La cadette qui surpasse son aînée. C’est en quelque sorte l’histoire de BRP, détachée de Bombardier en 2003 avant d’atterrir en Bourse il y a une décennie. Il était impossible de prévoir une croissance aussi fulgurante, reconnaît José Boisjoli, l’architecte du constructeur de véhicules récréatifs.

« Je ne pouvais pas anticiper que nous serions là, explique-t-il, en entrevue avec La Presse jeudi, en marge de l’assemblée annuelle de la multinationale québécoise. J’ai toujours cru que l’on pouvait avoir du succès, mais cela s’est fait au fur et à mesure. »

Pendant que Bombardier – recentrée exclusivement sur l’aviation d’affaires – accumulait les restructurations pendant les dix dernières années, le scénario était bien différent chez BRP : le constructeur des Ski-Doo, Sea-Doo et Can-Am a multiplié les lancements de nouveaux produits, réalisé des acquisitions en plus de jeter les bases d’une nouvelle division, le groupe marin (bateaux). Il a aussi relancé la production de motocyclettes en plus de se lancer dans un chantier d’électrification de ses produits.

Le rendez-vous annuel du constructeur de motoneiges, motomarines, motos à trois roues et autres véhicules récréatifs coïncidait avec le 10e anniversaire de son arrivée sur le parquet de Bay Street, le 29 mai 2013.

Le résultat ? En 10 ans, l’entreprise établie à Valcourt a vu son effectif passer de 6800 à 23 000 employés.

Son chiffre d’affaires annuel a bondi de 245 % pour atteindre 10 milliards et le cours de son action a été multiplié par plus de quatre fois. À la clôture de la Bourse de Toronto, jeudi, la valeur boursière de BRP se chiffrait à 7,5 milliards, comparativement à 5,2 milliards pour Bombardier.

« On parle d’une compagnie qui était perçue comme la petite sœur de Bombardier et qui est finalement devenue la plus grande, souligne le professeur Karl Moore, du département de gestion de l’Université McGill. José [Boisjoli] a fait tout un travail. Quand on pense à la moto à trois roues Can-Am, c’est un succès qui a permis à la compagnie de se diversifier. »

Propriétaires patients

Même si les actions de BRP sont négociées en Bourse, la société est dirigée par la famille Beaudoin-Bombardier (45 % des droits de vote) et Bain Capital (32,6 % des droits de vote). M. Boisjoli a pu compter sur la présence d’actionnaires capables de se montrer plus patients, souligne le professeur Moore, en ajoutant qu’il ne s’agit pas d’un luxe dont bénéficient tous les gestionnaires.

Le grand patron de BRP, aux commandes depuis 2003, joue la carte de l’humilité malgré les succès de la firme qu’il dirige. À plus d’une reprise, M. Boisjoli préfère vanter les efforts de ses employés ainsi que la « culture d’entreprise ».

« Nous avons été capables de la préserver malgré notre expansion », dit-il.

Si vous allez dans d’autres pays où nous sommes présents, les travailleurs ont la même volonté d’engagement et de résilience que nous avons ici à Valcourt, où tout a commencé.

José Boisjoli, président et chef de la direction

L’histoire aurait pu être différente. Si l’ancienne division des produits récréatifs n’avait pas été essaimée en 2003, elle n’aurait peut-être jamais eu les ressources financières pour réaliser ses ambitions, rappelle M. Moore.

« Chez Bombardier, les besoins ont été énormes pour la C Series et le développement de la famille des jets privés Global, rappelle le professeur. Quand on regarde en arrière, ç’a été incroyable pour l’entreprise d’avoir pu voler de ses propres ailes. »

Toujours dans le vert

Avant la tenue de son assemblée annuelle, qui se déroulait uniquement en webdiffusion, BRP a fait le point sur sa performance financière au premier trimestre terminé le 30 avril. À l’exception d’une diminution des revenus dans le segment marin, les indicateurs sont demeurés au vert pendant les mois de février, mars et avril.

La multinationale a une fois de plus dépassé les attentes des analystes en affichant une augmentation de ses profits et revenus (voir tableau). Malgré la montée des taux d’intérêt et la détérioration des conditions économiques, la performance du constructeur québécois ne montre pas encore de signe d’essoufflement.

« Aux États-Unis, 35 % de la population gagne plus de 100 000 $ US et 70 % de nos clients ont un salaire annuel supérieur à 100 000 $ US, illustre M. Boisjoli. Les consommateurs mieux nantis continuent à acheter nos produits. »

À la Bourse de Toronto, jeudi, l’action de l’entreprise a retraité de 1,4 %, ou 1,38 $, pour clôturer à 95,13 $.

BRP jusqu’ici :

1959

La production de la motoneige Ski-Doo débute.

2003

Détachée de Bombardier, la division des produits récréatifs devient BRP.

2013

L’entreprise arrive à la Bourse de Toronto le 29 mai.

2018

BRP débarque au NASDAQ pour y négocier ses actions.

2021

Déploiement de la stratégie d’électrification des produits.