Sitôt annoncé, sitôt critiqué. Le projet de vente pour 2,8 milliards CAN du distributeur de produits automobiles Uni-Sélect à un concurrent de Chicago qui fait sept fois sa taille suscite des doutes dans le milieu d’affaires québécois.

À commencer par l’un des principaux actionnaires d’Uni-Sélect, la Caisse de dépôt et placement, qui détient 4,2 millions d’actions ou 9,5 % du capital-actions de l’entreprise.

« Les raisons de cette transaction ne sont pas encore évidentes pour nous, d’autant plus qu’il n’y a pas eu de processus [de sollicitation d’offres] annoncé dans le marché », a indiqué Maxime Chagnon, chef des relations médias à la Caisse de dépôt.

En fait, peu après l’annonce matinale de lundi par Uni-Sélect et LKQ, le président et chef de la direction de la Caisse, Charles Emond, a eu une rencontre de discussion avec le président exécutif et chef de la direction d’Uni-Sélect, Brian McManus.

« On va prendre le temps d’évaluer tout ça d’ici l’assemblée » [extraordinaire des actionnaires pour approuver l’entente convenue entre les hautes directions d’Uni-Sélect et de LKQ], a signalé M. Chagnon à La Presse quant aux intentions de la Caisse pour la suite de ce projet de transaction d’entreprise.

Prix « opportuniste »

Entre-temps, parmi les analystes boursiers qui gardent un œil sur Uni-Sélect, l’analyste montréalais Benoit Poirier, de Desjardins Marchés des capitaux, qualifie « d’opportuniste » le prix de 48 $ CAN par action que LKQ a convenu de payer aux actionnaires d’Uni-Sélect, selon l’entente négociée avec son conseil d’administration.

« Le prix cible moyen des analystes pour les actions d’Uni-Sélect est de 52 $ [CAN] par action, ce qui suggère que le marché boursier anticipe qu’il y a encore de la valeur additionnelle à saisir », indique Benoit Poirier dans une note aux investisseurs.

« Même si les dirigeants et des actionnaires d’Uni-Sélect pouvaient être satisfaits de l’offre actuelle [à 48 $ CAN par action], par rapport à leur valeur [environ 9 $] d’il y a deux ans, je ne serais pas surpris si un investisseur de calibre ou une autre grande entreprise américaine des pièces d’automobiles, comme O’Reilly Automotive ou AutoZone, se manifeste avec une offre concurrente à celle négociée avec LKQ. »

Pour le moment, dans leur annonce d’une entente de transaction d’acquisition, les hautes directions de LKQ et d’Uni-Sélect indiquent avoir obtenu l’appui d’actionnaires d’importance, comme la firme torontoise EdgePoint Investment, qui possèdent en tout près de 20 % des actions de l’entreprise québécoise.

Pour être approuvée lors d’une prochaine assemblée extraordinaire des actionnaires d’Uni-Sélect, l’entente de vente négociée avec LKQ doit obtenir l’appui de deux majorités : une « super-majorité » aux deux tiers de tous les votes exprimés en assemblée, et une majorité simple (50 % et plus) des votes après l’exclusion des actions détenues (environ 20 %) par des firmes comme EdgePoint Investment.

Prime de 20 %

Pour le moment, selon les chiffres annoncés lundi par la haute direction d’Uni-Sélect, le prix d’achat de 48 $ CAN par action qui serait payé au comptant par LKQ représente une prime de 20 % par rapport au cours moyen de ses actions durant les 20 derniers jours de transactions à la Bourse de Toronto.

« L’opération offre une valeur et des liquidités attrayantes à nos actionnaires et représente l’aboutissement des efforts de notre équipe dévouée visant à améliorer nos activités et à accroître l’efficacité en mettant l’accent sur l’excellence du service à la clientèle », soutient Brian McManus, président exécutif et chef de la direction d’Uni-Sélect, dans un communiqué commun avec LKQ.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Brian McManus, président exécutif et chef de la direction d’Uni-Sélect

Nous voyons d’importantes occasions dont bénéficieront nos clients, nos employés et nos fournisseurs, car cette opération nous permettra de combiner nos forces complémentaires au sein de l’équipe de LKQ, qui est plus grande, multidisciplinaire et en croissance.

Brian McManus, président exécutif et chef de la direction d’Uni-Sélect

De son siège social à Boucherville, Uni-Sélect gère un réseau de 15 centres de distribution et de 400 succursales situées au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Elle emploie quelque 5 200 personnes.

Lors de son exercice 2022, Uni-Sélect a réalisé des revenus en hausse de 7,1 % à 1,73 milliard US. Le bénéfice d’exploitation, à 159,6 millions US, a crû de 73 % sur un an, ce qui a propulsé le bénéfice net en rebond considérable à 65 millions US, très loin devant le montant anémique de 895 000 $ US qui avait été comptabilisé un an plus tôt.

Pour sa part, le futur propriétaire annoncé d’Uni-Sélect, le groupe LKQ de Chicago, se décrit comme « un fournisseur mondial de pièces de rechange et de pièces spécialisées utilisées pour réparer et accessoiriser les automobiles ».

LKQ exerce des activités en Amérique du Nord, en Europe et à Taïwan.

En 2022, LKQ a réalisé un chiffre d’affaires de 12,79 milliards US, avec un bénéfice net de 1,15 milliard US. Avec ses actions cotées au marché NASDAQ, la capitalisation boursière de LKQ équivaut à 15,3 milliards US.

Des territoires qui se complètent

Malgré cette différence de taille entre Uni-Sélect et LKQ, de l’ordre de sept pour un selon les revenus, l’entreprise de Chicago aurait l’intention de maintenir les activités du siège social d’Uni-Sélect à Boucherville.

« Les activités nord-américaines de distribution de peinture automobile et de pièces mécaniques de Uni-Sélect complètent le territoire actuel de LKQ, indique le président et chef de la direction de LKQ, Dominick Zarcone, dans le communiqué commun avec Uni-Sélect.

« Nous sommes heureux que l’acquisition permette à LKQ d’établir une présence importante au Québec, y compris le siège social de Uni-Sélect à Boucherville, élargissant ainsi les activités commerciales déjà existantes de LKQ dans cette province. »