Avec la chute brutale du marché immobilier, des courtiers en mal de clients offrent des rabais importants sur leurs commissions. Mais quand on lit bien les petits caractères, leurs offres ne sont pas aussi alléchantes qu’elles en ont l’air.

Des courtiers de deux bureaux de RE/MAX ont proposé un rabais de commission à notre journaliste en vue d’obtenir le mandat de vendre sa maison.

La pratique fait sourciller d’autres courtiers affiliés à la même enseigne.

« Quand c’est trop beau pour être vrai, ça ne l’est sûrement pas », déplore Georges Bardagi, dirigeant de Bardagi équipe immobilière RE/MAX du Cartier GB.

« Bien que légale, c’est une approche marketing ratoureuse et le consommateur est en droit d’avoir des informations claires et précises dès le départ », souligne à son tour Martin Desfossés, courtier chez RE/MAX Bonjour.

Le rabais en question

Des courtiers RE/MAX ont affirmé au téléphone qu’ils facturaient une commission de seulement 1,5 % sur le prix de vente de la propriété alors que la tendance du marché au Québec se situe plutôt à 4 % et à 5 %.

Pour une maison de 450 000 $, par exemple, le prix de la commission est de 18 000 $ à 22 500 $ plus taxes (14,9 %), donc de 20 695 $ à 25 869 $. À 1,5 %, la commission chute à 6750 $ ou 7760 $ avec les taxes. Un très gros rabais.

Cependant, lorsqu’un courtier réussit à vendre une propriété, il n’est pas le seul courtier impliqué dans la transaction. Il doit partager sa commission avec le courtier qui amène l’acheteur de ladite propriété.

Attention aux petites clauses

En analysant en détail l’offre alléchante des courtiers de RE/MAX, La Presse a découvert que le rabais ne s’applique que si la propriété est vendue avec l’aide d’un autre courtier provenant du même bureau RE/MAX qui offre la promotion.

Si la vente se conclut avec le courtier d’une autre équipe RE/MAX, le propriétaire doit ajouter une commission d’environ 2 % payable au courtier représentant l’acheteur. Même scénario si le courtier représentant l’acheteur provient d’une autre enseigne, comme Royal LePage ou Sutton.

« Quand je veux explorer des marchés, je baisse ma propre commission de 0,5 % parce que c’est comme ça que j’attire des gens », raconte au téléphone une courtière de Royal LePage qui préfère ne pas être nommée afin de ne pas s’attirer les foudres de ses collègues.

Offrir 1,5 %, c’est vraiment du tape-à-l’œil pour réussir à vous rencontrer, parce que du moment où on est assis devant vous avec tous nos documents, c’est facile de faire signer le contrat pour vendre votre propriété.

Une courtière anonyme de Royal LePage

Georges Bardagi abonde dans le même sens. « C’est un moyen de mettre le pied dans la maison, et une fois qu’ils y sont, ce sont des vendeurs et ils font leur travail de vente. »

Le courtier qui a 32 ans d’expérience explique que les courtiers sont des travailleurs autonomes et indépendants. « Ils peuvent faire ce qu’ils veulent comme promotion, indique-t-il. Avec la loi sur la libre concurrence, personne n’a d’autorité sur un courtier pour lui dire combien il peut demander pour ses services. »

« RE/MAX Québec ne peut être en accord ou en désaccord. Ce sont des franchisés », soutient Georges Bardagi.

Les risques d’une commission trop basse

Chez Sutton Québec, la vice-présidente Julie Gaucher constate que les courtiers qui travaillent avec des acheteurs n’apprécient guère les rabais.

« Parmi nos 1600 courtiers chez Sutton, il y en a sûrement qui font ça, relate-t-elle, mais quand un courtier ou une équipe le publicise, ça atterrit sur mon bureau, parce que tout le monde veut lui arracher la tête. Dans ce cas, je parle à mon franchisé et je lui demande des explications. »

Même si déontologiquement ils n’ont pas le droit de le faire, certains courtiers immobiliers vont choisir d’amener leur client vers une propriété vendue par un courtier qui offre une meilleure commission, affirme la vice-présidente de Sutton Québec.

« Dans la pratique, la commission qui est offerte aux courtiers collaborateurs a une influence sur leur motivation à présenter une ou une autre propriété », observe aussi Martin Desfossés, chez RE/MAX Bonjour.

« Les courtiers qui offrent trop bas se font boycotter, remarque-t-il. Plus la commission est haute, plus on va avoir d’acheteurs. »