

Dans 78% des cas, le rendement d'hiver a battu le rendement d'été.

Canaccord montre aussi que, durant les 21 dernières années, le rendement du groupe Mines et métaux du TSX a offert des rendements négatifs de 3,7% du 31 mai au 30 septembre. Et un investisseur qui aurait acheté le secteur tous les 30 septembre et l'aurait vendu tous les 31 mai aurait plutôt enregistré un gain de 13,9% en moyenne.

«Être défensif à la fin mai [...] est la plupart du temps la bonne décision», soutiennent les deux analystes Nick Majendie et Melanie Jenkins dans une note de recherche. Selon eux, l'étude de la saisonnalité ne garantit pas des décisions d'investissement au moment idéal, «mais cela aide à mettre les chances de son côté».

Avis partagés

Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux, croit au «Sell-in-May» et y prête une certaine attention. «Les premiers mois de l'année sont assez dynamiques, alors que la période estivale est plus ou moins ordinaire, observe-t-il. Je crois à cet adage, mais ça fonctionne seulement si tu rachètes à l'automne, précise le stratège. Si tu ne reviens jamais au marché, ce n'est pas payant.»

Jean-Sébastien Garant remarque aussi que «le dicton s'est avéré à quelques reprises». Mais il ne va pas plus loin. «Professionnellement, on ne peut pas appliquer une stratégie de la sorte à nos portefeuilles.»

Denis Durand souligne de son côté qu'il y a toujours eu un peu de «saisonnalité» dans les marchés, mais que tout dépend des secteurs. Par exemple, il se souvient que les titres des brasseurs de bière canadiens représentaient de bonnes occasions d'achat en hiver, et de bonnes occasions de vente en été.

Mais il n'en fait pas de stratégie générale. «Je me méfierais un peu du Sell-in-May, dit-il. On a déjà expliqué ce dicton en disant que les gens partaient en vacances en mai et ne s'occupaient plus de leurs placements. Mais on a déjà eu de bons marchés en août.»

Même si un investisseur ne croit pas au Sell-in-May, cela pourrait s'avérer une bonne stratégie, au moins pour cette année.

UN ADAGE QUI TIENT LA ROUTE

Sur le site spécialisé Marketwatch, l'observateur Mark Hulbert fait l'apologie du Sell-In-May-and-Go-Away, en dépit du fait que, dans les deux dernières années, l'application de la maxime aurait représenté des pertes. Mais contrairement à Canaccord, il utilise la période de référence du 31 octobre au 30 avril. Il cite une étude publiée en 2002 dans l'American Economic Review, qui montre qu'entre 1970 et 2008, l'adage tient statistiquement la route dans les marchés boursiers de 36 des 37 pays à l'étude. Et il souligne aussi que, depuis 1896, le Dow Jones présente des rendements presque trois fois supérieurs durant les mois d'hiver. Mais sur le même site, l'auteur Tom Lydon, spécialisé dans les fonds négociés en Bourse, soutient que vendre en mai pourrait faire manquer un important indicateur technique, soit quand les indices dépasseront leur moyenne mobile de 200 jours.