Avec des taux d’intérêt sur les retards frôlant les 27 % par année et des calculs qualifiés d’« abusifs » pour les fins de contrat, Vidéotron devra faire face à une action collective qui pourrait concerner des milliers de clients québécois depuis octobre 2018.

Le recours a été autorisé le 3 février dernier, mais n’avait pas été relayé dans les médias. Ce n’est que lundi que Vidéotron a envoyé à tous ses abonnés potentiellement concernés un avis les informant du recours, dont les dates d’audience n’ont pas encore été précisées. Ce sont les cabinets de Québec BGA et Garnier Ouellette qui représentent les consommateurs.

La cause a initialement été déposée le 20 octobre 2021 au nom d’un abonné aux services de télédistribution et de l’internet résidentiel, Richard Gagné. Le 26 juin 2020, M. Gagné avait reçu un avis de retard parce qu’il avait omis de payer sa facture précédente, qui arrivait à échéance le 16 juin. Or, pour ces dix jours de retard, il s’est vu facturer le plein montant de 2 % pour un mois tel que décrit dans les modalités de services, soit 3,07 $. Ce taux mensuel de 2 % représente des frais d’intérêt annuels de 26,82 %.

« C’est donc un taux de 2 % sur dix jours qui lui a été facturé, soit trois fois plus que ce qui est prévu dans les modalités de services, selon monsieur Gagné », peut-on lire dans le jugement. Il aurait dû, selon ses calculs, ne payer que 1,02 $ en intérêts. De plus, ces frais lui auraient été imposés alors que Vidéotron n’avait pas encore rendu les services payés, qui commencent le 16 de chaque mois.

En conflit d’intérêts

M. Gagné a tout de même payé la facture entière mais, deux mois plus tard, soit le 13 août 2020, il a résilié son contrat avec Vidéotron. Comme son mois n’était alors pas terminé, il estime qu’une somme de 10,89 $ aurait dû lui être remboursée, ce qui n’a pas été fait.

Vidéotron, propriété de Québecor, a de son côté remis en cause la capacité de M. Gagné de représenter adéquatement l’ensemble des abonnés, « car celui-ci n’a entrepris aucune démarche qui démontre son intérêt et sa compétence ». L’entreprise a de plus évoqué une « apparence de conflit d’intérêts en raison de la relation d’amitié que le demandeur a avec l’un des avocats ».

Le tribunal a plutôt estimé que M. Gagné « ne démontre pas une indifférence dans le présent dossier et montre une compréhension générale de ses tenants et aboutissants ». On estime en outre qu’il n’est pas en conflit d’intérêts, bien qu’on s’interroge sur le fait qu’il n’ait pas « calculé lui-même le crédit [auquel] il prétend avoir droit ».

Comme le rappellent constamment les juges québécois dans ce type de cause, et comme le fait ici le juge Jacques Blanchard, on explique que l’autorisation de l’action collective « ne constitue pas une appréciation du fond de l’affaire qui est plutôt réservée au procès ». Il faut simplement que « les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées ». « Il lui suffit de démontrer l’existence d’une cause soutenable, défendable, “seuil notoirement peu élevé” », écrit le juge Blanchard.

Il autorise en conséquence l’action collective pour toute personne domiciliée au Québec qui a conclu un contrat de services de communication avec Vidéotron et qui, entre le 20 octobre 2018 et le 3 février 2023, s’est vu facturer des intérêts pour retards « qui contreviennent à ce que prévoit [son] contrat ». La cause s’étend également à ceux qui auraient payé d’avance leurs services durant ce temps et qui n’auraient pas obtenu un remboursement adéquat au moment de la résiliation de leur contrat.

Le jugement ordonne en outre à Vidéotron de publier un avis sur sa page Facebook, son compte Twitter et son site web pendant 30 jours.

Ce texte a été modifié afin de préciser que Vidéotron doit publier un avis d’action collective sur son site web pendant 30 jours et non dans les 30 jours de la publication du jugement. Un surtitre qui pouvait laisser entendre que le demandeur alléguait que les frais d’intérêts imposés par Vidéotron en cas de retard de paiement étaient abusifs a par ailleurs été supprimé. Comme le texte l’indiquait, le demandeur soutient plutôt que c’est la pratique d’imposer des intérêts sur la totalité d’un mois de services que Vidéotron n’avait pas encore livrés qui est abusive. Nos excuses.