La Caisse de dépôt et placement du Québec a perdu patience avec Gildan et vient de vendre toutes ses actions du fabricant montréalais de t-shirts et de chaussettes qui, à ses yeux, ne paierait pas sa juste part d’impôt.

La Caisse tourne le dos à Gildan

Un document déposé cette semaine auprès de la Securities and Exchange Commission des États-Unis révèle que le plus important investisseur institutionnel du Québec ne détient plus aucune action de Gildan.

Actionnaire de longue date de l’entreprise, la Caisse de dépôt était toujours un des dix plus importants actionnaires institutionnels de Gildan, dont le siège social est à Montréal, avec une participation qui dépassait encore 3 % l’été dernier.

Gildan était aussi un des 20 plus gros placements québécois de la Caisse, et cela inclut les placements privés, les marchés boursiers et les infrastructures.

Le plus gros investisseur institutionnel du Québec avait entamé l’année avec plus de neuf millions d’actions de Gildan en portefeuille, un investissement évalué à près d’un demi-milliard de dollars en début d’année.

Si la Caisse a vendu des blocs d’actions dans la première moitié de 2022, elle détenait encore pour plus de 210 millions de dollars d’actions de Gildan au début de juillet.

C’est un total de 5,7 millions d’actions de Gildan qui ont ainsi été vendues par la Caisse depuis juillet.

La Caisse de dépôt n’a pas souhaité expliquer sa décision, mais selon nos informations, elle est directement liée à des préoccupations fiscales.

Dans le passé, le grand patron de la Caisse, Charles Emond, a déjà prévenu publiquement l’entreprise. Il avait dit qu’il allait appliquer à Gildan la même logique qui s’applique aux entreprises dont la Caisse est actionnaire et qui ne paient pas leur juste part d’impôt.

La Caisse utilise son engagement en tant qu’actionnaire pour influencer les entreprises à avoir les meilleures pratiques en matière de critères environnementaux, sociaux, de gouvernance et de fiscalité.

La Caisse pose des questions aux dirigeants des entreprises qu’elle soutient et expose ses préoccupations. Si une entreprise ne se conforme pas à ses exigences, la direction de la Caisse peut décider de liquider son investissement.

« La Caisse de dépôt a été un bon investisseur de Gildan pendant plusieurs années », indique à La Presse la porte-parole de Gildan, Genevieve Gosselin.

Bien que nous soyons déçus que la Caisse ne soit plus l’un de nos actionnaires, nous comprenons également que les entreprises d’investissements ont un certain nombre de critères qui constituent la base de leurs décisions d’investissement et que ceux-ci peuvent changer à tout moment ou de temps à autre.

Genevieve Gosselin, porte-parole de Gildan

« Nous respectons leur décision et les remercions pour leur soutien au fil des ans. »

Sous surveillance

Dans son plus récent rapport d’investissement durable, la Caisse souligne que le pays d’incorporation n’est pas une fin en soi pour déterminer l’existence d’une planification fiscale abusive et c’est pourquoi elle dit analyser chaque occasion d’investissement en prêtant une attention particulière au taux d’impôt consolidé qui s’applique et pour lequel le taux de 15 % constitue un des points de référence.

À la suite de la revue de ses placements boursiers en 2020, la Caisse avait ainsi placé huit entreprises sur sa liste de sociétés sous surveillance.

Dans son rapport annuel, Gildan soutient « bénéficier d’un taux d’impôt effectif relativement bas puisqu’elle tire la majorité de son bénéfice et réalise la majorité de ses activités dans des territoires de l’Amérique centrale et dans les Caraïbes où le taux d’impôt est peu élevé ».

Le taux d’impôt effectif moyen de Gildan s’est élevé à 2,8 % en 2021.

L’entreprise précise que ses « positions fiscales et ses charges d’impôt sont fondées sur des interprétations des lois fiscales applicables dans les territoires où elle exerce ses activités » et que ces interprétations « font appel à des jugements et à des estimations qui peuvent être contestés lors de vérifications fiscales gouvernementales auxquelles Gildan est régulièrement soumise ».

Les installations de fabrication de Gildan sont situées dans quatre centres principaux, plus précisément aux États-Unis, en Amérique centrale, dans les Caraïbes et au Bangladesh.

L’action de Gildan montre un repli de 30 % cette année à la Bourse de Toronto.

Neuf des dix analystes qui s’intéressent officiellement aux activités de Gildan proposent l’achat du titre.

Les transactions significatives

Les grands investisseurs institutionnels québécois ont multiplié les transactions durant les mois printaniers afin de se positionner pour l’automne. Voici quelques gestes significatifs.

Caisse de dépôt et placement du Québec

Chef des marchés liquides : Vincent Delisle
Siège social : Montréal
Fait saillant : Élimination de la participation dans Gildan

Autres gestes significatifs au troisième trimestre de 2022

Vente de 1,4 million d’actions d’Alibaba
Vente de 3,3 millions d’actions de General Motors
Achat de 1 million d’actions de Merck

Une position initiale d’une cinquantaine de millions américains est prise dans Restaurant Brands (Tim Hortons), tandis que les participations dans plusieurs banques américaines (Citigroup, Bank of America, JP Morgan, Morgan Stanley et Wells Fargo) sont substantiellement augmentées. Le placement dans Electronic Arts est abaissé de 60 % à la suite de la vente de 1,2 million d’actions. La participation dans la Scotia a été liquidée durant le trimestre estival. Si elle avait déjà été abaissée de 65 % pendant le trimestre printanier, elle valait néanmoins encore une cinquantaine de millions US. Le placement dans Alibaba, qui valait plus de 150 millions US, est aussi éjecté du portefeuille.

Investissements PSP

Chef des placements : Eduard van Gelderen
Siège social : Ottawa (bureau principal à Montréal) Fait saillant : Bonification substantielle de la participation dans la Banque TD

Autres gestes significatifs au troisième trimestre de 2022

Achat de 1,7 million d’actions de Citigroup
Achat de 1,1 million d’actions de Wells Fargo
Vente de 1,3 million d’actions de Cenovus

L’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public (PSP) – l’un des grands gestionnaires de fonds pour des caisses de retraite au pays – bonifie de nouveau son placement dans la Banque TD. Après l’avoir majoré de 25 % au trimestre précédent avec l’addition de 475 000 actions, PSP vient d’ajouter 1,5 million d’actions de la TD, l’équivalent d’une hausse de 65 %. Une position dans la biotech de Laval Bellus Santé vient d’être initiée avec l’achat de 271 440 actions. L’investissement dans Starbucks est bonifié de 30 % (+200 000 actions), alors que celui dans Bank of America est abaissé de 26 % (-904 000 actions).

Fiera Capital

Chef des placements, marchés publics : Jean Michel
Siège social : Montréal
Fait saillant : Diminution substantielle de l’investissement dans Bausch Health

Autres gestes significatifs au troisième trimestre de 2022

Vente de 3,7 millions d’actions d’Open Text
Vente de 2,3 millions d’actions de Carrier Global
Achat de 657 881 actions de Lattice Semiconductor

Le gestionnaire d’actifs montréalais a abaissé de 22 % son placement dans Restaurant Brands à l’été avec la vente d’un peu plus de 720 000 actions de la société mère de Tim Hortons. L’investissement dans Enerplus diminue de presque 40 % avec la liquidation de 957 000 actions du producteur d’énergie de Calgary. La participation dans Mosaic est de nouveau abaissée avec la vente de 613 000 actions. L’investissement dans la pharmaceutique de Laval Bausch Health est presque éliminé à la suite de la vente de 3,3 millions d’actions.

Jarislowsky Fraser

Chef de recherche : Charles Nadim
Chef des actions : Kelly Patrick
Siège social : Montréal
Fait saillant : Bonification importante du placement dans CAE

Autres gestes significatifs au troisième trimestre de 2022

Vente de 664 356 actions de Manuvie
Achat de 412 017 actions de Telus Vente de 376 856 actions de Nutrien

Le gestionnaire d’actifs appartenant à la Banque Scotia vient de réduire sa participation dans Manuvie pour le quatrième trimestre de suite. La vente de 664 356 actions durant le trimestre estival équivaut à une baisse de 2 %, une réduction semblable en pourcentage à celle du trimestre précédent. Le placement dans Manuvie avait été abaissé de 35 % (-13,5 millions d’actions) au premier trimestre cette année.

Letko Brosseau

Responsables des placements : Peter Letko et Daniel Brosseau
Siège social : Montréal
Fait saillant : Élimination de la participation dans Bausch Health

Autres gestes significatifs au troisième trimestre de 2022

Vente de 1,5 million d’actions de Cenovus
Achat de 2,2 millions d’actions de CI Financial
Achat de 2,8 millions d’actions de Hudbay Minerals

Le placement dans Suncor est encore une fois abaissé. Après la vente de 2,6 millions d’actions en début d’année et de 1,1 million d’actions au printemps, un bloc de 633 804 actions a été liquidé durant le trimestre estival, l’équivalent de 12 % de la participation restante dans ce producteur d’énergie de Calgary. La participation dans Adient est éliminée avec la vente de 1,6 million d’actions de ce fournisseur dans le secteur de l’automobile.